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Et le Ciel à ses vœux ne peut rien refuser.
Ces Termes marcheront, et si Louis l'ordonne,
Ces arbres parleront mieux que ceux de Dodone.
Hôtesses de leurs troncs, moindres divinités,
C'est Louis qui le veut, sortez, Nymphes, sortez.
(Plusieurs Dryades, accompagnées de Faunes et de Satyres,
sortent des arbres et des Termes 3.)

Je vous montre l'exemple, il s'agit de lui plaire :
Quittez pour quelque temps votre forme ordinaire1,
Et paroissons ensemble aux yeux des spectateurs,
Pour ce nouveau théâtre, autant de vrais acteurs.
Vous, soin de ses sujets, sa plus charmante étude",
Héroïque souci, royale inquiétude,

Laissez-le respirer, et souffrez qu'un moment
Son grand cœur s'abandonne au divertissement:
Vous le verrez demain, d'une force nouvelle,
Sous le fardeau pénible où votre voix l'appelle,
Faire obéir les lois, partager les bienfaits",
Par ses propres conseils prévenir nos souhaits,
Maintenir l'univers dans une paix profonde,
Et s'ôter le repos pour le donner au monde .
Qu'aujourd'hui tout lui plaise, et semble consentir

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A' l'unique dessein de le bien divertir.

Fâcheux, retirez-vous, ou s'il faut qu'il vous voie 10,

Que ce soit seulement pour exciter sa joie.

(La Naiade emmène avec elle, pour la comédie, une partie des gens qu'elle a fait paroltre, pendant que le reste se met à danser au son des hautbois, qui se joignent aux violons 1.)

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1. Terme, gaîne et buste d'une seule pièce. « Terme, chez les architectes, est une espèce de poteau ou de colonne, ornée par en haut d'une figure ou tête de femme, de satyre, ou autre, qui sert à soutenir des fardeaux dans les bâtiments, ou d'ornement dans les jardins. » (Dictionnaire de Furetière.)

2. Dans l'édition originale, « Dedone. »

3. Et des terres. (1663.) Ce jeu de scène, qui, dans l'édition originale, commence, en marge, à la hauteur du vers 21, est reporté après le vers 24 dans les éditions de 1663, 66, 73, 74, 82, 1734.

4.

5.

Quittez pour un moment votre forme ordinaire.

Vous, soins de ses Etats, sa plus charmante étude.

6. Assurer l'obéissance due aux lois.

Faire obéir ses lois, partager ses bienfaits.

7.

8.

Et perdre le repos pour le donner au monde.

9. Consentir à, au sens latin, être d'accord pour, dans.

10.

Fâcheux, retirez-vous, et s'il faut qu'il vous voie.

11. La copie ne donne, dans ce prologue, aucune indication de jeu de scène.

MOLIÈRE. III

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1. LES PERSONNAGes. (1666, 73, 74, 75 A, 82.) — L'édition de 1734 range et divise ainsi les personnages:

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2. L'édition originale porte ici CLYMENE; dans la pièce même (acte II, scène IV) CLIMENE.

3. Il faudrait sans doute écrire Charitidès, sorte de patronymique qui, d'après la composition grecque du mot, signifierait « fils des Grâces ».

4. La scène est à Paris. (1734.) On peut ajouter qu'elle est sur une promenade, quelque place plantée d'arbres et fermée d'une grille et de portes comme la place Royale: voyez ci-dessus, p. 22, note 2, et les vers 177 et 248.

LES FACHEUX.

COMÉDIE1.

ACTE I.

SCÈNE PREMIÈRE.

ÉRASTE, LA MONTAGNE.

ÉRASTE.

Sous quel astre, bon Dieu, faut-il que je sois né,
Pour être de Fâcheux toujours assassiné!

Il semble que partout le sort me les adresse,
Et j'en vois chaque jour quelque nouvelle espèce;
Mais il n'est rien d'égal au Fâcheux d'aujourd'hui ;
J'ai cru n'être jamais débarrassé de lui,

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Et cent fois j'ai maudit cette innocente envie
Qui m'a pris à dîné de voir la comédie,
Où, pensant m'égayer, j'ai misérablement
Trouvé de mes péchés le rude châtiment.
Il faut que je te fasse un récit de l'affaire,
Car je m'en sens encor tout ému de colère.

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ΙΟ

1. LES FÂCHEUX, COMÉDIE-BALLET. (1734.) Dans l'édition originale, P'orthographe est ici et dans le titre courant: LES FASCHEUX, bien qu'au titre initial du volume le mot soit écrit sans s: LES FACHEUX.

- Sur l'heure

2. Toutes les éditions anciennes écrivent ainsi dîné (ou disné).· de la comédie, voyez ci-après, p. 40, la fin de la note 5 de la page 39.

J'étois sur le théâtre 1, en humeur d'écouter
La pièce, qu'à plusieurs j'avois ouï vanter;
Les acteurs commençoient, chacun prêtoit silence,
Lorsque d'un air bruyant et plein d'extravagance,
Un homme à grands canons est entré brusquement,

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1. Ce singulier usage, qui ne cessa qu'en 1759a, existait déjà depuis quelque temps, et Tallemant des Réaux écrivait (probablement en 1657): « Il y a, à cette heure, une incommodité épouvantable à la Comédie, c'est que les deux côtés du théâtre sont tout pleins de jeunes gens assis sur des chaises de paille; cela vient de ce qu'ils ne veulent pas aller au parterre, quoiqu'il y ait souvent des soldats à la porte, et que les pages ni les laquais ne portent plus d'épées. Les loges sont fort chères, et il y faut songer de bonne heure: pour un écu, ou pour un demi-louis, on est sur le théâtre; mais cela gâte tout, et il ne faut quelquefois qu'un insolent pour tout troubler. » (Mondory, ou l'histoire des principaux comédiens françois, tome VII des Historiettes, p. 178.) Ces spectateurs étaient quelquefois fort nombreux : Tout le bel air étoit sur le théâtre, dit Mme de Sévigné, parlant, en janvier 1672 (tome II, p. 471), d'une représentation de Bajazet. Chappuzeau, loin de déplorer, comme des Réaux, cette incommodité épouvantable, dit : « Les acteurs ont souvent de la peine à se ranger sur le théâtre, tant les ailes sont remplies de gens de qualité qui n'en peuvent faire qu'un riche ornement. » (Le Théâtre françois, 1674, p. 153.) Nous avons trouvé pourtant, anx archives de la ComédieFrançaise, dans le registre du comédien Hubert (il se rapporte à l'année théâtrale 1672-1673), une représentation de Molière où il n'y avait qu'une place prise sur le théâtre. La situation de cet unique spectateur, devenu lui-même un spectacle pour le parterre et les loges, pouvait sembler bizarre, mais au moins ne gênait-il pas la représentation. Il paraît que cet usage de placer des spectateurs sur la scène existait depuis longtemps en Angleterre. Voici ce que raconte M. Guizot (Étude sur Shakspeare, en tête de sa traduction, Didier, 1860, p. 84): « En 1609, Decker, dans un pamphlet intitulé Guls Hornbook, écrit un chapitre sur « la manière dont un homme du bel air doit se cona duire au spectacle. » On y voit que, dans les salles publiques ou particulières, le gentilhomme doit d'abord prendre place sur le théâtre même là il s'assiéra à terre ou sur un tabouret, selon qu'il lui conviendra ou non de payer un siége. Il gardera courageusement son poste malgré les huées du parterre, dût même la populace qui le remplit « lui cracher au nez et lui jeter de la boue au « visage; ce qu'il convient au gentilhomme de supporter patiemment, en rianta de ces imbéciles animaux-là. » Cependant, si la multitude se met à crier à pleine gorge; « Hors d'ici le sot! » le danger devient assez sérieux pour que le bon goût n'oblige pas le gentilhomme à s'y exposer. »

2. Voyez tome II, p. 75, note 2.

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a. Enfin, en 1759, M. le comte de Lauraguais, aujourd'hui duc de Brancas, l'a fait cesser en donnant aux comé liens une somme considérable pour les indemniser de la perte que devait leur faire éprouver la suppression des banquettes de l'avant-scène.» (Auger, 1819.)

b Voyez tome II, p. 12.

En criant: « Holà-ho! un siége promptement! »
Et de son grand fracas surprenant l'assemblée,
Dans le plus bel endroit a la pièce troublée1.
Hé! mon Dieu! nos François, si souvent redressés,
Ne prendront-ils jamais un air de gens sensés,
Ai-je dit, et faut-il sur nos défauts extrêmes
Qu'en théâtre public' nous nous jouions nous-mêmes,
Et confirmions ainsi par des éclats de fous

Ce
que chez nos voisins on dit partout de nous?
Tandis que là-dessus je haussois les épaules,
Les acteurs ont voulu continuer leurs rôles;
Mais l'homme pour s'asseoir a fait nouveau fracas',
Et traversant encor le théâtre à grands pas,
Bien que dans les côtés il pût être à son aise,
Au milieu du devant il a planté sa chaise,
Et de son large dos morguant les spectateurs,
Aux trois quarts du parterre a caché les acteurs.
Un bruit s'est élevé, dont un autre eût eu honte;
Mais lui, ferme et constant, n'en a fait aucun compte,
Et se seroit tenu comme il s'étoit posé,

Si, pour mon infortune, il ne m'eût avisé.

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« Ha! Marquis, m'a-t-il dit, prenant près de moi place, Comment te portes-tu ? Souffre que je t'embrasse. » 40 Au visage sur l'heure un rouge m'est monté

Que l'on me vit connu d'un pareil éventé.

Je l'étois peu pourtant; mais on en voit paroître,
De ces gens qui de rien* veulent fort vous connoître,

1. Cette construction s'est déjà rencontrée au vers 467 de l'École des maris; nons renvoyons de nouveau au Lexique,

2.

L'un en théâtre affronte l'Achéron.

(La Fontaine, livre VI, fable xIx.)

3. Nouveaux fracas, au pluriel, dans les éditions de 1673, 74, 82, 97, 1734.

4. Pour rien, pour un rien, à la suite de quelques relations passagères, sans conséquence.

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