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Pour fes mets du pain bis, pour fon lit, c'est la terre.
Eloigné de votre Palais

Je ne fuis plus compté du monde,
Eft-ce vivre comme je fais?.
Une meure qui toujours gronde,
Auprès de qui je parois moins que rien,
Et dont l'infolence eft extrême.
Je ne me connois plus moi même,
Je ne puis plus me nommer chien,

De leurs aboyemens, les airs femblent se plaindre,
Les Naiades tremblent de peur,

Et le fond de leurs eaux leur paroit un lieu feur,
Qui les empêche de rien craindre.
En quel état puis-je être alors
Entendant toujours ce tonnere?
Dans cette extrémité j'affecte un faux dehors,
Pour éviter l'effet de leur colere,
Et ma complaifance eft la loi,
Qui défend à ces loups de fe jetter fur moi,
Ma peine n'eft pas là bornée,

Et ma cruelle destinée

Ne fe contente pas encor de ces malheurs.
Le barbare qui nous commande,
Est fur-tout ce que j'apprehende.
Il faut effuyer fes humeurs,

Ce n'est plus PLUTON qu'on appelle,
C'est un pauvre chien qu'on querelle,
Ou plutôt le pauvre PLUTON,

Que ce maître cruel menace du baton.

Ce langage, grands Dieux, m'est-il donc ordinaire?
De votre cher PLUTON eft-ce faire aucun cas?
Et ce nom que l'amour lui donna pour vous plaire
Contre un injufte fort n'a-t-il point quelqu'appas?
Non, c'est en vain que je l'efpere,

Car

Ce brutal ne me connoît pas.

Dans ce fatal exil, prévoyez mon trepas
PRINCESSE, on moderez l'excès de ma mifere.
que me refte-t-il éloigné de vos yeux,
Trouvai-je des douceurs dans ces funeftes lieux,
Après qu'auprès de vous j'ai gouté mille charmes,

Dont la memoire encor me fait verfer des larmes.
Je me vois arraché du milieu de vos bras,
Je n'ai plus votre lit, je n'ai plus votre table,
F'ignore cependant ce qui me rend coupable.

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PRINCESSE, dans cet embarras,
De votre cher PLUTON, n'épargnez plus la vie
Pour me la conferver je ne fais nul effort,
Si vous prenez plaifir à me la voir ravie,
Que les rochers ou l'eau décident de mon fort.
Quels fentimens j'infpire à ma PRINCESSE
Laiffons-là pour PLUTON avoir quelque retour,
Il faut peu de chofe en amour,

Pour reveiller une tendresse ;

Oui, PLUTON, vous en prie adorable MAÎTRESSE!
De mes malheurs prenez compaffion,
Et fi je vous fuis cher dans cette occafion,
Finiffez tous mes maux & calmez ma tristeße.
Que font-ils devenus, helas! ces jours heureux,
Où rien n'égaloit ma fortune,

Ayant mème lit pour tous deux,
Et dont la table étoit commune,
Les mets les plus delicieux

Etoient mon ragoût ordinaire,

Je vous les dérobois, je fçavois lors vous plaire,
Dans ce tems le voleur étoit cher à vos yeux.
Pour me rendre poli vous preniez tant de peines,
Auffi n'étoient elles pas vaines,

Avec ce poil peigné, je paroiffois charmant,
Ma barbe faifoit honte à la gente Barbue,
Et la Chevre évitoit ma vie,

Ils me cedoient tous à l'inftant ;
Vous aviez l'art auffi d'une main bien-faifante
De rabattre les poils qui vouloient s'heriẞer;
L'art répondoit à votre attente,

Sous cette belle main ils fçavoient s'abaisfer.
Pour de fi grands bienfaits ; je rendois quelque hommage
Mes fens de mon devoir étoient le vrai langage,

Je lechois mille fois le jour

Les mains de ma chere MAÎTRESSE

Ces mains me prodiguoient fans cesse

Les plus delicats mets qu'inventoit fon amour
Ainfi charmé je fçavois par fineße
Derober des baifers qu'on ne m'eût point donnez ›
Et dans ces momens fortunez,

C'étoit tendrelle pour tendresse.
Quelquefois agacé j'aurois pú me vanger,
L'amour me l'offroit fans danger:
Mais ma dent n'eft pas fanguinaire.
He!quel mal l'amour peut-il faire ?
Pour vous procurer le fømmeil,

Je m'en fouviens encor, felon votre maxime
A mille bons auteurs vous donniez votre eftime,
J'avois à vous entendre un plaifir fans pareil
Ce que vous y lifiez, je femblois le comprendre
J'étois attentif à la fois

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Avos geftes, à votre voix. Mon affiduité devoit bien vous furprendre Mais lorsque le fommeil avoit de fes pavots Frotté vos yeux laffez d'une longue lecture, Et que pour vous donner enfin quelque repos, Ces yeux fe foumettoient aux loix de la nature De même qu'un foldat qu'on met en faction, Autour de votre lit j'étois en fentinelle.

Ainfi votre pauvre PLUTON

Vous faifoit nuit jour une garde fidelle.
Après ce que j'ai fait, peut-on m'abandonner?
Ingrate! oubliez-vous fi-tôt tous mes fervices,
A cet exil affreux pourquoi me condamner?
Ai-je donc mérité de fi cruels fupplices?
Ab quelle est cette dureté

Que l'on remarque dans les hommes ?
Nous autres bêtes que nous fommes,
Nous avons moins de cruauté.
C'est donc envain que je vous prie,
Que vous me rendiez votre cœur.
Vous n'écoutez point ma douleur,
Et je n'attends plus rien de votre barbarie.
Que dit tu PLUTON, pense mieux,
Malgré ta PRINCESSE infidelle
F'entends l'amour qui te rappelle,

Et qui te fait quitter ton fejour odieux :
Tout feconde ton entreprise,

Un PRINCE prend ta cause en main
Et ton fort n'eft plus incertain,
Puifque COND' te favorife.
Si cependant votre infenfible cœur,
Ne peut être touché par un tel Protecteur,
Ecoutez du moins GALATHI'E,
Ala plus jufte cause il faut un grand appui,
Je n'ai plus d'autre espoir que fur elle aujourd'hui,
Pour appaifer ma PRINCESSE irritée.
Vous entendrez que PLUTON votre chien
A fon embonpoint ordinaire

Que pour le rendre encore plus digne de vous plaire,
La nature n'épargne rien

Que fa barbe fur-tout qu'une affreuse disgrace
Avoit fait tomber de sa place,

Paroit avec plus d'agrément,

Que fa tête a repris fon premier ornement.
Que fi ma courte chevelure

Me rend ridicule à vos yeux
Avec des coins je ferai mieux
C'eft d'à prefent l'ordinaire parure;
Je ne fuis pas encore fi fort à mépriser,

Je me vis l'autre jour dans l'eau d'une fontaine,
Y cherchant quelque trait qui pût finir ma peine,
Je n'en trouvai que trop pour me favorifer.
La Nymphe du lieu fut ravie,

De voir votre PLUTON fi beau,
Et le murmure de fon eau
Ceffa dans le tems que SYLVIE
Me regardoit avec étonnement,

Elle de CHANTILLY qui fait tout l'agrément.
Que fi malgré ce que j'ai pu vous dire,
Le fort du malheureux PLUTON
Ne vous regarde plus en aucune façon,
Je finirai fans doute un fi cruel martyre,

Et de PLUTON le manoir ftigieux
M'enlevera bientôt de ces funeftes lieux.

LETTRE

LETTRE

A SON ALTESSE SERENISSIME

MONSEIGNEUR

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LE PRINCE.

'Est ici, Monfeigneur, plus votre Ouvrage que le mien. On imprime la Requête de PLUTON avec une bel vignette. Toute cette Piece ne fera pas fi chienne, & j'y mettrai mon nom comme Annibal Carache le mettoit à fes Tableaux. J'attends de votre Alteffe fes remarques, dont je fais gloire de profiter.

SANTOLIS VICTORINUS.

* Monfieur de Santeul pen- precedente adreffa à Monfeidant qu'on imprimoit la Piece gneur le Prince cette Lettre.

PLUTONIS CATELLI

FATUM

AD SERENISSIMAM PRINCIPEM.

ILLIUS POSTREMA VERBA.

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LXIX.

RGO noftra tuum non flexit epiftola pectus Crudelis noftræ nil poruêre preces? Quò tibi ceffit amor 7 teneri quò cura Catelli ? * Monfieur de Santeul pour infpirer à Madame la Princeffe plus de pitié, décrit dans ces Vers, la derniere deftinée de Pluton résolu de mourir, & y expose les malheurs, qui menaçoient cet infortuné. La Let-, Le qui fe trouve après la TraTomus II.

ན་

duction de cette piece. & qui
eft adreffée à son A. S. Monsei--
gneur le Duc du Maine fur ce
fujet, fera connoître le refte
& que tout ceci à fervi à Chan-
tilly de divertiffement à toure
la Cour de Monfeigneur le
Prince.

C

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