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Et déjà de son front la funeste pâleur
N'opposait à la mort qu'un reste de chaleur,
Lorsqu'une illusion lui présente son frère,
Et lui rend tout d'un coup la vie et la colère :
Il croit le voir suivi des ombres de six rois,
Qu'il se veut immoler une seconde fois;

Mais ce retour si prompt de sa plus noire audace
N'est qu'un dernier effort de la nature lasse,
Qui, prête à succomber sous la mort qui l'atteint,
Jette un plus vif éclat, et tout d'un coup s'éteint.
C'est en vain qu'il fulmine à cette affreuse vue,
Sa rage qui renaît en même temps le tue :
L'impétueuse ardeur de ces transports nouveaux
A son sang prisonnier ouvre tous les canaux;
Son élancement perce ou rompt toutes les veines,
Et ces canaux ouverts sont autant de fontaines
Par où l'âme et le sang se pressent de sortir,
Pour terminer sa rage et nous en garantir.
Sa vie à longs ruisseaux se répand sur le sable,
Chaque instant l'affaiblit et chaque effort l'accable,
Chaque pas rend justice au sang qu'il a versé

Et fait grâce à celui qu'il avait menacé;

Ce n'est plus qu'en sanglots qu'il dit ce qu'il croit dire;
Il frissonne, il chancelle, il trébuche, il expire,
Et sa fureur dernière épuisant tant d'horreurs,
Venge enfin l'univers de toutes ses fureurs (1).

La mort d'Attila mit fin à cette domination des Huns qui passa sur la terre, comme un orage, sans pouvoir

(1) Voyez, sur Attila, Jornandès, Hist. des Goths; le poëme de Nibelungen; la vie d'Attila, écrite dans le seizième siècle par Olaüs, archevêque d'Upsal; l'Hist. des Huns, par de Guignes; la tragédie d'Attila, par le poëte allemand Werner. Dans le 24 chap. de la Ile partie de l'Allemagne, madame de Staël donne une analyse de cette tragédie. En 1822, on a représenté à l'Odéon une tragédie d'Attila, par M. Hippolyte Bis; la vérité historique et traditionnelle est complétement violée dans cet ouvrage écrit d'un style déclamatoire; sainte Geneviève joue le rôle d'une sorcière. La même tragédie a inspiré un roman prétendu historique, par M. de Beaunoir (1823): c'est un conte de revenants et de magiciens.

jamais fonder aucun établissement durable. Sous ce rapport, Alaric et les Visigoths possédèrent une grande supériorité sur la race des Huns. Attila retenait dans une subordination forcée une foule de peuples divers qui, après sa mort, se débandèrent, se divisèrent et subirent des destinées différentes.

Aétius et Valentinien suivent de près Attila. Le général et l'empereur romain sont assassinés au milieu de scènes de débauche, d'intrigue et de violence. Cette civilisation et la Barbarie se valent, mènent la même vie et font la même fin. On ne traverse ces siècles d'anarchie qu'en nageant dans le sang.

A la cour de Valentinien vivait un sénateur nommé Petronius Maxime; il était marié à une femme parfaitement belle, mais très-vertueuse. L'empereur voulut en faire la victime de sa luxure, comme de tant d'autres femmes de la noblesse et du peuple. Tous les moyens de séduction et d'intimidation ayant échoué auprès de la chaste épouse de Maxime, Valentinien résolut d'employer la violence. Uu jour, après avoir joué aux dés avec Maxime, il lui gagna tout son argent et jusqu'à son anneau. Dès qu'il le posséda entre les mains, il l'envoya à la femme de Maxime et lui fit dire, de sa part, qu'elle vînt à l'heure même, parler à l'impératrice. Sans aucune défiance, elle se rendit aussitôt au palais, où des affidés de Valentinien la conduisirent dans une chambre écartée du quartier des femmes. L'empereur était là, guettant sa proie, et il eut la gloire d'emporter de force l'honneur de cette femme. La malheureuse croyait son mari complice de cette infamie; étant retournée dans sa maison, elle reprocha à son époux, avec énergie et désespoir, d'avoir contribué à ce crime. Maxime lui expliqua l'usage que l'empereur avait fait

de l'anneau gagné au jeu, lui conseilla de dissimuler sa douleur et d'attendre l'heure de la vengeance. Un des favoris de Valentinien était l'eunuque Héraclius, grandmaître de la garde-robe. Cet homme ne pouvait supporter la gloire, l'autorité et l'influence d'Aétius retiré à la cour de Ravenne. Maxime, pour exécuter sa vengeance, avait besoin de la mort d'Aétius, qui aurait été un obstacle redoutable pour ses projets. Il exalta donc les sentiments d'inimitié de l'eunuque, lui montra le prochain mariage de Gaudentius, fils du général romain, avec une fille de l'empereur, comme un acheminement à l'usurpation de l'Empire, usurpation qui les priverait tous de leurs honneurs et de leur crédit. Héraclius entretint Valentinien dans les mêmes sentiments, et sut exciter la colère de l'empereur en lui rapportant des paroles imprudentes d'Aétius, prononcées au sujet des retards qu'éprouvait le mariage de son fils. Un jour, Aétius fut appelé au palais; à peine introduit auprès de l'empereur, Valentinien tira son épée et la plongea dans le corps du vainqueur d'Attila :

Rome perd en lui seul plus de quatre batailles (1).

Aétius nous est maintenant bien connu. Avec toutes les qualités d'un grand général, il a eu l'ambition et l'esprit d'intrigue qui lui ont fait diriger les armes contre sa patrie. Jaloux de son pouvoir, il ne put supporter aucune renommée à côté de la sienne et entraîna la perte du comte Boniface. Il était de ces hommes dont la capacité supérieure, faute d'être appuyée sur un grand caractère, ne peut ni s'élever au-dessus de l'autorité, ni

(1) Vers de Corneille dans Attila, -Cet assassinat cut licu en 154.

lui obéir. Dans les époques de décadence, ces hommeslà sont ou des usurpateurs ou des victimes.

N'ayant plus à craindre Aétius, Maxime inspira le désir de venger la mort du général romain à deux Barbares qui étaient à son service. Un jour, 16 mars 455, Valentinien assistait, dans le Champ-de-Mars, à des exercices militaires; ces deux Barbares se jetèrent sur sa personne et le massacrèrent, ainsi que son favori l'eunuque Héraclius. L'honneur de la femme de Maxime et la mort d'Aétius furent vengés du même coup.

Maxime se fit élire empereur; et, peu de jours après, sa femme étant morte, il força Eudocie, la veuve de Valentinien, à l'épouser. Une nuit, se laissant entraîner par la violence de sa passion, il déclara à Eudocie que, par amour pour elle, il avait fait tuer Valentinien. A son tour, elle médita des projets de vengeance et chargea de son exécution Genséric, roi des Vandales. La suite de ce récit nous apprendra quelles furent pour la famille impériale de Ravenne et pour l'Italie les conséquences de cette série d'intrigues, de passions violentes, de crimes et d'assassinats (1).

(1) Procope, dans son hist., le liv. I de sa Guerre des Vandales; Evagre, Hist. ecclés., liv. II, chap. vii.

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