Succombant fous les maux dont je fuis aßailly, Opprobre des mortels, j'erre dans CHANTILLY. La plainte à mes pareils eft toujours mal-féante, Nous fentons à la joye une invincible pente, Et prêt à badiner en tout tems, en tous lieux Nous ne fommes jamais à perfonne ennuyeux. La nature nous porte à folatrer fans ceffe Nous fçavons prodiguer careffe fur careffe, Nous varions toujours les divertißemens; Et fi nous paroiẞons pendant quelques momens, Saifis d'un fier dépit, transportez de colere, Ces coleres ne font que feintes pour mieux plaire. ↑ Et même ces transports qui ne durent que peu, Se terminent toujours par un aimable jeu. F'avois fçú m'acquerir, adorable PRINCESSE, Par de fi doux moyens toute votre tendresse ; De vous baifer jamais vous ne m'avez vû las, Et de me rebaifer vous ne vous laffiez pas. Couché fur votre fein je faifois vos délices, Pour vous plaire j'ufois de tous mes artifices, Lorfque pour mieux avoir des paffe-tems fi doux, Vous vouliez me tenir long tems auprès de vous Il ne vous falloit pas prendre la moindre peine. Vous n'aviez pas befoin du fecours d'une chaîne, Et votre aimable voix étoit le feul attrait Qui m'entraînoit vers vous par un charme fecret. Quelquefois je feignois d'aller prendre la fuite ; Mais fur votre beau fein je revenais bien vite. Et pour lors plus ferré dans vos embrassemens, Vous redoubliez pour moi vos doux empreffemens, Ces retours amoureux, ees petites malices Merendant plus aimable augmentoient vos delices. Rien n'égaloit alors votre tendre amitié. De vos plaifirs fouvent je goutois la moitié ; Couché dans votre lit, mangeant à votre table, Vous vouliez que de vous je fuffe inféparable, Que n'avez-vous toujours le même fentiment? Et quel eft le motif de votre changement? Ce n'eft pas je l'avoue une faute legere; D'avoir eu le malheur de pouvoir vous déplaire. Ceft-là tout mon forfait : mais il surpaße aufst Et depuis l'heureux tems, que je fuis près de vous, Ce deftin en bonheur me fait passer fans doute, Contre eux que puis je feul dans ces fauvages lieux ? Cet objet rappellant votre premier amour, Mon cher PLUTON, qui m'as fi louvent divertie, De grace faites donc qu'un tel prefent, PRINCESSE, Dans votre fouvenir me conserve fans ceffe. Ainfi parla PLUTON un peu devant fa mort. Il étoit digne, hélas, d'un moins tragique fort. LETTRE DE M. DE SANTEUL A SON ALTESSE SERENISSIME MONSEIGNEUR LE DUC DU MAINE: A CHANTILLY. MONSEIGNEUR, Mon petit Chien vient à vous pour être careffé. Il vit encore après avoir été écorché, Madame la PRINCESSE n'ayant pas répondu à fa requête, a donné occafion à cette feconde Piece. Car Son Alteffe Sereniffime Monfeigneur le PRINC, lui écrivit en faveur de PLUTON; point de Réponse. Cela nous fit croire qu'elle l'avoit abandonnné je fis cette Piece &quoique Madame la PRINCESSE Laye rappellé de fon exil, c'est notre folie de ne vouloir rien perdre; & tel Poëte voudroit que tout Paris fût brûlé, pourvû que fa pointe fût approuvée dans un incendie universels voilà ce qui a acquis aux Poëtes le titre de foux. Ne vous fcandalifez pas Tomus 11. D fi je fuis devenu Chien de Poëte, ou Poëte de Chien ̧ le Proverbe eft pour moi : Qui m'aime, aime mon Chien; ce n'est qu'à CHANTILLY que je fuis profâne; à Saint Victor tout refpire la fainteté. Je prie votre Altesse de recevoir mes Ouvrages; celui que vous avez eft pour le ROI. PLUTON voudroit bien être habillé à la Françoife. A Dieu mon PRINCE qui faites tant d'honneur aux belles Lettres. Non invenient fæcula parem... SANTOLIUS VICTORINUS. LETTRE DE MADAME LA DUCHESSE DU MAINE 7 A M. DE SANTEUL. A Marly ce 22. Avril. E fuis fort mal contente de toutes les injures que vous me dites, fsachez qu'un bienfait reproché tient toujours lieu d'offenfe, c'est pourquoi je ne vous dois plus avoir d'obligation de ce que vous avez fait pour moi. Je vous envoye une Lettre de Monfieur du Maine ; j'ai bien envie de voir les Vers de Pluton, il eft bien plus aimable que vous, fi je lui donnois une carte, il ne la perdroit pas. Vous écrivez plus mal que jamais, à peine ai-je pû lire toutes vos injures. A Dieu Monfieur le Marquis, je ne vous pardonnerai point que vous ne me Soyez venu voir à Versailles. SALPETRIA. DE LETTRE MONSIEUR PERLAN A M. DE SANTEUL. EST-il poffible qu'il y ait des perfonnes qui condamnent la derniere Piece de Monfieur de Santeul, & qui la foutiennent indigne de lui, comme s'il n'étoit permis à un grand Poëte, après des Pieces de longue ha leine, de fe délaffer quelquefois à des Ouvrages moins férieux. Homere autrefois après avoir achevé fon incomparable Iliade, voulut bien faire fa Batrachomyomachia, ou le Combat des Rats des Grenouilles, & Virgile le Culex, ou la mort & l'épitaphe du Moucheron; mais fans aller chercher fi loin, Sannazar après son Poëme de partu Virginis, qui eft l'admiration de tous les Scavans, fit fes Eclogues qui lui ont acquis tant de réputation; Vida après fes Chriftiados le Scacchia, fit le jeu des Echets. Pour moi je tiens cette derniere Piece très-parfaite en fon genre, crois que l'on ne peut rien faire de plus achevé: l'élocution en eft très-pure, & le tour des Vers trèsheureux & digne du Cothurne des Anciens. Monfieur de Santeul peut hardiment la faire imprimer : quoiqu'en difent fes Adverfaires, bien loin de donner atteinte à fa gloire, elle l'augmentera de beaucoup : c'est mon fenti ment. Fait ce 17. Mai 1690. PERLAN. |