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HISTOIRE

DU

PONTIFICAT DE SAINT LÉON-LE-GRAND

ET DE SON SIÈCLE.

CHAPITRE XI.

Destruction de l'Empire romain par les Barbares.

LES HUNS.

Le Seigneur brisera les rois au jour de sa colère; il jugera les nations, il écrasera sur la terre la tête d'un grand nombre. Ps. CIX.

L'Église lutte à la fois contre les hérétiques et contre les Barbares.

Invasions des Huns. Leurs mœurs.

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Attila.

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Son portrait.

Confédération de Barbares.

-Sainte Ursule et les vierges

(376-481.)

Le schisme et l'hérésie sont vaincus; la primauté du Saint-Siége, garantie d'ordre et de liberté pour l'Église, triomphe; la paix et l'unité sont rétablies, et toutes les

T. 11.

1.

par

forces de la civilisation chrétienne peuvent se réunir pour continuer leur mission de renouvellement social. Les passions religieuses, les ambitions individuelles, les intérêts politiques et nationaux, que nous avons vus coalisés contre le catholicisme, ne suffisent pas encore pour donner une idée des difficultés contre lesquelles il avait à lutter au cinquième siècle. Tandis que la Papauté et l'Église, d'une main résistent aux hérétiques, aux schismatiques, aux intrigues des princes et de leurs courtisans; de l'autre, elles protégent les derniers débris de l'ancienne société, les institutions naissantes de la société nouvelle, les populations païennes et chrétiennes contre les Barbares altérés de sang et emportés les instincts furieux de la destruction. En contemplant la situation du monde dans cette lamentable époque, l'inextricable complication des événements religieux et politiques, la dissolution universelle des empires, les immenses désastres qui couvraient la terre entière de ruines et de sang, on se demande comment la raison peut expliquer que l'homme seul, abandonné à sa propre puissance, ait réussi à faire sortir de cet effroyable chaos une société régénérée, une civilisation jeune, pure, florissante, active, qui a transformé l'homme tout entier, ses sentiments, ses habitudes, son intelligence, ses croyances, la poésie, l'art, la science, l'industrie, une civilisation dont le principe fécond est resté, à travers tant de révolutions civiles et politiques, le seul qui possède le pouvoir de faire sortir les peuples de la Barbarie et de les empêcher d'y retomber ! Dans son Histoire générale de la Civilisation en Europe, M. Guizot donne l'apparition des grands hommes pour une des causes humaines de la conservation prodigieuse de la civilisation chrétienne, du cinquième au dixième

siècle (1). Ah! sans doute, les grands hommes n'ont pas manqué; jamais plus de génie, de persévérance et de sacrifices n'ont été déployés... Mais si ces hommes n'avaient eu que la grandeur de l'intelligence, ils auraient infailliblement succombé sous l'énormité d'un labeur hors de proportion avec les forces humaines, ou bien ils n'auraient fondé qu'une oeuvre éphémère... Ces hommes ont été des saints, et c'est ainsi seulement que l'histoire de la régénération chrétienne peut s'expliquer par l'intervention divine.

Dans la première partie de ce récit, j'ai déjà eu occasion de constater qu'au milieu de l'abaissement universel des intelligences et des âmes, aux quatrième et cinquième siècles, l'Église seule avait relevé la dignité humaine par l'action de génies supérieurs qui ont tous été des saints. Autour de saint Léon-le-Grand se groupent et concourent à sa mission une multitude de saints sur les trônes, sur les siéges épiscopaux, dans les monastères, dans les solitudes du désert; plusieurs de ces pieux personnages se sont déjà montrés dans le cours de cette histoire, et un grand nombre d'autres vont venir nous édifier par des vertus qui sauveront le monde chrétien des attaques et de l'Hérésie et de la Barbarie.

Au cinquième siècle et particulièrement à l'époque où nous sommes parvenus, le mouvement d'invasion, commencé depuis le deuxième siècle, précipitait sa marche avec une fureur redoublée, signe manifeste que le but fixé par la Providence à cet ébranlement général des populations Barbares allait être atteint. O mon Dieu! combien les calculs de votre politique pour le gouvernement temporel de l'humanité sont mystérieux

(1) Page 87; 3o édit.

et terribles! Dans les profondeurs inconnues de l'Asie, des races d'hommes se livrent, pendant plusieurs siècles, des combats exterminateurs qui font disparaître des empires, des peuples entiers, qui les refoulent les uns sur les autres et les poussent, tour à tour, par une invincible nécessité, vers l'Occident où ils rencontrent l'Empire romain, et exécutent, en le démembrant, l'arrêt de mort porté par la Providence. Les Alains, les Visigoths, les Suèves, les Vandales, les Bourguignons, les Allemands, les Francs envahissent successivement les provinces romaines et y fondent des royaumes nouveaux. Nous avons présenté, dans le premier chapitre du volume précédent, le tableau de ces invasions. Elles avaient été presque toutes déterminées par le déplacement violent que ces peuples s'étaient vu forcés d'exé cuter, lorsque les tribus de la race finnoise descendirent, avec l'impétuosité d'une avalanche, du haut des monts Ourals (1), et terrifièrent, par leurs masses, leur aspect et leur férocité, les peuples Barbares qui les avaient précédés et le monde romain. Ces tribus sont connues sous le nom de Huns.

la

C'est en 376 les historiens romains font, pour que première fois, mention des Huns. A cette époque, ils quittèrent leurs campements sur les rives du PalusMæotis (mer d'Azof), chassèrent les Alains et les Goths établis depuis un siècle dans ces contrées, et se répandirent jusque sur les bords du Danube. De tous les Barbares connus, ils étaient les plus sauvages. Habitants nomades des forêts et des steppes, ils marchaient en hordes innombrables; aucun obstacle ne les arrêtait; ils

(1) Chaîne de montagnes qui sépare l'Europe de l'Asie et s'étend de l'Océan glacial Arctique à la mer Caspienne.

ne craignaient ni la fatigue, ni le chaud, ni le froid, ni la faim, ni la soif; avec leur manière de combattre, l'armée la plus vaillante et la plus aguerrie n'était pas vaincue, mais épuisée et anéantie par des attaques perpétuelles, renouvelées sans cesse avec la rapidité de l'éclair. Les historiens nous font connaître les mœurs de ces Barbares et l'impression qu'ils produisirent sur les Romains:

<«< Ils creusent les joues des nouveau-nés avec un fer, « afin que les poils de la barbe ne puissent pas croître «< dans une chair sillonnée de cicatrices, ce qui leur « donne un air efféminé et les fait ressembler à des eu« nuques. Ils ont les membres forts et trapus, le cou « gros, le dos rond en sorte que l'on pourrait les pren« dre pour des animaux sauvages qui marchent sur deux « pattes, ou bien les comparer aux piliers informes d'un « pont. Quoiqu'ils aient la forme humaine, ils mènent « une vie bestiale. Ils n'ont pas besoin de mets préparés « sur le feu et relevés par des épices; ils se nourrissent « de racines crues et de l'herbe des forêts, auxquelles «< ils ajoutent la chair des animaux, qu'ils se contentent de faire mortifier entre la selle et le dos de leurs che«vaux. Ils ne se mettent jamais à l'abri d'un toit: une « maison leur fait l'effet d'un tombeau qui les sépare de << la vie commune; on ne trouve pas même chez eux des << cabanes couvertes de feuillages; mais, parcourant << sans cesse les montagnes, les forêts et les steppes, ils « apprennent, dès les berceau, à supporter la faim, << la soif et toutes les intempéries des saisons. Ce n'est « que forcés par la dernière nécessité qu'ils entrent << dans une habitation, car ils ne s'y croient pas en « sûreté. Leurs vêtements sont faits de toile ou bien de la << peau des animaux. Ils n'ont qu'un seul habit, qu'ils

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