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aux savants du monde, il s'exprimait avec cette grâce, cette élégance et ce ton de noblesse qui caractérisaient les grands orateurs mais s'il avait à instruire des gens sans lettres, il changeait sa manière, et proportionnait ses discours à la capacité des plus ignorants. Ce qu'il y avait de plus admirable, c'est que dans les instructions les plus familières, il savait allier un style simple et naïf avec la majesté de l'Évangile. Il prêchait la vérité sans déguisement, et sans jamais flatter les grands. Nous en citerons un exemple. Il avait souvent averti en particulier un juge de la province, qui administrait la justice avec une criminelle partialité. Ses avertissements n'avaient produit aucun effet. Un jour qu'il prêchait, le magistrat, suivi de ses officiers, entra dans l'église; à peine l'eut-il aperçu, qu'il interrompit son discours. Son auditoire paraissant étonné, il dit qu'un homme qui avait si souvent négligé les avis qu'on lui avait donnés pour le salut de son âme, ne méritait pas d'être nourri de la parole divine avec le peuple fidèle. Le juge frappé de cette réflexion, rougit, et rentra en luimême. Le saint reprit ensuite le fil de son discours. Ayant remarqué un autre jour que plusieurs personnes sortaient de l'église avant la lecture de l'Évangile, et précisément dans le moment où il allait prêcher, il les fit revenir en leur disant : « Il ne vous sera pas si facile « de sortir des cachots ténébreux de l'enfer, si vous << avez le malheur d'y tomber. »>

L'amour que le saint évêque avait pour les pauvres ne connaissait point de bornes; et ce n'était qu'afin d'être en état de leur procurer des secours plus abondants, qu'il vivait lui-même dans une extrême pauvreté. Il vendit, pour racheter les captifs, jusqu'aux vases sacrés de l'église, et se servit, dans la célébration

des divins mystères, de calices et de patènes de verre. Il supportait les faibles avec tendresse, sans cependant favoriser le désordre des passions. Lorsqu'il mettait quelqu'un en pénitence, il fondait lui-même en larmes, ce qui inspirait de la ferveur au coupable; il tâchait ainsi par ses soupirs et ses prières de lui obtenir de Dieu la grâce d'une vive componction. Son zèle s'étendait à toute la province : il en visitait les évêques afin de les exhorter à retracer en eux l'image de Jésus-Christ, le prince des pasteurs. Il fonda plusieurs monastères, et y fit observer la plus parfaite régularité. Il se fortifiait dans la pratique de toutes les vertus épiscopales, par les exemples de saint Germain d'Auxerre, avec lequel il était lié d'une amitié fort étroite, qu'il appelait son père, et qu'il respectait comme un apôtre.

Durant son épiscopat, il se tint plusieurs conciles auxquels il présida, entre autres ceux d'Orange et de Vaison que nous avons fait connaître. Il n'y en eut aucun dans lequel il ne soutînt la haute idée que l'on avait conçue de lui. Ce fut principalement à son zèle et à sa prudence que l'on dut les canons de discipline qui furent faits dans tous ces conciles.

La fermeté de saint Hilaire lui fit des ennemis. Nous avons vu, par sa contestation avec saint Léon, que l'ardeur de son zèle l'entraînait quelquefois trop loin. Mais sa mémoire n'eut pas à souffrir de ces fautes qu'il effaça par les plus éclatantes vertus. Accablé sous le poids du travail et des mortifications, saint Hilaire mourut le 5 mai 449, à l'âge de quarante-huit ans (1).

Dans l'année 446, le pape s'occupa principalement des affaires de l'Église d'Illyrie. Par le partage exécuté

(1) Voyez sa vie par saint Honorat, évêque de Marseille; Godescard,

en 379, au commencement du règne de Gratien, une partie de la grande et importante province de l'Illyrie orientale était échue à l'Empire d'Orient, mais les droits patriarcaux du Saint-Siége sur les églises de cette contrée n'avaient, comme de raison, souffert aucune atteinte par ce changement de souverain temporel. Afin de maintenir ces droits dans leur intégrité, malgré la séparation politique, et pour que la province restât toujours en union spirituelle avec Rome, les papes saint Damase, saint Sirice et leurs successeurs avaient reconnu l'évêque de Thessalonique en qualité de métropolitain et de vicaire apostolique. Mais dans la suite, soit par l'autorité toujours croissante du patriarche de Constantinople, et sa proximité, soit par la manière dont le vicaire du Saint-Siége exerça ses fonctions, des plaintes eurent lieu, et il arriva que les évêques d'Illyrie eurent de fréquentes discussions avec le métropolitain de Thessalonique, et ne se montraient pas disposés, comme ils auraient dû l'être, à lui obéir. A l'époque où saint Léon monta sur le trône pontifical, ils en étaient même venus au point de demander à l'empereur la réunion de la province ecclésiastique au patriarcat de Constantinople. Cet appel à l'intervention de la puissance temporelle, dans une affaire qui regardait exclusivemeut l'Église, demeura, il est vrai, sans résultat, mais les prédécesseurs de Léon avaient déjà été plus d'une fois dans la nécessité de rappeler ces évêques à leur devoir envers le vicaire apostolique et le Saint-Siége. En 444, saint Léon confirma Anastase de Thessalonique en qualité de son représentant, et il écrivit de nouveau aux évêques d'Illyrie, en les exhortant à la soumission. Dans cette lettre, « il recommande principalement les ordinations des évêques, où l'on ne doit regarder que le mérite de

la personne et le service qu'elle a rendu à l'Église sans aucune vue de faveur ni d'intérêt. Personne ne doit être ordonné évêque dans ces églises, sans vous consulter; car on les choisira avec un jugement plus mûr, quand on craindra votre examen, et nous ne tiendrons point pour évêques ceux que le métropolitain aura ordonnés sans votre participation. Comme les métropolitains ont le droit d'ordonner les évêques de leurs provinces, nous voulons que vous ordonniez les métropolitains, et que vous les choisissiez avec un plus grand soin, comme devant gouverner les autres. Que personne ne manque au concile quand il y sera appelé. Rien n'est plus utile que les fréquentes assemblées des évêques pour corriger les fautes et conserver la charité. Vous nous renverrez, suivant l'ancienne tradition, les appellations et les causes majeures qui ne pourront être terminées sur les lieux. Il se plaint que, contre les canons, on faisait tous les jours indifféremment les ordinations des prêtres et des diacres, et veut qu'on ne les fasse que le dimanche, comme celles des évêques ; ce qu'il faut entendre de la nuit du samedi au dimanche (1). »

A l'occasion de la recommandation faite dans cette lettre d'assister aux conciles, Anastase avertit le Pape que l'évêque Atticus de Nicopolis refusait, sous prétexte de maladie, d'assister à un concile provincial auquel il avait été appelé. Mais, sans attendre la réponse du Pape, le vicaire apostolique avait réclamé l'intervention. du préfet de la province qui fit conduire de force Atticus à Thessalonique, au cœur de l'hiver. Dans une deuxième lettre à saint Léon, Anastase passa sous silence cet abus d'autorité, se contentant de mentionner qu'At

(1) Ep. IV, V.

ticus s'était rendu aussi à Thessalonique et avait signé avec les autres évêques les décrets du concile. A peine ces lettres eurent-elles été remises au Pape par un diacre d'Anastase, qu'Atticus arriva en personne à Rome et se plaignit amèrement de la conduite du vicaire apostolique à son égard. Le diacre d'Anastase ne put lui-même rien alléguer pour la défense de son chef, et saint Léon, donnant une nouvelle preuve des sentimeuts de justice et d'impartialité qui l'inspiraient, écrivit à son représentant pour le blâmer sévèrement, et, à cette occasion, il fixa les rapports du métropolitain avec les évêques de leur province.

Pendant que saint Léon s'appliquait à rétablir l'ordre et la régularité dans la discipline de l'Église, il reçut d'Espagne un pressant appel à sa sollicitude pour arrêter de nouvelles manœuvres des hérétiques. Ce riche et magnifique pays était la proie des Vandales, des Suèves et des Goths, qui se disputaient sa possession, le ravageaient et le livraient à la plus déplorable anarchie. Dans cette situation, il devint facile à une secte qui se perpétuait encore, malgré toutes les poursuites dont elle avait été l'objet, de se propager dans une certaine partie du pays, notamment dans la Galice, et d'y gagner de nombreux partisans. Cette secte était celle des priscillianistes. Vers la première moitié du quatrième siècle, un égyptien appelé Marc, répandit en Espagne des doctrines gnostiques qui, mêlées avec des idées manichéennes, avaient rencontré un ardent zélateur dans la personne de Priscillien, homme d'une classe élevée, et distingué par son esprit et son éloquence. Il sut enseigner sa doctrine, qui, à côté des deux éléments gnostique et manichéen, renfermait encore des opinions à lui particulières, avec tant d'enthousiasme et un si grand

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