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Et LA RUE autrefois fi celebre Poëte
Maintenant du Sauv▲R la celefte trompette,
Crieroit dans la Chaire en me marquant de l'œil,'
Medifans vous ferez damnez comme SANTEUL.
Plus noir qu'un charbonier, ( a ) qui de la forge arrive,
Ton faven, JouVENCI, (b) ni toute ta lefcive
Ne gauroit (j'en fuis feur) jamais me decraßer,
Et de mon faint Victor en voudroit me chaffer.

Mais, courage, j'entends la voix qui m'eft connuë, Des neuf Mufes par qui ma gloire eft foutenue Qui d'un commun concert chantent, crient tout haut: (c) SANTEUL n'a pas écrit l'Epitaphe d'A R N ALL D ,,Ceft quelque Janseniste, & quelque tenseraire, A ce pauvre Garçon qui veut faire une affaire,

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Qui veut renouveller (d) ces fcandaleux combats Où MOLINE & JANSEN, comme vrais chiens & chats, Se battans fur la grace en vain donnée à l'homme (e) Virent Aigle contre Aigle, Rome contre Rome. ,,Lefoù qu'il eft, a crû lui faire quelque tort:

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Mais nous le fauverons de tour finiftre fort.

Quant à moi, JouVENCI, je crois que cet infame, Poußé par la Furie, & brûlant de la flame Du Phlegeton d'Enfer, en a pris la noirceur Sans en prendre le feu, l'éclat, nila lueur. Oui, le public le fait, & l'on me rend justice, De medire d'autrui ne fut jamais mon vice. Jamais je ne trempai ma plume dans le fiel Ce que j'aime le plus d'Athènes c'est fon miel. Comment pourroient partir de noires médifances De cette main qui peint les celeftes Puiffances? Ma plume accoutumée à celebrer les Saints N'est pas propre à remplir de fi laches deffeins. Tu me connois à fonds & tu sçais, mon cher Pere, Que mon cœur est fans fard, & ma Mufe eft fincere C'eft de toi, JouvINCI, que j'ai pris la candeur,

[a] Qui, &c.) Autrement plus barbouillé qu'un More, [b] Ni,c.) Autrement ni ta lefcive encore

[c] Santeul,&c.) Autrement

Non, SANTEUL n'a pas fait l'Epitaphe d'ARNAULD.

[d] Ces, &c.) Autrement Les. [e] Virent, c,) Autrement mirent.

En me formant l'esprit, tu me formas le cœur.
Si fur mes Vers jamais je repands de la bile,
Je veux que ma main feche & devienne debile.
Mais pourquoi m'excuser d'avoir écrit ces Vers?
J'ai de ma probité pour temoins l'Univers,
Celui qui fit contre eux l'infolente Critique
Voulant faire fa cour, écrit en politique:
Mais il l'a faite en lâche & vil adulateur,
En chien couchant,qui rampe, en indigne flateur.
Ah! ce n'eft pas ainfi que nous autres grands Hommes,
Favoris, bien aimez d'Apollon que nous sommes,
Avons accoûtumé d'en user lachement;

Quand nous loüons quelqu'un, nous loüons fierement,
Les fourcils élevez, & la mine hautaine:

Nos Vers coulent de fource, & partent d'une veine,
Qui mefurant fes mots avecque le compas,
(a) Ne vole ni trop haut, ni ne rampe trop bas.
Ca veux-tu l'éprouver cette amitié fidéle,
Ce fond d'attachement, de respect & de zele
Dont j'ai brûlé toûjours pour la Societé?
Je mourrois pour sa gloire avecque volupté.
Sijamais ma main droité avoit écrit contre elle,
La main gauche en feroit la vengeance cruelle.
Les Jefuites font feuls l'objet de mon amour :
C'eft d'eux que j'ai reçû la lumiere & le jour.
D'éclairer les Mortels eux feuls ont l'avantage,
Et comme des foleils de luire fans nuage.
Avec eux feuls j'irois affronter mille morts,
La tempête avec eux vaut plus que tous les ports.
Sages imitateurs ér Difciples d'Ignace,
Vous portez avec vous la fageffe & la grace :
L'Evangile & la paix, où vous nous invitez,
Reçoivent dans vos mains de nouvelles beaurez.
Vous êtes feuls l'honneur & l'ornement des Chaires,
Et de la verité les feuls dépofitaires.

(b) Vous brillez au Japon auffi bien qu'à Paris:
Chez vous font ramaßez tous les plus grands Efprits.

(a) Autrement ni ne vole trop haur, &c.

(b) Fous brillez au Japon ] ̧ Autrement. On vous revere à Rome.

a) Chez vous feuls on enseigne une pure doctrine:
Chez vous feuls on apprend la volonté divine.
La fource eft parmi vous de ces (b) coulantes eaux,
Qui j'ailliffent au Ciel: ailleurs font les ruiffeaux.
Près des Peres GAILLARD, la Rus& BOURDALOUE,
Tous Orateurs facrez ne font que de la bouë.
Non, pour me convertir, & reformer mes mœurs,
Je ne veux point ouir d'autres Predicateurs
Voilà, cher Jou VENCI, les vers que je t'envoye
Pour marquer mes regrets. Reçois les avec joye:

[a] Avant ce vers on trouve ailleurs ces 4. vers
Vous étes Orateurs, Hifto-
riens, Poëtes,

Des Oracles divins, les divins interpretes,

Le feul merite fait les gens de

votre nom

Mandarins dans la Chine &
Martyrs au Japon.

[6] Coulantes) autrement courantes.

Monfieur de Santeul non content d'avoir fait paroître cette piece, écrivit à tous les Jefuites de fes amis, pour fe juftifier & entre autres au R. P. de la Chaise & au Pere Bourdaloüe. Il proreftoit au premier que par le mot Hofte triumphato, il n'avoit jamais prétendu parler des R. P. Jefuites, ni dire que Monfieur ARNAUL D les eût vaincus, & encore moins les attacher comme d'illuftres Efclaves au char de triomphe de ce Docteur: ,, que c'étoit lui au contraire que les Jefuites avoient ,, battu à dos & à ventre: mais que c'étoit uniquement des miniftres JuRIEU & CLAUDE dont il avoit voulu ,, parler.,,

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Quant au Pere Bourdaloüe, il lui mandoit de le bien donner de garde de croire qu'il fût femblable à ,, leur frere facriftain de faint Louis, qui felon la qua,, lité des Saints, changeoit les parements d'Autel, & ,, mettoit un jour du rouge & l'autre jour du blanc, & puis du noir, & enfuite du violet; & qu'il étoit Janfenifte à Port Royal, lorfqu'on lui faifoit bonne chere, ,, & puis Molinifte chez les Jefuites, lorfqu'ils lui pro,, curoient des penfions. (Et que fur-tout) il le prioit de défabufer le Pere DE LA RUE & fes Confreres du Col

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lege, qu'on lui avoit dit être fort indignés contre lui.,, Je rapporte ci après les reponfes à ces deux Lettres.

C'étoit une partie de ce que demandoient les Jefuites; mais ils en exigeoient davantage. Le R. Pere DE LA CHAISE à qui notre Poëte envoïa ces vers avec une Lettre dont je viens de rapporter l'extrait en parut trèscontent, & lui fit la reponse qui fuit, dont nous laiffons au Lecteur à faire le jugement.

LETTRE

DU REVEREND PERE

DE LA CHAISE

Ijustice perfonne les beaux vers que vous me fitte [Ln'eft pas neceffaire, Monfieur, que vous demandiey à l'honneur de m'envoyer hier, vous la rendent parfaitement à l'égard des Jefuites, qui vous doivent mettre au rang de leurs meilleurs amis, comme je fais en mon particulier; & qui par confequent ne fçauroient prendre pour eux, l'hofte triumphato, de votre Epitaphe. Mais comment defendrez vous le fanctus ARNALDUS, qui eft mort dans toutes les obftinations de toutes les erreurs condamnées par l'Eglife? Defenfor veri, contre les decifions de cette même Eglife qui a blamé, condamné fa doctrine de faußeré, & même herefie, dont le livre de la perpetuité n'eft pas tout-à-fait exempt ; contre le Pape & le tribunal de la facrée Inqui fition, qui ont cenfuré fes ouvrages, mis la plupart de fes livres dans l'Index des livres défendus; contre la Sorbonn qui en blamant fa doctrine l'a exclus de fa focieté ? Ji crains fort que pour vous rendre juftice fur tous ces points, une palinodie ne foit neceffaire. Mais je m'aperçois que vous la faites en partie en blamant l'Arbiter Equi. La liberté avec laquelle je vous dis fincerement mon fentiment, eft une preuve de la parfaite fincerité avec la quelle je fuis, Monfieur, votre tres-humble & tres-obeïffant Serviteur. 18. Dec. 1695. DI LA CHAISE.

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La reponfe du Pere BouRDALOus porte,,qu'il a lû fa juftification avec plaifir;& qu'il eft fort aife de recevoir de " fes Lettres, parce qu'elles font pleines d'efprit & de“ rejoüiflances; & que fans avoir recours au parement d'Autel il travailleroit prefentement, qu'il étoit libre " & quitte de fon Avent à S.André, à le juftifier auprès des " l'eres de la Compagnies qu'il n'auroit pas de peine à" reuffir, qu'il y avoit déja travaillé avec fuccès, le Pere DE LA Rux étoit tout à fait converti, & qu'il " iroit au premier jour au College pour convertir les "

autres.

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Pendant que ces chofes fe pafloient il parut dans le public fur le pretendu defaveu que Monfieur de SANTAUL avoit fait de l'Epigramme en question les vers François que voici.

VERS

FRANCOIS

3

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Sur le defaveu que Monfieur DE SANTEUL a fait d'avoir composé l'Epitaphe de Monfieur ARNAULD.

ANTE UL ce renommé Poëte,

Avoit plus haut qu'une trompette,

Crié par tout: je fuis l'Auteur
Des Vers' fur ARNAOLD le Docteur.
Un jour donc qu'au milieu des rues,
Il les prônoit jufques aux nues,

Déclamant des mains

des yeux

Comme un Tabarin glorieux,
Pour en relever le merite,

Qu'entends-je? (lui dit un Jefuite,)

Quoi, SANTEUL, notre bon ami,
Vante fi fort notre Ennemi,

Et loue ARNAUL D l'Herefiarque,
Que notre invincible Monarque,

Tomus II.

Z

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