Images de page
PDF
ePub

Eusèbe de Dorylée, craignant de passer pour calomniateur, si le concile se contentait de cette déclaration, interrompit le rapport de Memnon :

accusé

Il vient maintenant consentir; je ne l'ai pas de l'avenir, mais du passé. Si on lui donne maintenant une exposition qu'il souscrira par nécessité, ai-je pour cela perdu ma cause ?

:

FLAVIEN Personne ne vous permet de vous désister de l'accusation, ni à lui de ne se pas défendre du passé. EUSEBE : Je vous prie que cette parole ne me fasse pas préjudice; j'ai de bons témoins. Autrement dites aux voleurs qui sont en prison: Ne volez plus désormais; ils le promettront tous.

Memnon continua son rapport, et conclut en annonçant que Eutychès avait demandé un délai du reste dé la semaine, promettant de se présenter au concile le lundi suivant.

Ensuite on fit venir ceux qui avaient été envoyés aux monastères pour s'informer des écrits d'Eutychès, et le prêtre Pierre dit :

Nous avons été au monastère de Martin, prêtre et archimandrite; et l'ayant interrogé, il nous a répondu : Vendredi dernier, douzième de ce mois de novembre, Eutyches a envoyé ses écrits par un diacre nommé Constantin, me priant d'y souscrire. Je refusai, en disant que ce n'est pas à moi à souscrire, mais seulement aux évêques. Il insista : Si vous ne conspirez pas maintenant avec moi, l'évêque m'accablera et viendra aussi fondre sur vous. De là, nous avons été trouver le prêtre et archimandrite Fauste.

Flavien, interrompant le rapport : Que disait l'abbé Martin du contenu de cet ouvrage qu'il n'a pas voulu souscrire ?

PIERRE Il disait que c'était la doctrine du concile d'Éphèse et de saint Cyrille, qu'il y avait une souscription, mais qu'on la cachait. L'abbé Fauste a dit aussi qu'on lui avait envoyé l'écrit par Constantin et Éleusinius, pour le souscrire. Il demanda ce qu'il contenait. On lui répondit que c'était l'exposition de Nicée et d'Éphèse. Il dit : Nous en avons autant, laissez-le-moi considérer de peur qu'il n'y ait quelque addition. Ils ne voulurent pas et se retirèrent. Fauste ajouta : Nous sommes enfants de l'Église, et après Dieu nous n'avons point d'autre père que l'archevêque.

Après ce rapport, Eusèbe de Dorylée demanda qu'Eutychès fùt jugé suivant les canons, prétendant qu'il y avait assez de preuves contre lui. Flavien en convint et, toutefois, pour plus grande sûreté, il accorda à Eutychès le délai qu'il avait demandé.

La sixième session fut tenue le samedi 20 novembre. Eusèbe de Dorylée demanda qu'on appelât, pour le lundi suivant, certaines personnes qu'il désigna et dont le témoignage lui était nécessaire pour la poursuite de son accusation. Flavien ordonna qu'elles fussent appelées.

Eusèbe ajouta : J'ai appris que les prêtres Mamas et Théophile, qui ont été envoyés à Eutyches pour la seconde citation, lui ont entendu dire quelque chose dont ils n'ont pas déposé et qui peut servir à faire connaître ses sentiments. Je demande qu'ils le déclarent devant les saints Évangiles.

Mamas était absent; Théophile présent, étant interrogé, répondit :

Eutychès nous dit, au prêtre Mamas et à moi, en présence du prêtre Narsès, de l'abbé Maxime et de quelques autres moines: En quelle Écriture trouve-t-on deux natures? et ensuite: Qui des saints Pères a dit que

le Verbe ait deux natures ? Nous lui répondîmes : Montrez-nous aussi en quelle Écriture on trouve le consubstantiel? Eutychès répondit: Il n'est pas dans l'Ecriture, mais dans l'exposition des Pères. Mamas ajouta : Il en est de même des deux natures ; et je continuai, dit Théophile : Le Verbe est-il Dieu parfait ou non? Eutychès dit: Il est parfait. J'ajoutai : Étant incarné, estil homme parfait ou non? Il dit: Il est parfait. Je repris: Donc si ces deux parfaits, le Dieu parfait et l'homme parfait, composent un seul Fils, qui vous empêche de dire qu'il est de deux natures? Eutychès répondit Dieu me garde de dire que Jésus-Christ est de deux natures, ou de raisonner de la nature de mon Dieu; qu'ils fassent contre moi ce qu'ils voudront, je veux mourir dans la foi que j'ai reçue.

:

:

FLAVIEN Pourquoi n'avez-vous pas fait cette déclaration la première fois?

THEOPHILE: Nous n'avions été envoyés que pour citer Eutychès, et nous avons cru inutile de parler d'autre chose que de notre mission.

Mamas étant arrivé, on lui donna lecture de la nouvelle déposition de Théophile, et il dit :

Quand nous fùmes envoyés à Eutychès nous ne voulions lui parler de rien; mais il entra en dispute, parlant de son dogme. Nous le reprenions doucement. Il disait que le Verbe incarné est venu relever la nature humaine qui était tombée. Je repris aussitôt : Quelle nature? Il répéta : La nature humaine. Je lui dis : Et par quelle nature a-t-elle été relevée? Il ajouta : Je n'ai point appris dans l'Écriture qu'il y ait deux natures. Je repris : Nous n'avons point appris non plus dans l'Écriture le consubstantiel, mais des saints Pères qui les ont bien entendues et fidèlement expliquées. Il répondit: Je ne raisonne

point sur la nature de la Divinité, et je ne dis point deux natures, Dieu m'en garde. Me voici, si je suis déposé, le monastère sera mon tombeau.

Le jour marqué, lundi 22 novembre, fut tenue la septième et dernière session.

Le concile étant assemblé, Astérius, prêtre et notaire, annonça que l'évêque Eusèbe était à la porte.

FLAVIEN : Qu'il entre : que les diacres Philadelphius et Bérille cherchent autour de l'église si l'abbé Eutychès est venu, suivant sa promesse,

Ils revinrent aussitôt, et déclarèrent qu'après l'avoir cherché par toute l'église, ils ne l'avaient point trouvé, ni lui, ni aucun des siens. Flavien l'envoya encore chercher par les diacres Crispin et Jobien. Quand ils furent de retour, ils dirent ne l'avoir point trouvé, mais avoir appris qu'il allait arriver avec une escorte considérable. Le concile attendit, et Jean, prêtre et défenseur, vint annoncer Eutychès est arrivé avec une grosse troupe de soldats, de moines et d'officiers du préfet du prétoire. Ils ne veulent pas le laisser entrer au concile si nous ne promettons de le rendre. Le silenciaire (1) Magnus est aussi à la porte et demande à entrer comme envoyé par l'empereur.

FLAVIEN Qu'ils entrent.

Quand ils furent entrés, le silenciaire présenta et lut un ordre de l'empereur, portant qu'il voulait que le le patrice Florentius assistât au concile pour la conservation de la foi. Après cette lecture, le concile fit entendre quelques acclamations d'actions de grâces et de vœux pour la longue vie de l'empereur. Ce qui témoigne que ces sortes d'acclamations n'étaient que de cérémonie, car

(1) Silenciaire ou chef des conseillers d'Etat.

l'ordre inconvenant de l'empereur avait dû blesser les membres du concile. Ils agréèrent toutefois que Florentius fût présent, du consentement d'Eutychès, et Flavien l'envoya chercher par le silenciaire.

Quand Florentius fut arrivé, on fit venir au milieu du concile l'accusateur et l'accusé, tous deux debout, et on fit lire par Aétius, diacre et notaire, les actes de ce qui avait été fait jusqu'à ce moment. Lorsqu'il lut l'endroit où il est question, dans la lettre de saint Cyrille aux Orientaux, de la distinction des deux natures, Eusèbe de Dorylée interrompit la lecture en ces termes: Celuici n'en convient pas, il enseigne le contraire.

LE PATRICE FLORENTIUS: S'il plaît à Votre Sainteté, que l'on demande à Eutychès s'il en demeure d'accord,

EUSÈBE: Permettez qu'on lise tous les actes: ils me suffisent pour le convaincre. Quand il conviendrait à présent, cela ne doit pas me porter préjudice. Je crains des artifices. Je suis pauvre, il me menace d'exil; il est riche, il me destine l'Oasis. Si je suis trouvé calomniateur, je perdrai ma dignité.

Flavien l'assura que ce que pourrait dire Eutychès ne lui porterait aucun préjudice; et s'adressant à Eutychès:

Vous avez entendu votre accusateur, déclarez donc si vous confessez l'union de deux natures.

EUTYCHÈS: Oui, de deux natures.

EUSÈBE: Confessez-vous deux natures, seigneur archimandrite, après l'Incarnation, et que Jésus-Christ nous est consubstantiel selon la chair ou non?

EUTYCHÈS, se tournant vers Flavien : Je ne suis pas venu pour disputer, mais pour déclarer à Votre Sainteté ce que je pense. Il est écrit dans ce papier: faites-le lire. FLAVIEN Lisez-le vous-même.

:

« PrécédentContinuer »