Images de page
PDF
ePub

Pour vous mettre le premier;

Et quand même l'huissier,

A vos desirs inexorable,

Vous trouveroit en face un marquis repoussable',
Ne démordez point pour cela,

Tenez toujours ferme là:

A déboucher la porte il iroit trop du vôtre;

Faites qu'aucun n'y puisse pénétrer,

Et qu'on soit obligé de vous laisser entrer,
Pour faire entrer quelque autre.

Quand vous serez entré2, ne vous relâchez pas :
Pour assiéger la chaise3, il faut d'autres combats;
Tachez d'en être des plus proches,

En y gagnant le terrain pas à pas;
Et si des assiégeants le prévenant * amas
En bouche toutes les approches,

Prenez le parti doucement
D'attendre le Prince au passage:
Il connoîtra votre visage

Malgré votre déguisement;
Et lors, sans tarder davantage,
Faites-lui votre compliment.

Vous pourriez aisément l'étendre,

55

60

65

70

75

1. Bayle (article POQUELIN), cité par Auger, trouvait ce terme barbare. M. Littré n'en cite point d'autre exemple que celui-ci. 2. Comme Molière, dans tout le cours de la pièce, s'adresse à sa Muse, le masculin entré est une singulière inadvertance; à moins toutefois que l'auteur, voyant déjà cette Muse en marquis, ne croie devoir lui parler en conséquence. (Note d'Auger.)

3. La chaise où le Roi est assis.

4. « Le mot prévenant, dit encore Bayle à l'article cité, n'est en usage qu'au figuré, et ne signifie pas un homme qui a passé devant d'autres. >>

Et parler des transports qu'en vous font éclater
Les surprenants bienfaits que, sans les mériter',
Sa libérale main sur vous daigne répandre,
Et des nouveaux efforts où s'en va vous porter
L'excès de cet honneur où vous n'osiez prétendre,
Lui dire comme vos desirs

Sont, après ses bontés qui n'ont point de pareilles,
D'employer à sa gloire, ainsi qu'à ses plaisirs,

Tout votre art et toutes vos veilles,

Et là-dessus lui promettre merveilles :
Sur ce chapitre on n'est jamais à sec;
Les Muses sont de grandes prometteuses!
Et comme vos sœurs les causeuses,

Vous ne manquerez pas, sans doute, par le bec.
Mais les grands princes n'aiment guères
Que les compliments qui sont courts;

Et le nôtre surtout a bien d'autres affaires
Que d'écouter tous vos discours.

La louange et l'encens n'est pas ce qui le touche;
Dès que vous ouvrirez la bouche

Pour lui parler de grâce et de bienfait,

Il comprendra d'abord ce que vous voudrez dire,
Et se mettant doucement à sourire

D'un air qui sur les cœurs fait un charmant effet,

80

85

90

95

1. Le Remerciment de Corneille, qui est d'un ton si différent, n'a de commun avec celui de Molière que cette idée nécessaire de modestie :

Tel est l'épanchement de tes nouveaux bienfaits;

Il prévient l'espérance, il surprend les souhaits,
Il passe le mérite....

2. Surtout (sur tout) est le texte de l'édition originale; dans la plupart des suivantes, jusqu'à celle de 1734 exclusivement, il y a le pluriel sur tous.

Il

passera comme un trait, Et cela vous doit suffire :

Voilà votre compliment fait.

100

LA CRITIQUE

DE

L'ÉCOLE DES FEMMES

COMEDIE

REPRÉSENTÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS

A PARIS, SUR LE THÉÂTRE DU PALAIS-ROYAL

LE VENDREDI PREMIER JUIN 1663

PAR LA

TROUPE DE MONSIEUR, FRÈRE UNIQUE DU ROI

« PrécédentContinuer »