C'étoit pour lui profit certain. Lorsqu'une trifte conjoncture Fit place à l'importun chagrin. Amynthe dans fa chute avoit été blessée, Sa main, fa belle main par un caillou froiffée Enduroit de vives douleurs,
Le Berger mille fois la mouilla de fes larmes, Heureux en de telles allarmes
Si c'étoit un fecours que de verfer des pleurs! Hélas, s'écria-t-il, trop ingrate Bergere, Je vous ai fait le mal dont vous fentex les traits, Mais le tems par de prompts effets, Sera le Médecin d'une atteinte legere: Et je ne guerirai jamais
Du mal que vos yeux m'ont fçu faire.
*POETE RUSTICANTIS
INDIGNATIO
Ux CANTILLIACOS irrupit peftis in hortos?
Lethifero afflatu languefcere: cortice rupto In lachrymas fluit, & foliorum amifit honores
* Il y avoit à la Cour de M. le Prince une Demoiselle de qualité & de merite; mais dont la langue n'épargnoit perfonne. Monfieur de Santeul ne la pouvoit fouffrir. Il fit contre elle ces Vers qu'il intitula Peftis Cantilliaca. Notre Poëte les montra à M. le Prince, qui les trouva trop piquans & lui ordonna de les fupprimer. Il ne
put s'empêcher de les communiquer à M. le Duc du Maine: fur quoi Madame la Ducheffe du Maine lui marque par la lettre, qui fuit la traduction de cette Piece, combien cela avoit deplu à M. le Prince.
Depuis la mort de Monfieur de Santeal cette Piece a été rendue publique ainsi que la Traduction.
Paulatim moriens non fertilis ampliùs arbor; Et Naïas percuffa metu fefe occulit imis Quæ fummis ludebat aquis; non audet in auras Telorum in morem vitreos attollere fluctus,- Vixque cavis fecura canalibus: omnia languent; Stant labi immemores grato fine murmure rivi: Attouitum filet omne nemus, mutaque volucres Antiqua hofpitia & nidos non fpontè relinquunt: Nec denfis confifa, nec ampliùs abdita fylvis Defertas valles, & inhofpita tecta cavernas Quærit mæsta dryas, viridi quæ fronde coronam Aptabat mihi: dum molli refupinus in umbra Captus amore loci fundebam carmina vates, Carmina Naïades repetebant, carmina fauni ; Omnia tunc mihi læta, mihi locus ipfe favebat. Sed fenfi fterilem fubito frigefcere Musam ; Nec jam tam facili exibant mea carmina venâ : Nam quid diffimulem? infecit quæ cuncta veneno Dira lues, milerum me infecerat illa Poëtam. Hanc ego crediderim è furiis ftygialibus unam. Vos CANTILLIACI fi tangit gloria ruris, Illam Nymphæ omnes quàm primùm avertite peftem; Si terris inimica, uratque cupido nocendi, Clamofas urbes habitet, permitto: malignum Exoneret virus, miferofque in prælia cives, In lites, in bella acuat, nec denique ceffet Impia facrilegâ convicia fpargere linguâ ; Ha fedes, notæque domus, hæc debita regna.
Sed CANTILLIACI timeat facra Numina ruris Lædere fepofitis ubi regnant otia curis,
Pax ubi, tuta quies, puræ bona gaudia mentis, Et doctis ubi fas dulcè infanire Poëtis.
Non licet hic triftes rixantum iterare querelas, Non fraus, turpe lucrum, nec amor fceleratus habendi, Audeat auguftos impunè intrare penates.
Hæc peftis procul abfuerit, florebitis horti, Flora fuas reparabit opes, nec ampliùs arbor Amiffos nuper foliorum flebit honores, Et frondes inter fe oftendere fructus amabit. CONDO præfente Dryas fugitiva redibit,
Agnofcetque fuas jam nunc fibi reddita fylvas. Quin etiam latitans imo fub gurgite Naïas, Attollet caput, & circum falientibus undis Lætitiam teftata fuam fe-fe altiùs illa Efferet, & lætos fufpendet in aëre fluctus; Turbaque tunc volucrum cantus oblita resumet; Et quæ vincta fuit glaciali frigore Mufa, PRINCIPIS afflatu propioris, ut ante folebat, Tam fortunati defcribet gaudia ruris. BORBONIDUMQUE ducem, quem Mars his eripit oris Tum reducem bello, non illa ingrata filebit. Dum loquor ad Stygias peftis fugit atra forores..
E rure Cantilliaco 1696.1 c
UNE MAUVAISE LANGU E.
Traduction par C. FERRAROIS, Secretaire de Monfieur de SALIS Capitaine aux Gardes Suiffes.
Velle affreuse Alecton, quel monftre furieux Verfe fur CHANTILLY fon poifon odieux ? Ces fleurs, qu'un aftre heureux fit naître fi riantes, Par un fouffle mortel deviennent languissantes; Les Arbres depouillés expriment leurs douleurs, Et de leurs troncs mourans laißent couler des pleurs s Et loin de fe jouer, la Nayade timide
Dans le fond de fes Eaux cache fa tête humide,
Et n'ofe déja plus élever jufqu'aux Cieux, Comme elle fit jadis, fes flots audacieux. Tout languit; rien ne femble animer la Nature: Les Ruiffeaux arrêtés ne font plus de murmure ; Un filence profond dans les bois d'alentour Marque l'étonnement qui les tient à leur tour ; Et les oifeaux, contraints de ceffer leurs ramages, Abandonnent leurs nids, & leurs anciens becages: De ces fombres forêts l'épaiffe obfcurité
Ne les retiendra plus cachés en fureté.. Et la Dryade enfin, qui de riches guirlandes Avoit fouvent payé mes vœux & mes offrandes, Ya deformais cherchant les Vallons plus converts, Les toits inhabités, les antres déferts. Jadis, lorfque couché dans quelque coin à l'ombre, Je goûtois dans ces lieux la tranquillité fombre, La Nayade, & le Faune attentifs à ma voix, Faifoient dire mes Vers aux Echos de ces bois. Tout me rioit alors, tout m'étoit favorable, Je me trouvois heureux. Mais, o fort deplorable! O cruel fouvenir qui ne peut s'effacer! Je fentis tout à coup, ma veine fe glacers Ma Mufe fit envain quelque effort inutile, Les Vers ne couloient plus de ma veine fterile: Ce Demon captivoit mes fens, & ma raison; Car enfin, je l'avoue, & du même poison Dont cette pefte avoit frappé toute la terre, Son cœur s'étoit armé pour me faire la guerre. Non je crois que c'étoit une rage d'Enfer, Qui ne refpiroit rien que les feux & le fer.
O vous, de CHANTILLY fila gloire vous touche, Nymphes, chaffez d'ici cette infernale bouche. Si de nuire aux humains une maudite ardeur Confume inceffamment fon implacable cœur. Qu'elle aille, j'y confens, établir fon Empire Dans ces murs où jamais la vertu ne refpire, Au milieu du tumulte, & du bruit, & des cris: Que fon venin mortel aigriffe les efprits, Qu'elle y faffe par tout des guerres, des querelles, Qu'elle infpire aux plaideurs des chicannes nouvelles,
Et que fa langue impie, enfin, ne ceffe pas D'y femer des fujets de haine & de debats; Qu'elle y faße à fon gré fa demeure ordinaire, C'est là que doit regner cette noire Megére.
Mais ne fouffrez pas, Dieux, fans en être irrités, Qu'elle approche jamais de ces bords respectés, Faites-la fuir bientôt de ce fejour tranquille, Toujours inacceffible aux chagrins de la Ville, Où la paix, le repos, & les plus doux plaifirs Satisfont pleinement nos innocens défirs; Où quelquefois donnant l'effor à fon genie, Un Poëte entretient fa divine manie: Plaideurs le Dieu des Arts vous défend d'y venir Rappeller des procès l'odieux souvenir ; Et que la fraude, enfin, ni la pâle avarice, L'ambition, l'orgueil, & la noire injuftice Ne vienne point fouiller ces auguftes Palais, Où la feule vertu doit regner à jamais. Que ce monftre ait ceffé de caufer fes allarmes, Beaux jardins, auffi-tôt vous reprendrez vos charmes, Flore fe batera, par fes dons redoublés,
De reparer les maux qui vous ont accablés; Et fans fe diftiller en larmes répandues Au trifte fouvenir de leurs feuilles perdues, Les arbres, reprenans des ornemens nouveaux, Sous le poids de leurs fruits fe montreront plus beaux. Alors du grand CONDE' la prefence adorée
Rappellera bientôt la Dryade egarée,
Qui d'un efprit content, reviendra dans fes bais Recommencer les jeux célebres autrefois. Tandis que du plus bas de fa grotte profonde, La Nayade élevant fa tête fur fon onde, Portera jufqu'au Ciel Jes flots impetueux, Qui feront dans les airs un spectacle pompeux : Les Oiseaux reprendront leur voix accoutumée ; Et jufques-là ma Mufe interdite, alarmée, A la fin reprendra fa vigueur à son tour ; Et joyeuse de voir fon PRINCE de retour, Fera décrire encor à fa plume Lyrique Les plaifirs innocens de ce féjour ruftique,
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