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péte encore, qu'il doit la meilleure partie de fa réputation à fes obfcenitez ; & qu'il auroit été moins lû, & moins eftimé, s'il avoit été plus modefte. Cette estime lui a attiré tant d'interprétes, qu'il n'y a point d'auteur d'une fi médiocre utilité, qui foit chargé de tant de Commentaires. On a ramaffe foigneufement tous les paffages des anciens, qui font mention de lui. Mais ni ce qu'ils en ont dit, ni ce qui nous refte de fon ouvrage, ne nous fait point connoître affez nettement, ni avec affez de certitude, fa patrie, ni le tems auquel il a vêcu, ni l'histoire de fa vie. Je ne repafferai point fur toutes ces matiéres, & je ne le pourrois faire fans m'engager dans des répetitions inutiles & ennuyeufes. Je ferai feulement quelques réflexions, qui ont échappé à l'attention de ces favans hommes qui l'ont fi diligemment étudié. Il eft vifible, avant toutes chofes,que ces fragmens qui nous reftent font des collections de quelque studieux, qui a ramaffé ce qui lui a paru plus digne de remarque, ce qui a été plus conforme à fon génie, ou ce qui avoit quelque rapport à les études. Et en effet fi l'on examine ces lambeaux

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en détail, il n'y en a aucun où l'on ne trouve quelque trait fingulier. Peut-être auffi ces morceaux détachez ont-ils été extraits ou de l'ouvrage entier de Petrone, lorsqu'il fubfiftoit encore, ou de divers auteurs qui les ont rapportez & inferez dans leurs écrits, par quelqu'un qui regrettant la perte de l'original, voulu conferver ce qui en reftoit, & a ramaffé & mis ensemble ce qu'il en a pû découvrir. Il peut bien même être arrivé, ce qui eft arrivé à tant d'autres excellens livres, que ce Recueil a fait premierement négliger, & enfuite perdre entièrement l'original. Néanmoins puifque Jean de Salifbery, Evêque de Chartres, qui vivoit dans le douzième fiécle, rapporte quelques fragmens, qui ne fe trouvent pas dans cette collection, il falloit que tout l'ouvrage fubfistât encore alors en fon entier, ou qu'il y en cût quelque autre collection plus ample que celle que nous avons

ce que le fragment trouvé de nos jours en Dal matie femble confirmer. Je n'ai point changé de fentiment fur le jugement que j'ai fait autrefois de fon ftile, qui ne me paroît ni naturel, ni pur, châtié, mais étudié, fardé, frelaté, & Four

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pour anfi dire opéreux, au delà même de l'altération, qu'avoit déja reque l'éloquence Romaine au tems de Neron. Car tout ce que dit Tacite du Petrone, qui vécut fous cet Empereur, & eut part à fa familiarité & à fes débauches, me femble convenir d'une maniere fi univoque à celui dont nous avons les écrits, que l'on ne peut, felon, mon fens, fans quelque cfpèce de de temerité, en faire deux perfonnages differens dont l'un ait vécu fous Neron, & l'autre fous les Antonins, ou même felon quelques-uns, fous Gallien. L'opinion que je fuis a pourtant fes difficultez: fila Satire de Petrone existoit dès le tems de Neron, pourquoi Pline, Quintilien, & Suetone n'en ont-ils rien dit ? & pourquoi plufieurs Auteurs, Diomede, Prifcien, Victorin, & Saint Jerôme l'ont-ils celebrée. Pour moi je ne vois nul inconvenient à dire, & à penfer, que la memoire odieufe de Neron rendit odieux un ouvrage, qui rappelloit le fouvenir de ce monftre, & de fes débauches; qu'il demeura long-tems caché, jufqu'à ce que le hazard, ou la curiofité de quelque homme de lettres, paffioné pour l'antiquité, le tira des

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tenebres, & le rendit public. Cela ne paroîtra pas hors de vrai-femblance à ceux qui le fouviendront, que beau coup d'autres ouvrages anciens ont eu le même fort. Quoique l'ouvrage de Petrone ait été une veritable Satire Menippée, & que par confequent il dût porter le titre de Satire, & non pas celui de Satyricon qu'il porte, néanmoins le Grammairien Victorin, & les exemplaires qui font reftez de la compilation de ces fragmens, & toutes les éditions lui ont donné ce dernier nom. Ce qui fait voir qu'il y a long-tems que l'on a commencé à confondre les ouvrages Satyriques des Grecs, avec la Satire des Romains.

LXXXVII.

Jugement de Platon.

Dans le cours de mes études, je n'a vois garde de laiffer à l'écart un Philofophe d'un auffi grand nom que Pla

ton.

Quoique je fuffe prévenu des louanges infinies, que lui ont données les anciens & plufieurs modernes, je me fuis pourtant tenu fur mes gardes con, tre cette prévention, & j'ai voulu le

connoître par moi même. Je l'ai donc lû d'un bout à l'autre avec toute l'application que demande la fubtilité, la profondeur, & l'étendue de fa doctrine & le jugement que j'en ai formé, eft qu'il eft très mal-aifé de former un jugement fixe & certain de fes dogmes: il n'a point de méthode reglée pour traiter les matieres: il ne donne prefque aucunes définitions ni divifions; ou s'il le fait, c'eft avec une obfcurité affectée, pour ne fe point départir de ce grand principe de l'Academie, fur l'incertitude de nos connoiffances, & fur la foi bleffe de l'efprit humain. S'il n'a donc point eu de méthode, ce n'eft pas qu'un genie fi élevé ne connût le prix de la méthode, lui qui a fi bien entendu l'ufa-, ge de l'analyfe mais il a cru inutile de raifonner méthodiquement, pour parvenir à des connoiffances qui font hors de la portée de notre efprit. Le défaut de méthode que l'on remarque dans Platon, n'eft pas un défaut de Platon, mais un défaut qu'il a trouvé dans notre nature aveugle, plongée dans de fi épaiffes tenebres, qu'il n'a pas cru que toute l'adreffe de la méthode l'en pût retirer. Sa méthode donc eft de n ea

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