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DE QUELLE MANIERE

ET DANS QUELLES DISPOSITIONS

LE CLERGE DOIT CHANTER

L'OFFICE DIVIN.

Traduction par M. DUPUI Chanoine de ·S. Jacques l'Hôpital.

CXIII..

PEUPLE né pour remplir les fonctions des Anges,

Qui chantez à deux Choeurs les divines louanges, Pour vous bien acquitter de cet heureux emploi, Ecoutez mes avis: qu'ils vous fervent de lai. Miniftres du Tres-haut, puiffiez-vous bien comprendre, Que Dieu qui fit l'oreille, en a pour nous entendre. C'eft dans les Temples faints qu'habite le Seigneur N'y paroiffez jamais que faifis de frayeur.. Dans un profond respect adorez fa prefence. Les Anges éblouis de fa magnificence,

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Au milieu des éclairs qu'il lance à tout moment
Y font, quoique tres purs, dans un faint tremblement.
Si par quelque peché votre ame eft ulcerée,
De ces auguftes lieux craignez même l'entrée :
Craignez qu'un Dieu vengeur doublement irrité,
Ne puniffe à l'inftant votre temerité.
Ne differez donc pas, fi votre ame est impure,
De la purifier de la moindre foüillure.
Lavez-la dans les eaux d'une amere douleur.
Que tout foit pur en vous les yeux le cœur.
Plus jaloux de ce cœur, que d'aucun Sanctuaire,
Dieu veut bien faire en lui fa demeure ordinaire.
Lorsque vous ferez pur, entrez dans les lieux faints,
Avec joye entonnez les Cantiques divins.

Voulant fléchir du Ciel la justice irrités,
Fayez tous ces grands airs d'une tête éventée;
Retranchez ces cheveux fi longs & fi galans,
Capables d'attirer les yeux des affiftans ;
Par de vaines fenteurs n'affectez point de plaire:
Qu'en vous tout foit conforme au facré miniftere:
Plaifez plus par les mœurs, que par le vêtement.
UNE VERTU folide eft un grand ornement.
De peur que mille objets en diffipant votre ame
Ne puiffent ralentir l'ardeur qui vous enflâme,
Vous ne sçauriez avoir trop de severité
A retenir vos fens dans la captivité.
De les rendre foumis faites-vous une étude.
Qu'ils reçoivent le joug d'une fainte habitude.
Qu'ils fçachent à l'esprit obeïr en tout tems,
POUR PRIER, c'est beaucoup de bien regler fes fens
Soyez fi composé, qu'en vous voyant l'on fente
Du Dieu que vous fervez, la majesté prefente ;
Et que chacun touché d'un tel recueillement,
Devant lui fe profterne, & l'adore humblement.
Gardez-vous de tomber dans le confus murmure
D'un chant precipité fans ordre fans mesure.
Par un motif de foi pesez, respectez
Jufques aux moindres mots, que Dieu même a dictex.
Pleins de l'Esprit du D 1 Bu qui lance le tonnerre,
Ces Oracles devroient faire trembler la terre.
Le Chant par quelque pause a dû se mesurer.
Ce repos fait trouver le tems de refpirer,
Et le cœur peut goûter ces veritex facrées,
Qu'avec differens tons la bouche a proferées.
Obfervez donc toujours les paufes qu'on preferit,
Pour foulager le corps, & pour nourrir l'efprit.

Mais auffi gardez-vous d'une maniere lente.
Ne défigurez pas par une voix traînante
Un air gai dont le monde eft plein de mouvement.
De la beauté des fons craignez l'enchantement.
Ne vous arrêtez pas à cette foible écorce:
Il faut pefer des mots & le sens la force.

Par de faux tons l'oreille est aisée à choquer.
N'alley point par vos cris vous faire remarquer.

N'affectez point non plus des manieres mondaines ;
Et pour vous attirer quelques louanges vaines,
Ne donnez point au Chant un air effeminé.
Dieu méprife les vœux d'un cœur ainfi tourné.
Apprenez qu'il n'écoute avecque complaifance,
Ques ces gemiffemens pouffez dans le filence,
Ces cris interieurs, & ces tendres foupirs,
Qui d'un cœur épuré lui marquent les defirs.

La grimace en chantant est toujours indecente.
Sans rien articuler, envain l'on fe tourmente
A chanter du gofier, & trop violemment.
C'eft de là que nous vient ce grand mugissement,
Dont les Temples facrez quelquefois retentiffent.
Dieu ne s'appaife point par des voix qui glapiffent.
Il ne prend point plaifir à ces fortes clameurs,
Ce Dieu qui regne au Ciel au milieu des fplendeurs,
Nous entend pleinement de fon trône fublime,
Sans ce bruit de la voix, que trop d'ardeur anime.
Vous, Prêtres de Baal, par des cris redoublez
Invoquez un Dieu fourd, qu'en vain vous appellez.
Que l'union des voix marque celle des ames.
Que les cœurs bien unis brûlent des mêmes flâmes.
Chaque lieu different a fon rit à garder.
Aux ufages reçus on doit s'accommoder,
Et fuivre exactement dans le cours de l'année,
Ce que l'on trouvera preferit chaque journée.
A l'Eglife fur-tout évitez les débats
Sur un rit incertain ne vous échauffez pas.
One ceremonie eft hors d'œuvre ? fur l'heure
Changez-la, s'il se peut, en une autre meilleure.
Mais s'il n'eft pas aifé de vous faire écouter,
Tout feul à tout un Chœur n'allez pas refifter.
Laiffez les manquer tous. Qu'une faute femblable
Pour conferver la paix, au Ciel eft agreable!
L'on ne peut en ce point agir trop prudemment,
Pour empêcher l'éclat d'un fot entêtement.
Les efprits appaifez, & la chaleur passée,
Vous pouvez fimplement dire votre pensée;
Leur montrer par raison qu'ils étoient dans l'erreur ;
Et vous les forcerez d'aimer votre douceur.

Dans un chant affidu qu'aucun dégoût funefte
Ne vous prive du fruit de cet emploi celefte.
Elevez vous au Ciel. Que par de faints efforts
Votre esprit dégagé des liens de fon corps,
Ofe fe transporter jufques dans l'Empyrée ;
Qu'il entre en ce Palais d'éternelle durée ;
Qu'il parcoure à loifir la divine Cité;
Qu'admirant de ces lieux l'immuable beauté,
Il fe joigne aux concerts des Troupes Angeliques,
Qui s'occupent fans ceße à de facrez Cantiques.
Là cette augufte Cour en s'anéantiffant,
Apelle trois fois Saint legrand Dieu tout-puißant.
Avec elle en tout tems que votre cœur l'adore.
Plein de ces fentimens, quoique mortel encore,
Vous ferez citoyen du bienheureux séjour,
Et vous commencerez, tout embrasé d'amour,
A chanter les grandeurs de cet Eftre adorable,
Pour jouïr à jamais de ce bien ineffable.

Quel plaifir pur & faint, quel excès de douceur,
Viendra comme un torrent inonder votre cœur!
Heureux qui fuit ces loix, & qui dès cette vie
S'efforce d'imiter la celefte Patrie.

AUTRE TRADUCTION, Par Monfieur DANCHET.

De quelle maniere, & dans quelles difpofitions le Clergé doit chanter l'Office Divin.

CXIII.

M Morrels, qui chaque jour des habitans des Cieux

Inistres des Autels, nobles rivaux des Anges,

Partagez les foins glorieux,

Et chantez à l'envi les Divines Louanges;
Aux leçons que je vai tracer,

Pretez une oreille docile ;

Pour remplir un devoir augufte & difficile
Dans vos cœurs à jamais puissiez vous les placer.

Dans nos Temples habite une Majefté fainte,
DIEU vous entend, tremblez Mortels,
Et qu'une falutaire crainte,

Vous accompagne à fes Autels.

Si de quelque forfait votre ame eft ulcerée,
Fuyez de ces lieux Saints la redoutable entrée :
Gardez vous d'irriter une jufte fureur.
Ces efprits, la pureté même ;

Devant fa Majefté fuprême,
Sont faifis d'une fainte horreur.

Si le remords de votre offense
Déchire en fecret votre Cœur,
Dans les eaux de la Penitence
Allez en laver la noirceur.

Ce n'eft point dans ces édifices
Que le marbre que l'or rendent fi fomptueuxs
C'est dans un caur foumis, chafte, respectueux,
Où DIEU veut prendre fes delices.

Fuyez la Fole vanité

Que donne des habits l'inutile beauté,

Si vous voulez d'un DIEU defarmer la Colere ;
De faux ajustemens vainement revêtu,
Gardez vous de chercher à plaire,

Portez de la vertu le facré Caractere,

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On eft affez paré de la feule vertu.

Que d'une illufion les vapeurs Criminelles, N'aillent point dans l'efprit répandre leur poifon. Tenez les fens Captifs, & quand ils font rebelles Rangez les fous le joug de l'austere raison.

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Devant le Tribunal de votre Augufte Maître
Qu'un fenfible refpect vous profterne à fes pieds s
Faites qu'en vous voyant chacun puiffe connoître,
Que c'est un Dieu que vous priez.

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