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Ees cherche en fes écrits, & ne les trouve plus.
Tel eft le bon plaifir, ou plûtôt l'injustice
De l'ufage dont le caprice
Le degoute éternellement

De ce qui lui plut un moment,
Mais des Latins le langage immuable
En rend la gloire plus durable;

Et ce que maintenant leurs Mufes ont d'attraits
Sans craindre les degoûts d'un fiecle variable,
Aux yeux de leurs amans ne fletrira jamais.
Ainfi de HossCHIUS (a) la Mufe toûjours belle
Et plus pure toûjours que le plus pur ruisseau,
Le couronnant d'une gloire immortelle
Triomphera de l'oubli du tombeau.
Ainfi vivra celui dont l'heureux caractere
Tantôt du docte CALABROIS

Fait raisonner la Lyre fous fes doigts,
Tantôt fçait emboucher le Clairon dont HOMERE
Chanta d'Achille la colere.

De WALLE (b)fe va rendre immortel comme lui,
Sous ce double Laurier, dont par un privilege
De fa tête chenue il couronne la neige,
Il fera dans mille ans ce qu'il eft aujourd'hui
Sous un brillant foleil, auquel font exposées
Ces belles fleurs, que planta de fa main
RAPIN à qui VIRGILE en laissa le deffein,
Et qui de pur nectar en furent arrofécs:

(a) Sidronius Hofschius, tione Markemienfis, nâquit dans Je Diocese d'Ipres, en 1596. Il entra chez les Jefuites l'an 1616. Il enfeigna les Humanités avec beaucoup de fuccés pendant s. ans. Enfuite il s'adonna à la Poëfie, où il a excellé. On en a fait un Recueil qui a été imprimé plufieurs fois, tant en France que dans les pays Etrangers. Il mourut à Tongres ville du pays de Liege, vers la Meufe le 4. Septembre 1653. La derniere édi

tion de ses Poëfies, à laquelle font à la fin les Elegies du P. Becan a été imprimée chez les freres Barbou en 1723.

(b) Jacobus Vallius, Jefuite, fut contemporain du P. Sidronius Hoflchius. Ces deux Autheurs ont fait plufieurs Ele gies, & autres genres de Poëfies qu'ils fe font envoyés mu. tuellement. Notre Autheur dedia fes ouvrages au Pape Alexandre VII. Le Recueil de fes Poëfies a été imprimé en 1723. chez les freres Barbou.

Toujours brillantes dans fes Vers,
Toujours fraiches, toujours nouvelles,
Elles vont deformais devenir immortelles
Et braver fous fon nom le tems & les hyvers.
C'est encore de toi la RUE;

Que doit long tems s'entretenir
Avec les fiecles à venir

La RENOMME'E, à qui ta Muse est fi connuë,
Leur remettant devant les yeux
Comme d'un pas audacieux

De l'Iffel écumant tu forces le paß age
Dans les Vers où tu bats avec tant d'avantage
Les Chefs des HOLLANDOIS qui poußent nos foldats:
Lorfque ta plume est encore occupée

A percer de fes traits même après leur trépas
Ceux que ton Ro 1 frappa de fon épée.

Et toi FRISON, crains tu que la pofterité
T'enfeveliße un jour fans renom & fans gloire
Dans cette injufte obfcurité,

Où des Auteurs François s'éclipfe la memoire?
Si je pouvois égaler ton efprit,

Si les Mufes vouloient autorifer ma veine
A chanter comme toi les combats de Turenne ;
Et les merveilles qu'il y fit,

Ou fi par un bonheur, où je n'ofe prétendre,
Il m'étoit, comme à toi, permis

De chanter les BouR BONS dans les champs de la FLANDRE
Rougis du fang des ennemis ;

Sans attendre d'autre falaire,

Mes defirs feroient trop contents

D'en avoir égalé la gloire par mes chants ;
Mais il faudroit trouver le fecret de le faire.

*SENTIMENS DE M. DESMARETS fur la préference injufte de la Langue Latine parmi les François.

X C V I.

des

'Eft une chofe étrange, & infupportable, que François qui fe font appliquez à la Langue Latine, ou pour l'enfeigner, ou pour en faire leurs delices, ayent tellement perdu l'amour & le refpect qu'ils doivent à leur patrie, que pour se faire valoir au deffus de tous les hommes, ils ne ceflent de décrier notre Langue, & ceux qui la cultivent, & qui l'ont mife au point de perfection où elle eft. Ils compofent contr'elle, & contre les Poëtes François, des vers fi injurieux & fi injuftes, qu'il n'y auroit perfoune en France qui ne les condamnât, s'ils é toient lûs, & intelligibles à tous: mais il faut les expofer en François, pour faire voir les raifons dont ils fe fervent & pour en faire juger. Car la railon eft pour tout peuple & pour toute Langue, & eft donnée à tous pour juger, fans qu'une Langue puiffe fe prévaloir fur une autre contre la raison.

Pour faire juger de ce differend, il a fallu tirer de leur obfcurité ces ouvrages Latins, qui paffent par la France comme des éclairs, n'étant lûs que par quelques amans des Latins, & étant auffi-tôt laissez parmi la foule des Poëfies Latines anciennes & modernes, où ils demeurent enfevelis pour jamais. Pour ne les laiffer fans combat, & comme triomphans dans leur cours paflager, j'ai cru que je devois les faire connoître par une fidelle traduction, vers pour vers, où l'on ne pourra pas m'accufer, ni pour la force de l'expreffion de l'Ode, ni pour la naïveté de l'Elegie.

*M. J. Defmarets de l'Académie Françoise fit imprimer en 1675. les deux Pieces qui fuivent. Celle ci eft une Préface; la fuivante eft la défense de la Poëfic & de la Langue Françoi

pas

fe adreffée à Monfieur Perrault dans cette defenfe on y trouve la traduction des deux Pieces precedentes & une Reponse aux Poëtes Latins.

M iij

Ils devoient fe contenter d'expofer leurs ouvrages a qui les pourroit entendre, fans attaquer ni notre Langue,. ni nos Poëtes, qui ne penfent point à les attaquer. Toutefois efperant fe rehaufler en nous abaiflant, ils font des vers pour décrier notre Langue & nos celebres Auteurs ; & ils ont efperé que fur lear plainte on voudroit, au préjudice de notre Langue, remettre en credit une Langue morte, c'eft-à-dire, qui n'a plus un peuple qui la parle & qui n'a plus qu'un refte de vie dans les Colleges, ou elle n'eft apprife que pour entendre les livres Latins.

Pour combattre ces hommes indignes du nom de François, puifqu'ils en méprifent & la Langue & les efprits; je me fuis fervi de vers libres, que les Grecs appelloient Dithyrambiques, & dont ils fe fervoient pour être plus libres dans leurs boutades ; & que j'ai crû être propres pour battre des Ennemis & pour les pourfuivre, car on ne combat & on ne pourfuit pas des Ennemis à pas reglez & également mefurez. Les Latins n'en ont point fait : & Horace ne parle des Dithyrambes que dans l'Ode où il loue Pindare. Plufieurs de nos Poëtes François fe fervent de ces vers libres dans les Madrigaux, dans les Fables, & dans quelques autres Poëfies, fans leur donner ce nom que l'Antiquité leur a donné. Nous verrons fi nos Latins en feront à l'envi, pour ne pas laiffer croire que la Langue Latine n'a pas eu la force d'en faire ; & s'ils me répondront avec la même vigueur, s'ils ne peu yent avec la même juftice.

E PÎTRE ·

A MONSIEUR PERRAULT,

DE L'ACADEMIE FRANCOISE.

Pour réponse aux Poëtes Latins.
Vers Dithyrambiques.

X C V I.

IEN défendre, PERRAULT,la France qui t'appelle Vien combattre avec moi cette troupe robelle, Ce ramas d'ennemis, qui foibles & mutins Preferent à nos chants les ouvrages Latins. Ne fouffrons point l'excès de leur audace injufte, Qui fur le grand Louis veut élever Augufte. Mais pourquoi tant de haine, & de dépit jaloux ? Nous ne parlons point d'eux, pourquoi parler de nous ? Leurs écrits empoullez nous font de folles guerres. Même ils ont pretendu nous battre fur nos terres. Dans le College feul leurs livres font aimez, Et par tout l'Univers nos chants font renommés. Mais la fureur me prend: l'injure eft trop cruelle: Je veux choisir un vers vengeur de la querelle, Un vers libre & fougueux, qui de pas inégaux S'écarte par bonds & par fauts,

Qui frappe, qui par tout, fans ordre & fans mefure, Se fait une ouverture.

Sur ces doctes presomptueux,

Je vai lancer le Dithyrambe,

Ce vers impetueux,

Comme Archiloque arma contre Lycambe

Les fureurs de l'iambe.

La fierté de l'Ecole a gâté ces efprits,
Amans trop obftinez de la Langue Latine,
Qui toujours attachez fur les mèmes écrits

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