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que leur avaient conférés des hérétiques et des prêtres sans pouvoir. D'après le conseil de l'évêque Rustique de Narbonne, ils s'adressèrent au Pape pour en obtenir des éclaircissements dans une affaire si importante pour eux. La réponse de saint Léon fut adressée à Rustique. Cet évêque était fils d'un nommé Bonose, qui fut aussi évêque; sa mère, sœur d'un autre évêque nommé Arator, et veuve très-vertueuse, prit grand soin de son éducation après qu'il eut étudié en Gaule où florissaient d'excellentes écoles; elle l'envoya à Rome pour achever de se former dans l'éloquence. Étant revenu auprès d'elle, il embrassa la vie monastique et reçut des instructions sur la manière dont il devait s'y conduire, par une lettre fameuse de saint Jérôme, qui le renvoya à saint Proclus, évêque de Marseille, pour s'instruire de vive voix. Après être resté quelque temps dans le monastère, Rustique fut ordonné prêtre de l'église de Marseille, qui semble avoir été sa patrie, et enfin évêque de Narbonne l'an 427. Quand saint Léon fut devenu pape, Rustique envoya son archidiacre Hermès le consulter sur divers points de discipline, témoignant par ses lettres un grand désir de quitter son siége pour vivre dans le repos et la retraite. Saint Léon lui écrivit pour le dissuader, lui représentant que la patience n'est pas moins nécessaire contre les tentations ordinaires de la vie que contre les persécutions pour la foi; que ceux qui sont chargés du gouvernement de l'Église doivent garder courageusement leur poste, et se confier au secours de celui qui a promis de ne la point abandonner. Tel était le saint évêque auquel saint Léon adressa la réponse concernant les questions proposées par les réfugiés africains. Cette réponse renferme, indépendamment des explications sur les doutes soumis à son examen, une foule de décisions

sur les mêmes sujets traités dans la lettre aux évêques d'Afrique; elle est d'un grand intérêt pour la connaissance de la discipline de l'Église à cette époque. On y voit qu'elle s'était considérablement relâchée dans toute l'étendue de l'Église d'Orient, par l'incertitude et l'affaiblissement des relations sociales, par le renouvellement incessant des troubles et des révolutions politiques. Voici l'analyse de cette décrétale qui fait connaître aussi des détails curieux sur les mœurs de ce siècle :

Le prêtre ou le diacre qui s'est faussement dit évêque ne doit point passer pour tel, puisqu'on ne peut compter entre les évèques ceux qui n'ont été ni choisis par le clergé, ni demandés par le peuple, ni consacrés par les évêques de la province, du consentement du métropolitain. Les ordinations faites par ces faux évêques sont nulles, si elles n'ont été faites du consentement de ceux qui gouvernaient les églises, auxquels auxquels ces clercs appartenaient. Cette restriction est difficile à entendre, à moins que l'on ne suppose que ces faux évêques avaient effectivement le caractère épiscopal, mais qu'ils l'avaient reçu par une ordination illégitime, comme Armentarius d'Embrun déposé au concile de Priés. Si un prêtre ou un diacre demande d'être mis en pénitence, il la doit faire en particulier, parce qu'il est contre la coutume de l'Église de leur imposer la pénitence publique.

La loi de la continence est la même pour les ministres de l'autel que pour les évêques et les prêtres. Ils ont pu, étant laïques ou lecteurs, se marier et avoir des enfants. Étant élevés à un degré supérieur, ils ne doivent pas quitter leurs femmes, mais vivre avec elles comme s'ils ne les avaient point. Par les ministres de l'autel obligés à la continence, saint Léon entend même les sous-diacres, comme il paraît par sa lettre à Anastase de Thes

salonique. Il faut distinguer la concubine de la femme légitime; ainsi celui qui quitte sa concubine pour se marier fait bien, et celle qui épouse un homme qui avait une concubine, ne fait point mal, puisqu'il n'était point marié. Saint Léon ne parle ici que des concubines esclaves, et non de celles qui étaient en effet des femmes légitimes, mais sans en porter le titre suivant les lois.

Ceux qui reçoivent la pénitence en maladie, et ne veulent pas l'accomplir étant revenus en santé, ne doivent pas être abandonnés ; il faut les exhorter souvent, et ne désespérer du salut de personne tant qu'il est en vie. Il faut user de la même patience à l'égard de ceux qui, pressés du mal, demandent la pénitence et la refusent quand le prêtre est venu; si le mal leur donne quelque relâche, s'ils demandent ensuite la pénitence, on ne la leur doit pas refuser. Ceux qui reçoivent la pénitence à l'extrémité et meurent avant que d'avoir reçu la communion, c'est-à-dire la réconciliation, doivent être laissés au jugement de Dieu, qui pouvait différer leur mort. Mais on ne prie point pour eux, comme morts hors la communion de l'Église. En d'autres églises on ne laissait pas de prier pour eux. Les pénitents doivent s'abstenir même de plusieurs choses permises. Ils ne doivent point plaider, s'il est possible, et s'adresser plutôt au juge ecclésiastique qu'au séculier; ils doivent perdre plutôt que de s'engager au négoce toujours dangereux ; il ne leur est point permis de rentrer dans la milice séculière ni de se marier, si ce n'est que le pénitent ne soit jeune et en péril de tomber dans la débauche encore ne le lui accorde-t-on que par indul

gence.

Le moine qui, après son vou, se marie ou embrasse

la milice séculière, doit être mis en pénitence publique. Les filles qui, après avoir pris l'habit de vierge, se sont mariées, quoiqu'elles n'eussent pas été consacrées, ne laissent pas d'être coupables. C'est qu'il y avait deux sortes de vierges, celles qui ne s'étaient engagées que par le vou, ou solennel en entrant dans un monastère, ou simple en prenant l'habit et demeurant chez leurs parents; celles qui avaient reçu la consécration qui ne se donnait qu'à l'âge de quarante ans, comme saint Léon même l'ordonne, et par l'évêque un jour de fête solennelle. Ceux qui ont été abandonnés jeunes par leurs parents qui étaient chrétiens, en sorte qu'on ne trouve aucune preuve de leur baptême, doivent être baptisés sans crainte de réitérer le sacrement. Ceux qui ont été pris si jeunes par les ennemis, qu'ils ne savent s'ils ont été baptisés, quoiqu'ils se souviennent se souviennent que leurs parents les ont menés à l'église, il faut leur demander s'ils ont reçu ce que l'on donnait à leurs parents, c'est-àdire l'Eucharistie; s'ils ne s'en souviennent pas, il faut les baptiser sans scrupule. Il était venu en Gaule des gens d'Afrique et de Mauritanie qui savaient bien qu'ils avaient été baptisés, mais ils ne savaient dans quelle secte. Saint Léon répond qu'il ne faut pas les baptiser puisqu'ils ont reçu la forme du baptême, de quel

que

manière que ce soit. Il faut seulement les réunir à l'Église catholique par l'imposition des mains avec l'invocation du Saint-Esprit, c'est-à-dire la confirmation. D'autres ayant été baptisés en enfance, et pris par les païens, avaient vécu comme eux, étaient venus encore jeunes en terre des Romains. Saint Rustique demandait ce qu'on devait faire, s'ils demandaient la communion. Saint Léon répondit : S'ils ont seulement mangé des viandes immolées, ils peuvent être purifiés par le jeûne

et l'imposition des mains; s'ils ont adoré les idoles ou commis des homicides ou des fornications, il faut les mettre en pénitence publique. On voit ici une imposition des mains différente de la confirmation et de la pénitence publique.

Ces décisions montrent tous les efforts de saint Léon dirigés principalement, dès les premières années de son pontificat, vers le rétablissement de la discipline, en y introduisant plus de régularité et de sévérité. Les exhortations et les prescriptions qu'il adressa pour le même sujet aux évêques de Sicile et d'autres parties de l'Italie prouvent, comme celles que nous venons de citer, que si le mal avait gagné de tous côtés, l'activité du Pape pour y porter remède frappait partout où les abus s'élevaient, et qu'il veillait avec une sollicitude égale sur la Gaule et l'Afrique, sur l'Italie et l'Espagne.

Les deux lettres aux évêques de Sicile et d'Italie concernent les faits suivants :

Peu de temps après la prise de Carthage, c'est-à-dire l'an 440, sous le consulat de l'empereur Valentinien avec Anatolius, Genséric passa en Sicile, la ravagea et assiégea Palerme, qui soutint longtemps le siége. Maximien, chef des ariens en Sicile, condamné par les évêques catholiques, excita Genséric à persécuter ces derniers, pour les obliger à embrasser l'arianisme; il y en eut quelques-uns qui souffrirent le martyre. En cette calamité de la Sicile, saint Léon envoya du secours à Paschasin, évêque de Lilybée, par Silanus, diacre de l'Église de Palerme, avec des lettres de consolation, et en même temps il le consulta sur le jour de Pâques de l'année suivante 444, comme il avait déjà consulté saint Cyrille d'Alexandrie. Paschasin répondit au Pape qu'après avoir bien examiné la question, et calculé

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