Images de page
PDF
ePub

SECONDE LETTRE

DE M. ARNAULD

A M. DE SANTEUL.

MONSIEUR,

J'ai peur que ce que je vous ai écrit pour vous remercier de votre prefent, ne vous ait fait de la peine n'ayant pas bien pris ma pensée ; car je vous affure que j'ai autant d'estime que vos autres amis des Poëfies que vous venez de donner au public : & puisque vous n'avez pû empêcher que les Libraires ne les imprimassent à votre infçu & fans votre participation, je ne trouve point mauvais que vous les ayez prevenus. Je suis de plus perfua dé que la maifon Sainte d'où vous reveniez, quand vous avez reçu ma Lettre, a tout fujet de vous compter entre fes meilleurs amis. Ce n'a donc été que la charité que Dieu m'a donnée pour vous, qui m'a porté à vous faire fouvenir des bons avis que vous a donné autrefois le ferviteur de Dieu*, que vous avez trouvé bon qui vous parlât en ami veritablement Chrétien : & je ne doute point que vous ne foyez encore dans le même fentiment, & que vous n'ayez encore de la veneration pour fa memoire. Ainfi je me promets que fi je vous ai contrifté, ce n'aura été que pour un moment, & que ce vous fera un fujet de m'en aimer davantage, de ce que vous aurez trouvé quelque chofe dans ma liberté de semblable, & qui aura rapport à celle que Dieu vous avoit fait respecter dans un autre.

* Monfieur le Tourneux.

LETTRE

DE DEUX RELIGIEUSES

DE PORT-ROYAL DES CHAMPS.
Du 18. Novembre 1696.

JESUS MARIA.

Ous n'avons point réfolu, Monfieur, de rompre tout

Nous n'avons peine reis, Monour, de cons

[ocr errors]

en donner des marques en vous écrivant, mais en verité le tems nous manque plus que la bonne volonté pour vous. Je vous dirai donc, Monfieur, avec la fimplicité de la Colombe, que vous voyant porté fi fidelement pour Les Saints, je ne defefpere pas de vous le voir devenir un jour, & que vous commencerez fous la conduite de la grace de Jesus-Chrift, par eviter toute grace profane,

s'il eft poffible toute conversation, & même jusqu'aux penfées. Si vous pouviez serieusement reflechir quelquefois fur les engagemens d'un Chrétien par le baptême & d'un Religieux par fes Vœux: Ah! Monfieur, que cela vous feroit du bien ! car enfin nous ferons jugez chacun fur nos obligations, & certainement notre derniere beure approche. Songez, Monfieur, je vous en conjure que le Seigneur viendra comme un voleur: Eh! qu'aurez vous hélas à lui dire? j'ai admiré, Seigneur, la Sainteté dans ceux que vous avez élevés par votre grace, je les ai loüez autant magnifiquement qu'il m'a été poffible, & tout l'Eglife a retenti des Cantiques qui les exaltent, & de votre divine mifericorde qui les a fanctifiez ; mais mon Dieu les ai-je imitez! Cependant rien n'entre dans le Cul qui ne foit Saint & il faut que la foi animée de la charité nous y convie, avec ferveur & en verité : non mortui laudabunt te, Domine, fed nos qui vivimus, benedicimus te ex hoc nunc & ufque in fæculum. Votre four DA LA MISERICORDI qui prend un sensible interit à votre falut éternel.

AUTRE LETTRE

DE PORT-ROYAL DES CHAMPS.

N

GLOIRE à Jesus au Très-Saint Sacrement.

Ous avons reçu, Monfieur, la Lettre que vous nous avez fait l'honneur de nous écrire & votre supplique, laquelle après l'avoir lûe à notre ancienne Mere, afin qu'elle prie pour vous,nous l'avons enfuite exposée au chœur afin que les Seeurs y entrant plusieurs fois le jour ayent foin de vous offrir à Dieu, de luy demander les graces que vous defirez d'obtenir de lui. La Communauté, Monfieur, a été très-édifiée & touchée en lisant votre billet. Nous avons auffi une grande compassion des douleurs que vous fouffrez. Nous demanderons à Dieu qui vous les a envoyées pour vous purifier, qu'il lui plaife de les diminuer fi c'eft fa fainte volonté. Nous efperons d'obtenir ces graces par l'interceffion des Saints dont vous avez pieblié les louanges & les vertus.

Notre ancienne Mere, Monfieur, vous fabue très-humblement, elle est presque toujours dans la fouffrance & remplie de vertus, laquelle fouhaiteroit de fçavoir ce qu'a fait Madame DE SAINT LOUP : nous n'avons point fçu qu'elle ait fait d'imprudence depuis peu : fi vous jugez à propos, Monfieur, qu'on le fçache ici, je vous supplie d'avoir la bonté de nous le mander, je fuis avec beaucoup de respect,

MONSIEUR,

Votre très-humble & très
obeiflante fervante,

Sœur AGNE'S DI SAINTE THICLE
Religieufe indigne.

Quant aux éloges : le Tombeau du Pere Coffart (a) dans les premieres années de notre Poëte, Bibliotheca Huetiana (b) fur la fin de fes jours, & plufieurs autres Pieces, font des témoignages publics de fon eftime pour les Jefuites.

[merged small][ocr errors]

Ut profiraverit hoftes

Fulminibus verborum, omni-dum ex parte vagantur
Tartarea peftes rupto ex Acheronte profecta,
Que nova in antiquos fpargebant dogmata ritus.

En parlant de la maifon profefle de Jefuites,

Hanc ego pratulerim fedem longè omnibus unam
Floret ubi pietas, &c.

Et tout ce qu'il a dit ailleurs à leur loüange, n'a point allarmé leurs adverfaires, & n'a point diminué l'amitié qu'ils avoient pour Monfieur de Santeul. Ils jugeoient qu'il n'avoit pas eu deffein de les offenler, & qu'il doit être permis aux Poëtes comme aux Peintres de donner à leurs portraits, & à leurs Tableaux les plus belles couleurs. Si on en avoit ufé de même à l'égard de l'inscription pour le cœur de M. AR NA U L D, elle auroit moins fait de bruit. Mais le Pere JoUVENCI s'en fit une idée affreufe & entreprit d'en tirer un defaveu public. Ce Pere lui écrivit lettre fur lettres ; les voici,

I. LETTRE

DU PERE

JOUVENCI

ON T'u die que nous da je vous ai défendu

N m'a dit que vous aviez fait une Epigramme à

(a) Cette Piece eft la XLVII. de ce Recueil.

(6) C'eft la LVI. Piece de ce Recueil.

autant que j'ai pû. J'ai dit qu'il n'y avoit pas d'apparence que M. DE SANTEUL, fsachant bien que Monfieur ARNAULD eft mort chef d'un parti déclaré contre l'Eglife, étant lui-même Eccléfiaftique, d'un Ordre dont La doctrine a toujours été fans reproche, eût voulu loüer préconifer un héréfiarque, reconnu par l'Eglife la France pour tel; & que fi le Roi fçavoit cela, il y auroit autre chose à craindre pour l'Auteur de l'Eloge. Com me je difois bien des chofes là-deẞus, on m'a montré votre nom à la tête de cette Epigramme. Je vous avoue que ç'a été pour moi un coup de foudre. On a ajouré que vous deviez paffer pour un excommunié, avec qui on ne pouvoit avoir en conscience aucun commerce, fi vous ne retractiez publiquement cette Epigramme, F'attens cela de votre pieté.

JOUVENCI.

Monfieur de Santeul faifi de crainte à la lecture de cette lettre, défavoua fur le champ les Vers en question; mais le Pere JouvENCI n'étoit pas content d'un defaveu verbal. Il en voulut un par écrit & en bonne forme. C'est à quoi il l'exhorte dans les deux Lettres fuivantes.

II. LETTRE

DU PERE JOUVENCI

Uod Epigramma illud abjures, vehementer lætor. Verum neceffe eft ut contrario fcripto id præftes publicè, ac labem inuftam nomini tuo deleas. Hoc à te probi omnes & amici tui expectant, id fi feceris à me laudem quam mereris, & refponfum expecta: maturato eft opus. Vereor ne quid ex illo Epigrammate gravioris mali tibi nec opinanti accidat. Non fruftra loquor.

« PrécédentContinuer »