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L'hiftorien du Paraguai rapporte un fait plus extraordinaire d'une lionne. Les Espagnols fe trouvoient affiégés dans Buenos-Aires, par les peuples du canton. Le Gouverneur avoit défendu à tous ceux qui demeuroient dans la ville, d'en fortir. Mais craignant que la famine, qui commençoit à fe faire fentir, ne fît violer fes ordres, it mit des gardes de toutes parts, avec ordre de tirer fur tous ceux qui chercheroient à paffer l'enceinte défignée. Cette précaution retint les plus affamés, à l'exception d'une feule femme nommée Maldonota qui trompa la vigilance de fes gardes. Cette femme, après avoir erré dans des champs déferts, découvrit une caverne, qui lui parut une retraite fûre contre tous les dangers: mais elle y trouva une lionne, dont la vue la faifit de frayeur. Cependant les careffes de cet animal la raffurèrent un peu : elle reconnut même que fes careffes étoient intéreffées. La lionne étoit pleine, & ne pouvoit mettre bas; elle fembloit demander un fervice que Maldonota ne craignit point de lui rendre. Lorsqu'elle fut heureufement délivrée fa reconnoiffance ne fe borna point à des témoignages préfents, elle fortit pour chercher fa nourriture; &, depuis ce jour, elfe ne manqua point d'apporter, aux pieds de fa libératrice, une provifion qu'elle partageoit avec elle. Ces foins durèrent auffi long-temps que fes peaits la retinrent dans la caverne. Lorfqu'elle les en eut retirés, Maldonota ceffa de la voir, & fut réduite à chercher fa fubfiftance elle-même. Mais elle ne put fortir fouvent fans rencontrer les Indiens, qui la firent efclave. Le Ciel permit qu'elle fut reprise par les Espagnols, qui la ramenèrent à BuenosAires. Le Gouverneur en étoit forti. Un autre Efpagnol, qui commandoit en fon abfence, homme dur jufqu'à la cruauté, favoit que cette femme avoit violé une loi capitale, il ne la crut pas affez punie par fes infortunes. Il donna ordre qu'elle fût liée au tronc d'un arbre, en pleine campagne,

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pour y mourir de faim, qui étoit le mal dont elle avoit voulu fe garantir par fa fuite, ou pour y être dévorée par quelque bête féroce. Beux jours après il voulut favoir ce qu'elle étoit devenue. Quelques foldats, qu'il charges de cet ordre, furent furpris de la trouver pleine de vie, quoiqu'environnée de tigres & de lions, qui n'ofoient s'approcher d'elle, parce qu'une lionne, qui étoit à fes pieds avec plufieurs lionceaux, fembloit la défendre. A la vue des foldats la lionne fe retira un peu, comme pour leur laiffer la liberté de délier fabienfaictrice. Maldonota leur raconta l'aventure de cet animal, qu'elle avoit reconnu au premier moment; & lorfqu'après lui avoir ôté fes liens ils fe difpofoient à la reconduire à Buenos-Aires, il la careffa beaucoup, en paroiffant regretter de la voir partir. Le rapport qu'ils en firent au Commandant, lui fit comprendre qu'il ne pouvoit, fans paroître plus féroce que les lions mêmes, fe difpenfer de faire grace à une femme dont le Ciel avoit pris fi fenfiblement la défenfe. Voyez l'Hift. générale des Voyages. On cite plufieurs garants de ce fait fingulier

Ceux qui gouvernoient l'éléphant qui étoit autrefois à la ménagerie, ont obfervé qu'il connoiffoit bien ceux qui fe moquoient de lui, & qu'il s'en vengeoit lorfqu'il pouvoit en trouver l'occafion. Un peintre vouloit le deffiner en une attitude extraordinaire, qui étoit de tenir la trompe levée & la gueule.ouverte. Le domeftique du peintre, pour le faire demeurer en cet état, lui jettoit des fruits dans la gueule, &, le plus fouvent, faifoit femblant d'en jetter. L'animal en fut irrité; &, comme s'il eût reconnu que l'envie que le peintre avoit de le deffiner, étoit la caufe de cette importunité, au lieu de s'en prendre au domeftique, il s'adreffa au maître, & lui jetta, par la trompe, une quantité d'eau, dont il gâta le papier fur lequel le peintre deffinoit.

Voici deux autres faits, relatifs à l'éléphant, ci

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tés dans l'hiftoire naturelle du cabinet du Roi. Un éléphant maltraité par fon cornac, (c'eft ainfi qu'on apelle fon conducteur) s'en étoit vengé en le tuant. Sa femme témoin de ce spectacle, prit fes deux enfants & les jetta aux pieds de l'animal, encore tout furieux, en lui difant : Puifque tu as tué mon mari, ôte-moi auffi la vie, ainsi qu'à mes enfants. L'éléphant s'arrêta tout court, s'adoucit, &, comme s'il eût été touché de regret, prit avec fa trompe le plus grand de ces deux enfants, le mit fur fon cou, l'adopta pour fon cornac & n'en ⚫ voulut point fouffrir d'autre.

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Si l'éléphant eft vindicatif, il n'eft pas moins reconnoiffant. Un foldat de Pondichéri, qui avoit coutume de porter à un de ces animaux, une certaine mesure d'arac, chaque fois qu'il touchoit fon prêt, ayant un jour bu plus que de raison, & fe voyant poursuivi par la garde, qui vouloit le conduire en prifon, fe réfugia sous l'éléphant, & s'y endormit. Ce fut en vain que la garde tenta de l'arracher de cet afyle, l'éléphant le défendit avec fa trompe. Le lendemain le foldat revenu de fon ivreffe, frémit à fon réveil, de fe voir couché fous un animal d'une groffeur fi énorme. L'éléphant, qui fans doute, pourfuit l'hiftorien, s'apperçut de fon effroi, le careffa avec fa trompe pour le raffurer, & lui fit entendre qu'il pouvoit s'én aller.

Les Hiftoriens Latins qui ont écrit la vie de L'Empereur Domitien, nous disent que cet Empereur voulant donner une fête aux Romains, fit dreffer une troupe d'éléphants pour danfer un bal-. Jet. On leur enseignoit des pas & des figures difficiles à retenir. Un de ces animaux ayant été battu, pour n'avoir pas bien retenu fa leçon, on remarqua que la nuit fuivante, il la répéta de fon propre mouvement, au clair de la lune.

On fait que de temps immémorial, les Indiens fe font fervid'éléphants à la guerre; mais aujourd'hui, que l'ufage des armes à feu s'eft introduit, Tome II.

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ces animaux font plutôt armés pour la repréfentation que pour l'effet. On tireroit peut-être un plus grand fecours des chiens, du moins pour la garde des places. Il eft dit, dans les Réflexions militaires de Santa-Cruz, qu'en 1702, Philippe V fut donner à Porto-Hercole, au mont Philippe, & au fort de l'Etoile, du pain de munition à quelques chiens qui rôdoient autour de ces poftes; ils fervoient autant que les fentinelles & les meilleures patrouilles. Au plus petit bruit des partis Autrichiens qui fortoient d'Orbitello, ou du fort de faint Etienne, ces chiens aboyoient avec tant de force, que la garnison étoit très-bien avertie. Si des détachements alloient en parti, ces chiens les précédoient, & découvroient toutes les embufcades des ennemis, ou indiquoient le chemin qu'ils fuivoient après avoir été battus.

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INTÉGRITÉ.

NE équité fans tache eft la première verte d'un juge, parce qu'il eft l'organe de la loi. Une négligence pardonnable dans un homme ordinaire, devient criminelle dans celui qui eft chargé de prononcer fur la fortune des citoyens. M. de la Faluere, premier Président du Parlement de Bretagne, n'étant encore que Confeiller, avoit été nommé rapporteur d'une affaire. Il en laiffa l'examen à des perfonnes qu'il croyoit d'auffi bonne-foi que lui; fur l'extrait qui lui en fut remis, il rapporta le procès. Quelques mois après le jugement il reconnoît que fa plus grande confiance & fa précipitation ont dépouillé une famille honnête & pauvre, des feuls biens qui lui reftoient; il ne fe diffimule point fa faute. Mais ne pouvant faire rétracter l'arrêt qui avoit été fignifié & exécuté, il fe donne les plus grands mouvements pour retrouver les malheureufes victimes de fa négli

gence. Il les retrouve enfin ; il ne craint point de leur avouer ce dont il fe fent coupable, & les force d'accepter, de fes propres deniers, la fomme qu'il leur avoit fait perdre involontairement. Quoique ce ne foit ici qu'un fimple acte de juftice, nous ne devons pas lui refufer notre admiration, parce que les exemples en font bien rares. M. de la Chauffée a fait ufage de ce fait, dans fa Comédie de la Gouvernante, représentée pour Ja première fois fur le théatre Français, le 18 Janvier 1747.

INTÉRÊT PUBLIC.

TOUTE action devient légitime, & même ver

tueufe, lorfqu'il s'agit de l'intérêt public. C'est ce principe qui, chez les Arabes, a confervé cet exemple de févérité d'un Gouverneur de Bafra, nommé Ziad. Ce Gouverneur, après avoir inutilement tenté de purger la ville des affaffins qui 'infectoient, fe vit contraint de décerner la peine de mort contre tout homme qui fe trouveroit la nuit dans les rues. L'on y arrêta un étranger; il fut conduit devant le tribunal du Gouverneur dont il effeya de fléchir la clémence par fes larmes. Malheureux étranger! lui dit Ziad, je dois te paroître injufte, en puniffant une contravention à des or dres que tu as pu ignorer; mais le falut de Bafra dépend de ta mort: je pleure & te condamne.

INVALIDES.

Свох
CEUX qui par des bleffures reçues pour

la

trie, fe font mis hors d'état de la fervir, ont obtenu chez toutes les Nations, un droit à fa reconnoiffance & à fes bienfaits. Louis XIV a cherché

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