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parce qu'on le regarde comme celui où Notre Seigneur jeûna pendant quarante jours. Euthymius ajourna cependant son projet, Théoctiste et les autres religieux de son monastère l'ayant instamment conjuré de ne pas les abandonner. Mais quelque temps après, il prit avec lui un de ses disciples, nommé Domitien, et se rendit auprès de la mer Morte, puis sur une haute montagne isolée, où il trouva un puits, et les ruines d'un ancien édifice; il y construisit un oratoire et s'y fixa il n'avait pas d'autre nourriture que les herbes qui croissaient dans ce lieu. Cette montagne ne lui paraissant pas encore assez solitaire, il passa dans le désert de Zyphon, où il s'enferma dans une caverne. Ces précautions furent inutiles; il fut découvert, et de toutes parts on s'empressa de le visiter. Plusieurs de ses disciples ayant bâti des cellules dans le voisinage de sa caverne, il s'y forma une nouvelle laure, qui devint bientôt auisi célèbre que la première. Par ses conseils et par ses exemples, Euthymius dirigeait et soutenait dans les voies de la perfection un grand nombre de solitaires. Il s'attacha à les préserver de la contagion des erreurs de Nestorius et d'Eutychès. Il est facile de comprendre que l'influence d'Euthymius gênait singulièrement le révolté Théodose; c'est pourquoi il s'efforça d'attirer le saint à son parti. Il le fit appeler, mais Euthymius refusa de venir à Jérusalem. Théodose lui envoya deux abbés, Elpide, disciple et successeur de saint Passarion, et Géronce qui gouvernait le monastère de sainte Mélanie. Saint Euthymius leur dit avec fermeté : Dieu me garde de prendre part aux crimes de Théodose ou à son erreur! Elpide et Géronce : Il faut donc que nous recevions le dogme de Nestorius autorisé par le concile de Chalcédoine, en disant que l'on reconnaît

Jésus-Christ en deux natures. Saint Euthymius: Je n'ai pas là tous les actes du concile, mais pour la définition de foi, je n'y trouve rien à reprendre. Il leur expliqua ensuite comment le concile reconnaissait les deux natures en Jésus-Christ, sans aucune division de person

suivant la doctrine de saint Cyrille. Elpide se rendit à ce langage et avoua qu'il était conforme à la foi catholique; il resta quelque temps encore attaché à la communion de Théodose, mais Géronce ne voulut point abandonner l'erreur. Théodose, sans se rebuter, envoya encore différentes personnes pour tâcher de gagner Euthymius, qui, voyant l'impudence de cet homme, avertit les solitaires de ne point communiquer avec le schisme, et se retira dans le fond du désert. Plusieurs anachorètes l'y suivirent, et saint Eutyy resta jusqu'à la chute de Théodose.

mius

Au milieu de ces mouvements où apparaissent tant de traîtres à notre foi, j'aime à rappeler les noms des chrétiens restés courageusement fidèles. Parmi ceux qui résistèrent à l'impie Théodose, je citerai encore un autre anachorète, célèbre aussi dans ce siècle : il se nommait Gérasime. Après avoir pratiqué la vie monastique dans son pays, la Lycie, il était venu s'établir dans le désert, près du Jourdain. Il avait été entraîné avec les autres anachorètes dans l'erreur de Théodose; mais ayant entendu parler des vertus de saint Euthymius, il vint le trouver à Rouba, conféra longtemps avec lui, consentit à la définition du concile de Chalcédoine, et renonça à la communion de Théodose avec quatre autres moines. Gérasime construisit, à un quart de lieue du Jourdain, une laure et un monastère. La laure était composée de soixante et dix cellules éloignées les unes des autres; le monastère s'élevait au milieu, destiné

pour

les novices et les jeunes gens. Les cellules de la laure étaient pour les moines plus avancés dans la perfection. Ils y demeuraient seuls pendant cinq jours de la semaine, depuis le lundi jusqu'au vendredi, et quand ils en sortaient, ils laissaient la porte ouverte pour montrer qu'ils n'avaient rien dont les autres ne pussent se servir, s'ils voulaient. Le samedi et le dimanche ils venaient communier au monastère. Saint Gérasime mourut en 454, le 5 mars, jour auquel l'Église honore sa mé

moire.

Un autre abbé, du nom de Gélase, défendit aussi le concile de Chalcédoine contre Théodose. Celui-ci, dès le commencement de son schisme, alla trouver Gélase dans son monastère, et lui parla contre le concile, comme ayant autorisé le dogme de Nestorius. Gélase, connaissant le personnage, amena un jeune enfant du nombre de ses disciples, qu'il avait ressuscité, étant mort par accident, et dit à Théodose : Si vous voulez disputer sur la foi, voici qui vous répondra; car je n'ai pas le loisir de vous entendre. Théodose se retira dans la confusion. Quand il eut usurpé le siége de Jérusalem, envoya chercher l'abbé Gélase, et usant de caresses et de menaces, il le fit entrer dans le sanctuaire, et lui dit Anathématisez Juvénal. Gélase lui répondit avec une calme fermeté: Je ne connais point d'autre évêque de Jérusalem que Juvénal. Théodose craignant que cet exemple ne fût contagieux, le fit chasser de l'église. Les schismatiques se saisirent de sa personne, le placèrent sur un bûcher, menaçant d'y mettre le feu; mais lorsqu'ils le virent inébranlable, ils lui rendirent la liberté, craignant un soulèvement du peuple, à cause de sa grande réputation.

il

Voici un trait touchant de la charité et du désinté

ressement de Gélase. Il possédait un livre écrit sur parchemin, contenant l'Ancien et le Nouveau Testament, qui valait dix-huit sous d'or. Il l'avait placé dans l'église, afin que tous les frères le pussent lire. Un moine étranger le déroba, et le saint vieillard, qui s'était aperçu de ce vol, ne poursuivit point le coupable. Celui-ci se rend dans la ville, cherche à vendre le livre et en demande seize sous d'or. La personne qui voulait l'acheter courut consulter Gélase qui lui dit: Achetez-lé, il est beau et vaut bien ce prix. L'acheteur dit au voleur: Je l'ai montré à l'abbé Gélase, et il m'a dit que c'est trop cher, et qu'il ne vaut pas le prix que vous demandez. Le voleur: Ne vous a-t-il rien dit de plus? Non, répondit l'autre. Le voleur ajouta Je ne le veux plus vendre; et, touché de repentir, il vint trouver Gélase, et lui voulut rendre son livre ; mais il refusa de le reprendre. Le moine lui dit: Si vous ne le reprenez, je n'aurai point de repos. Il le reprit donc, et le moine étranger, converti par cet acte de charité, resta avec Gélase jusqu'à sa mort (1).

Tels sont les hommes qui défendaient, en Palestine, la vérité, la justice et l'humanité contre les attaques des hérétiques et des schismatiques.

Aussitôt que Marcien eut reçu la première nouvelle de la fermentation qui régnait parmi les moines, il donna l'ordre au général qui commandait dans la province de renforcer la garnison de Jérusalem, car il prévoyait que cette ville deviendrait le point central de la révolte. Cette mesure arrêta le cours des violences. Mais Juvénal étant absent et le parti de Théodose fort nombreux et

(1) Voyez la vie de saint Euthymius, par le moine Cyrille, dans Analect, Græc., par D. Lottin; Cotelier, Monum. Græc.; Bollandus et Baillet,

fort répandu parmi le peuple, l'évêque schismatique se maintint encore pendant vingt mois sur son siége, où il continua à exercer un pouvoir absolu. A la vérité, la présence de la garnison l'empêcha de se livrer à ses cruautés; mais la situation illégale des affaires demeura la même. Les moines, qui se sentaient gênés par les fonctionnaires impériaux, écrivirent à Pulchérie, pour se plaindre avec amertume des soldats, une lettre qui servit elle-même à donner la preuve de toute la perversité de leurs dispositions. L'empereur Marcien se chargea de leur faire une réponse sévère : « Au lieu de vivre en repos, de vous faire instruire par les prêtres, et d'obéir à leur doctrine, comme vous y êtes obligés par votre profession, vous avez entrepris, par une audace violente, de vous faire docteurs des peuples; vous vous êtes follement persuadés qu'il fallait plutôt vous suivre en la science de la foi, que les saints Apôtres, les Prophètes et les Pères de l'Église. Vous ne pouvez nier les crimes dont vous vous êtes rendus coupables; les maisons et les monastères brûlés; les homicides et les autres violences commis dans Jérusalem, comme dans une ville prise d'assaut. Je ne puis assez m'étonner qu'ayant anathématisé Eutychès, vous adhériez à Théodose, homme de la dernière audace, qui suit toutes les opinions de cet hérésiarque, de Valentin et d'Apollinaire ; Jésus-Christ, notre Seigneur, ne manquera pas de faire justice de tant d'impiétés. A l'avenir, vous vous abstiendrez de toutes assemblées contraires aux canons, sous peine d'encourir les peines établies par nos prédécesseurs contre les hérétiques. L'évêque Juvénal s'étant employé auprès de moi, avec beaucoup de chaleur, pour obtenir votre grâce, je la lui accorde, espérant que par la pénitence vous expierez les crimes que vous avez commis. »

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