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Ne s'éloignent jamais de leur vieille routine;

Qui n'afpirant qu'au rang d'imitateurs;
Ne peuvent s'élever plus haut que leurs Auteurs.
Pauvres imitateurs, ne faites point les braves,
Puifqu'Horace vous nomme un vil troupeau d'esclaves.
Trop indignes fujets du plus digne des Rois,
Copiftes des Latins, vous embrassez leurs loix.
Vous méprifez votre natale terre :

Vous faites à fa langue une mortelle guerre :
Vous dédaignez les chants de nos feconds efprits
Formez fur le bon goût qui feul donne le prix.
Et vous fi dévouez à des regles divines
Attachez dans un Cloître à des devoirs fi faints,
Vous pensez à la fable, à tous fes contes vains,
reclamer Phebus, & les Mufes Latines.
Vous leur donnez & les nuits & les jours,
Sans ceffe appellant leur fecours s

Vous ne ceffez d'emprunter la richeße,
Les honteufes erreurs, les noms des Dieux divers
De Rome & de la Grece,

Pour en orner vos vers.

Qu'on vous ête Apollon, les Muses, le Pargaffe,
Et les heureux lambeaux de Virgile & d'Horace,
Vous voilà fecs, mourans, fur la vafe coucher,
Comme font les poiffons des étangs deffechez.
Vous faites vanité de vivre fans courage,
D'une langue morte amoureux,

Dans votre païs propre étrangers malheureux,
Sans jamais de la France honorer le langage.
Tu fçais, PERRAULT, qu'Horace eut le defir
De faire des vers Grecs dans fon jeune loisir.
Il fut, dit-il, en fonge averti par Romule,
Que d'honorer la Grece il feroit ridicule,
Que de fa langue propre il relevât le prix.
Quel rang parmi les Grecs auroient eu fes écrits ?
Nous qui d'inventions ayant nos fources pleines,
Dédaignons puifer aux antiques fontaines.
Nous parlons un langage plus noble & plus beau
Que le trifte Latin qu'on tire du tombeau.
Sans l'aide ni des Dieux, ni des Metamorphofes,

Ni de tout le ramas des celebres écrits,
Toujours par de nouvelles chofes
Nous charmons les efprits.

Dans leur malheur ce qui plus les offenfe,

Eft de voir que COLBERT, infenfible à leurs vœux
N'a pas affez d'amour pour eux,

Et femble à leurs travaux refufer l'efperance.
Ses foins dans cet Etat veillent de toutes parts,
Pour accroître l'honneur des lettres

Des vers, & du langage,

des arts,

Voyant que de Louis les glorieux deftins
Ont à fon regne accordé l'avantage
Sur les ouvrages des Latins.

Cegrand Louis, dont la bouche éloquente,
Où la douceur fe mêle avec la majefté,
N'a rien de fuperflu, d'obscur, ni d'affecté,
Aime fa langue pure, fa troupe fçavante,

Qui pour fa gloire en formera des fons.
Et pour tout l'Univers en fera des leçons.
Cependant l'Ode injurieuse

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D'un Latin fuperbe & jaloux,
Traite avec un excez de haine furieufe
Un langage fi noble, fi fort, & fi doux,
Qui pour produire au jour une rare merveille,
Bannit tout ce qui blesse ou l'esprit, ou l'oreille ;
Toujours dans la douceur par la force affermi,
Et de toute licence implacable ennemi.
Il n'eft jamais, dit-il, en une affiete ferme.
Il n'eft point affuré de phraze, ni de terme,
Et l'ufage infolent fans ceffe peut changer.
La langue, au tems d'Horace étoit dans ce danger.
Mais quand les efprits, les courages,

En tout genre ont produit les plus parfaits ouvrages,
On peut bien fe vanter ainsi qu'il s'est vanté,
Et comme lui pretendre à l'immortalité:

C'est alors que la langue est à fon point fuprême,
Comme fut le Latin du tems d'Horace même.
RONSARDne corrompit son genie élevé,
Qu'en imitant les enflures antiques.

Sans les mots compofez qu'il croyoit magnifiques,

Son vers feroit plus achevé.

Ce n'est pas pour les mots rejettez par l'usage;
Que l'on néglige fon ouvrage.
Parte fiecle il n'eft rebuté,
Que pour avoir trop

imité

L'effort embarraffé que nos Latins imitent
Et par qui dans l'obscurité :

A toute heure ils fe precipitent.

Les graces de MAROT, celles de Saint GELAIS, Ne s'éteindront jamais.

Car c'est par le rare genie,

Et non par les rigueurs d'une exacte harmonie
Que les vers ont l'éternité.

L'efprit, plus que les mots, fait leur rare beauté.
Le* Mantouan se joue, & fe fait un mérite
Par les vieux mots qu'il reffufcite.

Un genie aẞuré de vaincre le trépas...
Fait des termes s'il n'en a pass

La rare invention inconnuë aux écoles,

Lui donné droit d'inventer des paroles." De l'envie des ans il furmonte les flots. Qui maîtrife les arts, peut maîtriser les mots. Le vers tient du genie fa force fes charmes. Tout pays a fa langue, & fes mœurs, & fes loix, Le divers accent de la voix,

L'art divers de combattre, & les diverses armes.
Les peuples fous des Rois ou lâches, ou vaillans,
Furent tantôt domtez, & tantôt affaillans..
Sous divers Chefs, Rome & Carthage
Eurent tantôt la honte & tantôt l'avantage...
Auffi tout ouvrage a fon prix,-

Non des termes divers, mais des divers efprits.
Le feul genie a fait en Horace, en Virgile,.
Ce que ne firent pas Ennius, ni Lucile..
Un peuple a pour un tems & l'empire les mots.
Rome fa langue enfin tomberent fous les Gots.
Mais notre langue regne, & doit être immortelle,
Nos Rois font protecteurs de l'Eglife éternelle,

Cet état & nos vers

Virgile.

Dureront avec elle autant que l'Univers.
Les modernes Latins ont pour toute leur gloire
Une riche memoire.

S'ils font un effort quelquefois,.
Ils inventent pour toute chofe
Une metamorphose.

Ovide leur en prête & l'exemple & les loix:
Et leur Mufe en repos n'étant jamais éprise
De la bouillante ardeur d'une haute entreprise,
Ils condamnent la langue l'esprit des François.

Mais dans quelle fureur, CoMMIRE, tu t'emportes,
Quand du nom de groffier ton chant traite DESPORTES,
Dont le langage pur vaut encore un grand prix;
Et ne meritoit pas ton injufte mépris ?

On aimera toûjours la memoire charmante
Et de fon Rodomont, & de fa Bradamante.
Mais jaloux de fa veine, ou de fon revenu,
Tu veux que l'on foufcrive à ton fens prevenu..
Ofes-tu bien encore dire de MALHER BL

que

On ne lit plus le vers fi doux & fi fuperbe,
De MALHERBE dont l'art nous apprit à chanter
Avec pompe, avec élegance,

Sans affecter la docle extravagance,
Et que tu devois respecter?

On le lira toûjours, on voudra l'imiter.
De BALZAC l'éloquence & fi noble & fi pure
Charmera toujours l'avenir:

Et jamais par les ans les graces de VOITURE
Ne pourront fe ternir.

Mais comment ofes-tu, COMMIRE,
Faire d'une Ode une Satire!
Sans refpect pour ton Souverain,

Qui répand fur fon fiecle un éclat qu'on admire,
Tu l'appelles un Siecle vain,

Ce Siecle, où par les grands Genies.
Pour les armes pour les arts

Les lumieres feront ternies

Dont brillerent les tems des Grecs & des Céfars,

Mais quelle eft votre ingratitude,

Latins, parmi vos vanitez?

Sans les Traductions, comment feroient vantez
Les fruits de votre étude?

Toutefois du PERRIER, auffi Latin que vous,
Dont le François vous fert d'un truchement fi doux,
Eprouve indignement votre mépris fuperbe,
Depuis qu'il a quitté VIRGILE pour MALHARBI.
Maintenant, ingrats, inhumains,

Vous ne le comptez plus dans le rang des Romains.
Vous vous plaignez de la Cour

des Belles,

Et de n'être jamais chantez dans les ruelles.

En vain vous en êtes jaloux.
Affez brillent en elles,

Les graces naturelles.

Elles n'ont pas besoin du Latin ni de vous.
Pour chanter de Louis la gloire triomphante,
Dont tous les peuples font furpris,

Il faut une langue vivante,

Intelligible à tous efprits:

Non une langue éteinte, embarrassée, obscure,
Qui dans le feul College a fon cours paffager,
Qui n'a point une force pure,

Et qui montre toujours fon defordre étranger.
Contre les vains efforts de la troupe fervile,
PERRAULT, arme avec moi ton ftile,
Join ta voix à ma voix,

Amon lut accorde ta lyre.

Publions en tous lieux où s'étend cet empire
La force & la beauté des ouvrages François.
Du fiecle de Louis celebrons l'avantage,
Et malgré les Latins, dont l'orgueil nous outrage,
Faisons que l'Univers admire les accords
De nos inventions avec notre langage,
Qui doit être vainqueur du langage des morts.

* On a repondu à cette Piece en François,

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