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P

AUTRE.

Ar fes rivaux vaincu, banni de fa patrie,
Il revient habiter une maison cherie
Cet Arbitre des mœurs par qui la verité
Triompha du menfonge & de l'impieté
Au Port & dans le fein d'une terre facrée,
Il goûte après l'orage une paix aßurée..

AUTRE.

Par Monfieur DE LA FEMA S.

Nfin après un long voyage,

lieux faints,

Il est au port malgré ses envieux,

Qui croyoient qu'il feroit naufrage
Ce martyr de la verité

Fut banni, fut perfecuté,

Et mourut en terre étrangere,

Heureuse de fon corps d'être depofitaire:

Mais fon cœur toûjours ferme & toûjours innocent
Fut porté par l'amour, à qui tout eft poffible,
Dans cette retraite paisible
D'où jamais il ne fut absent.

AUTRE

Par le même qui fait parler les Religieufes de Port Royal des Champs.

QJamais d'avec nous il ne fut defuni,

Voiqu' ARNAULD ait été banni

Et malgré la jalouse envie,

Qui partagea notre heureux fort,
Nous avons eu fon cœur pendant sa vie
Et nous l'aurons encore après fa mort.

D

AUTRE

Par le Cenfeur des deux Precedentes.

Ans ce Port paisible & tranquille,
Mon cœur jouit d'un doux repos
Les Etrangers n'ont que mes os >
Ici mon Cœur a fon azile.
Ce cœur qui pour la verité,
Brula d'une flame fi pure,
Avoit de tout tems fouhaité,
D'avoir ici fa fepulture.

Mais comme j'étois mort en pays étranger
On lui refufa fa demande,

En difant que mon cœur étoit de contrebande,
Qu'on ne pouvoit en France apporter fans danger.
Lorfqu'un celefte amour fur fes ailes rapides.
Malgré les defenfes rigides,

Le porta dans ce facré PORT

D'où jamais l'abfence ou la force, N'avoient pu l'arracher par le moindre divorce, Et lui donna fon paffeport.

Cette Epitaphe ne fut pas imprimée d'abord, mais étant tombée entre les mains de M. de la Femas, fils de feu M. de la Femas Lieutenant Civil, il la traduifit en Vers françois, & peu de tems après l'une & l'autre furent imprimées enfemble, & fe répandirent dans le public. Alors une difpute plus animée que les autres s'excita, chacun prit parti. Auffi-tôt parut une Critique manufcrite de M. l'Abbé Faydit; il y blâmoit fort ces termes, Ejectus & exul hofte triumphato, veri defenfor arbiter aqui; & encore plus ceux-ci de la traduction de Monfieur de la Femas.

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Ce Martyr de la verité

Fut banni, fut perfecuté:

Il eft au Port malgré les envieux,
Qui croyoient qu'il feroit naufrage.

Enfin il cenfuroit ces deux Pieces comme également injurieufes au Roi & aux R. P. Jefuites; & il fournit en même-tems un modele d'une autre Epitaphe beaucoup plus modefte de M. Arnauld, qu'il croyoit pouvoir être mile fur fon tombeau, dans laquelle il fe contente de dire que ce Docteur avoit defiré de connoître la verité,

brûlé d'amour pour elle (fans affûrer qu'il l'eût trouvée) & que fon cœur n'avoit jamais quitté le Port Royal, quoique fon corps en eût été abfent de crainte ou de force.

Auffi-tôt M. de Santeul, qui s'étoit imaginé que cette traduction étoit de M. l'Abbé Faydit, lui écrivit une Lettre affez vive en lui envoyant fes Vers fur le vin de Beaune. L'infcription & le deffus de la Lettre étoit :

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Qui n'a pu par tout fon crédit,
Ni par fes Vers charmer * Achille,
Et n'a fait qu'irriter sa bile.

Mais moi je charme tous les Dieux
Et leur vole un vin précieux,
(Le vin de Beaune) fur leur table

Pendant qu'Harlay l'envoye au Diable.

Cet Abbé qui ne fe défioit point que M. de Santeul l'eût cru auteur de la premiere traduction, où il parle du Martyr de la verité, puifqu'il étoit au contraire celui de la Critique, & qu'il s'étoit publiquement recrié tant contre l'Epigramme que contre la traduction de M. de

La perte que cet Abbé fit quelque tems avant par Arrêt du Parlement d'un Prieuré de

deux, ou trois mille livres de rente fut le fujet de cette fatire.

la Femas, ne comprit rien à ce que lui marquoit Monfieur de Santeul, ni au fujet qui l'avoit porté à lui envoyer cette Lettre. M. l'Abbé Faydit prit la chofe en homme qui entend la raillerie, & lui répondit fur le champ en ces termes :

Vous dites que vos Vers ont fçû charmer les Dieux. (a)

Et voler fur leur table, un vin délicieux ;

Et

que les miens n'ont pû me rendre Harlay propice Ne foyez pas furpris, les Dieux font gracieux, Il n'en eft pas ainfi du Chef de la Justice, Puifque vos Vers par qui les Dieux font enchantés (b) Sont à fon jugement des inutilités.

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Monfieur de Santeul faifant femblant d'être appaifé, envoya le lendemain au même Abbé quelques-uns de fes Ouvrages en Vers, pour marque d'amitié. Cet Abbé crut devoir répondre par un femblable prefent : c'est pourquoi il envoya à notre Poëte une Lettre & des Vers qu'il avoit faits autrefois dans fa jeunefle, étant à Riom fon pays, par laquelle il le prie de vouloir les lire, & les examiner. Voici les propres termes de cette Lettre.

✪ cui præteritis vatem & venientibus annis
Nulla tulere parem fæcula nulla ferent.

Cui nec VIRGILIUS Flaccufve, nec ipfa novorum
Tota Poëtarum cedere turba neget;
SANTOLI decus Aonidum & nova gloria Pindi
Sub quo condere apes Attica mella folent
Qui folus digne fuperos coeleftibus hymnis,
Et LODOICUM unus qui celebrare vales :
Hæc lege quæ juvenis lufi mala carmina vates,

(a) Monfieur le Prince & M.

le Duc.

(6) Cet Abbé fait ici allufion à la maniere dont Monfieur le premier President de Harlay

reçut Monfieur de Santeul forf qu'il voulut lui prefenter fes Vers. Ce Magiftrat lui dit qu'ils étoient des inutilités.

Qua parvâ attollit Riccomus arce caput.
Non hederas pofco doctis quas frontibus ætas
Prifca Poëtarum, præmia ferre dedit.
Hoc aveo fummoque datum pro munere ducam,
Si quàm Tu Mufis, tam Tibi Charus ero.

Monfieur de Santeul pour répondre à une Lettre fi obligeante, fe contenta de lui adreffer ces deux billets.

Vous m'avez fait un tour cruel, à moi qui fuis votre ami, & qui repandrois tout mon fang pour vous. Vous m'ôtez huit cens livres de rente.

Tuus SANTOLIUS Victorinus,

Vous dites que je ne fais des Vers que pour des faints & des Patrons de village, que je les vends bien cher aux Curez des lieux, & que felon qu'ils me payent ils ont de belles ou de méchantes Hymnes de ma façon. F'entends raillerie, je vous le pardonne.

Tuus SANTOLIUS Victorinus.

L'Abbé Faydit voyant qu'il ne s'agiffoit que de la Lettre qu'un Jefuite lui avoit écrite, que je rapporte ciaprès, & non pas qu'on le foupçonnât d'avoir fait une affaire à M. de Santeul, à l'occafion de l'Epigramme de M. Arnauld, n'en fit que rire, & ne fe mit pas fort en peine de se disculper auprès de lui. Cependant quelque tems après ils fe raccommodérent, & M. de Santeul lui envoya les deux Picces qui fuivent adreflées au P. Jouvency, après lefquelles je rapporte l'extrait d'une Lettre que M. l'Abbé Faydit adrefla à notre Poëte, par laquelle il le remercie du préfent qu'il lui fait..

Cette efpece de diverfion qu'avoit faite M. de Santeul, ou plûtôt cet incident qui étoit furvenu à la cause, ne le tira point de l'embarras où fon Epigramme l'avoit plongé.

Les Reverends Peres Jefuites qui avoient toujours mis M. de Santeul au nombre de leurs intimes amis, furent fort furpris de voir paroître au jour cette Epitaphe de la main de notre Poëte; & comme il y avoit des termes équivoques,

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