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et l'impuissance qui en résultait pour l'homme de se délivrer du péché par ses propres forces; mais on soutenait, en se rapprochant de Pélage, que le commencement de la sanctification est au pouvoir de l'homme, en ce sens qu'il peut, par une libre décision et par un acte de volonté qui ne dépend que de lui, s'approprier la foi nécessaire à sa justification. Cela suffit pour établir sa sanctification, quoique l'on avoue qu'il est trop faible pour la compléter. Or, la force qui lui manque lui est donnée par Dieu, pour le récompenser du bien qu'il a commencé à faire, par une décision de sa volonté, par un acte de son libre arbitre; c'est donc le mérite de l'homme qui occasionne la grâce parfaite par laquelle il reçoit l'accroissement de la foi, la persévérance dans les bonnes œuvres. Mais la persévérance jusqu'à la fin dépendant de l'homme, est aussi un de ses mérites, et la prédestination de Dieu n'est autre chose que la prévision, de toute éternité, de ceux qui croiront et persé– vèreront. Cette doctrine des semi-pélagiens ne saurait être décrite avec plus de vérité que dans les paroles suivantes d'un des plus spirituels historiens catholiques de l'Église : « Les semi-pélagiens s'accordent avec saint Augustin en ce qu'ils attribuent à la grâce de Dieu « tous les actes pieux de la vie ; mais ils se rapprochent « de Pélage en ce que, dans cet enchaînement d'actes pieux, ils placent le premier et le dernier chaînon « dans le mérite de l'homme (1).

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Par la manière dont il avait pris naissance et par sa nature même, le semi-pélagianisme était assuré d'une existence plus longue que celle du pélagianisme. Il acquit une grande autorité dans la Gaule et il eut des

(1) Katercamp, Premier âge de l'histoire Ecclésiastique, 3o partie, p. 51,

défenseurs habiles et savants dans la personne de Cassien, de Vincent de Lérins et de plusieurs autres ; mais il ne manqua pas non plus d'adversaires d'un égal mérite, à la tête desquels il faut placer, vers 429, Hilaire, moine et prêtre de Syracuse, et saint Prosper. Ce dernier surtout déploya la plus féconde activité, et c'est surtout à ses efforts que l'on doit d'avoir vu la doctrine de l'Église, fixée par une décrétale du pape Célestin (1), doctrine qui, à compter de ce jour, fut faiblement combattue par les semi-pélagiens; toutefois ils continuèrent de subsister jusque fort avant dans le sixième siècle.

En Orient, le renouvellement de la lutte du rationalisme contre l'enseignement de l'Église s'engagea par la doctrine de Nestorius et suscita de nombreuses divisions et des troubles inquiétants. Si l'on examine de près cette hérésie, on reconnaît en elle une relation plus immédiate encore avec l'enseignement de Théodore de Mopsueste. D'après Marius Mercator, écrivain ecclésiastique, ami de saint Augustin, mort vers 451,

(1) Nous aurons occasion de parler plus bas de l'auteur de cet important document ecclésiastique, ainsi que de la manière dont il est rédigé. Nous nous bornerons à en indiquer ici le principal contenu, parce que l'on y trouve un résumé de la doctrine de l'Église sur cette question. Cette décrétale se compose de dix points principaux succinctement traités, savoir: I. Quod Adam omnes homines læserit, nec quemquam, nisi gratia posse salvari. II. Quod nemo sit bonus suis viribus, nisi participatione ejus, qui solus bonus est, III. Quod nisi gratia Dei continua juvemur, insidias diaboli superare non possumus. IV. Quod per Christum libero bene utamur arbitrio. V. Quod omnia sanctorum merita dona sint Dei. VI. Quod omnis sancta cogitatio et motus piæ voluntatis ex Deo sit. VII. Quod gratia Dei non solum peccata dimittat, sed etiam adjuvet, ne committantur et præstet ut lex impleatur, non sicut ait Pelagius facile, quasi sine gratia Dei difficilius possit impleri. VIII. Quod propter statuta sedis apostolicæ omnes orationes ecclesiæ Christi gratiam resonant, qua genus humanum ab æterna damnatione reparatur. IX. Quod gratiam Dei etiam baptizandorum testetur instituta purgatio, cum exorcismis et exsufflatione spiritus ab eis abinguntur immundi. X. Quod profundiores quæstiones nec contemnendæ sint, nec penitus asserendæ. (V. Harduin, Concil., I, p. 1253.)

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il s'était formé sur le dogme de l'Incarnation un système qui différait autant de l'enseignement de l'Église qu'il se rapprochait du celui de Nestorius : « Le Verbe « de Dieu, le Logos, avait pris l'humanité de JésusChrist, lequel avait été formé, comme homme, dans « le sein de la Vierge, d'une manière naturelle ; mais « ce même Verbe s'était lié avec le Christ, d'une ma« nière surnaturelle, par l'opérati du Saint-Esprit ; << il avait ainsi uni à lui le Christ-F. nme, l'avait laissé « souffrir la mort pour nous délivrer de la malédiction « de la loi, l'avait ensuite ressuscité d'entre les morts, « l'avait fait monter au ciel, etc., etc. Pour ces « causes, il est digne de toute notre adoration, le culte « le plus élevé est accordé à sa personne parce qu'elle << est inséparablement unie à la nature divine. » D'après le moine Marius, voici le véritable sens de cette doctrine de Théodore : Le Christ, homme sculement, mais dirigé par le Saint-Esprit, se serait si intimement uni au Verbe de Dieu, qu'il est permis de le proclamer fils de Dieu, bien qu'il ne le soit pas par sa nature, mais par la grâce divine. Dans ce système, le reproche adressé par les défenseurs de l'Église aux Nestoriens, d'enseigner en Jésus-Christ deux fils, est donc fondé; de ces deux fils, l'un est le Verbe, fils de Dieu par la nature de la substance, et l'autre Jésus homme, qui, par son union intime avec le Verbe, s'est acquis le nom et l'honneur de fils de Dieu.

Avant que Nestorius, moine et prêtre de l'église d'Antioche, distingué par son éloquence et tous les dehors de la piété, montât sur le siége de Constantinople, vacant par la mort de Sisinnius, en 428, cette doctrine de Théodore comptait sans doute déjà de nombreux partisans, mais sans avoir encore rencontré

personne qui osât la représenter publiquement. Sous prétexte de combattre les erreurs des ariens, des apollinaristes et d'autres hérétiques, Nestorius, peu de temps après son arrivée dans la capitale de l'Empire d'Orient, propagea ces idées, en faisant prêcher d'abord par d'autres ecclésiastiques et en prêchant ensuite luimême cette maxime qui résumait tout son système : « Anathème à celui qui nomme la Vierge Ortéza:, mère « de Dieu! » Ce langage était la conséquence inévitable de cette doctrine d'après laquelle le fils de la Vierge n'était pas, par sa nature même, le fils véritable et consubstantiel de Dieu, le Verbe fait homme par sa naissance de la Vierge, mais un homme comme les autres fils d'Adam, inspiré, il est vrai d'une manière toute spéciale, par l'Esprit-Saint, entré, plus tard, en union intime et parfaite avec le Verbe de Dieu, en sorte qu'il pourrait s'appeler Onpópo; ou Ondayo:, celui qui a reçu Dieu en lui, mais ce qui ne donnait pas à sa mère le droit de porter le titre de Ontóza. Quand Nestorius eut propagé ouvertement cette doctrine, il en résulta des troubles sérieux parmi ses ouailles, car sa tendance hérétique était évidente, et la grande majorité du peuple ne se montra nullement favorable aux vues de son évèque.

Nestorius, par sa position, était un personnage trop important, et jouissait d'une influence trop considérable dans l'Église, pour que ses amis ne profitassent pas avec ardeur de l'occasion qui se présentait de propager leur hérésie à l'aide d'une si haute protection. Dans ce but, ils prirent soin de rédiger les discours de Nestorius et de les répandre à profusion dans tout l'Orient. Quelques tentatives furent faites pour gagner les moines d'Égypte dont on connaissait le rôle prépondérant dans les grands

mouvements de l'Église. Toutes les fois

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lève pour attaquer la doctrine de vérité, Dieu suscite un défenseur et un vengeur qui dévoile les mensonges de l'impiété; saint Athanase avait vaincu l'arianisme, saint Augustin le manichéisme, le pélagianisme et le semipélagianisme, saint Cyrille, évêque d'Alexandrie, démasqua et vainquit, en 430, le nestorianisme. Après avoir examiné à fond cette nouvelle doctrine, il reconnut qu'elle contredisait l'enseignement de l'Église. Ayant appris que les discours de Nestorius avaient été envoyés aux moines d'Égypte, il leur écrivit pour les prémunir contre l'invasion des erreurs de ce sectaire; cette lettre, aussitôt qu'elle fut connue à Constantinople, excita au plus haut degré la colère de Nestorius et l'entraîna jusqu'à adresser des injures personnelles à saint Cyrille qui, de son côté, s'en était soigneusement abstenu. Une correspondance s'établit entre eux, et les lettres écrites, à cette occasion, par saint Cyrille, sont d'une haute importance dogmatique, car il y développa, avec beaucoup d'exactitude et de clarté, la doctrine proclamée plus tard par l'Église sur les questions débattues. Il pose souvent pour base de ses raisonnements le symbole des apôtres et fait ressortir, comme condamnant particulièrement les erreurs de Nestorius, le commencement du second article dans lequel nous ne disons pas, comme lui, que le Verbe a été, quant à sa substance, changé en chair, ni que le Verbe a été transformé en un homme composé d'un corps et d'une âme ; mais nous croyons que le Verbe a pris, quant à sa personnalité, une chair humaine, animée par une âme raisonnable, et est devenu homme par un mystère inaccessible à l'intelligence finie. C'est ainsi qu'il a vécu sur la terre comme le fils de l'homme, non pas seulement par l'union de la volonté ou du bon

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