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multitude des chrétiens qui voulaient entendre leur parole, les deux saints se virent obligés de prêcher sur les places publiques, dans les champs, sur les routes. Par ces travaux apostoliques, ils confirmèrent les catholiques dans la foi, et ramenèrent à la connaissance de la vérité ceux qui s'étaient laissés séduire par les deux hérétiques. Pélage et Célestius, au désespoir de voir ainsi ruiner leur secte, n'osèrent d'abord se montrer; mais, réfléchissant qu'il valait mieux s'exposer au péril d'une dispute que de se condamner eux-mêmes par leur silence, et perdre toute créance parmi les peuples en se confessant vaincus, ils résolurent, après divers subterfuges, d'en venir enfin à une conférence publique. Ils s'y présentèrent avec grande pompe et une suite considérable. Le peuple accourut en foule pour être le spectateur et le juge de ce combat. Les deux saints évêques, que la foi de Jésus-Christ rendait puissants en œuvres et en paroles, arrivèrent sans faste et sans autre appui que leur confiance dans la vérité et la justice de la cause de leur Maître. Ils permirent à leurs adversaires de parler les premiers. Ce firent les hérétiques avec un grand appareil de discours étudiés. Les prélats parlèrent ensuite; mais ils ne firent que prêter leur organe à la parole de Dieu qu'ils exposèrent avec une éloquence foudroyante. La vanité des ennemis de l'Église se trouva tellement humiliée et leur perfidie si hautement confondue, qu'ils se virent dans l'impuissance de répondre. Le peuple put à peine s'empêcher de leur faire violence, et ses acclamations prononcèrent la sentence contre les hérétiques. Dans le même instant, un personnage de distinction s'avança au milieu de l'assemblée avec sa femme et présenta aux deux saints évêques sa fille, âgée de dix ans, qui était aveugle, en les conjurant de la guérir. Ils lui dirent de

que

la présenter aux pélagiens qui se trouvaient là; mais ceux-ci, épouvantés par les remords secrets de leur conscience, bien loin d'accepter cette mission, se joignirent aux parents de la jeune fille pour prier les deux saints de la guérir. Germain, après une courte prière, prit un reliquaire qu'il portait à son cou, l'appliqua suṛ les yeux de l'aveugle, qni recouvra aussitôt la vue. Ce miracle remplit de joie les parents et toute l'assemblée. A compter de ce jour, la doctrine des deux apôtres ne rencontra plus d'opposition. Avant de retourner dans les Gaules, Germain et Loup se rendirent au tombeau de saint Alban, le plus illustre martyr de la GrandeBretagne, pour rendre grâces à Dieu du succès de leur mission évangélique. Saint Germain fit ouvrir le cercueil du martyr, y déposa quelques parcelles de reliques de divers autres martyrs, et, en échange, il emporta de la poussière teinte du sang de saint Alban.

Le retour de saint Germain à Auxerre combla de joie tout son peuple; car celui-ci avait été jeté dans une grande affliction, par suite de l'imposition de nouveaux tributs destinés à subvenir aux frais de la guerre que l'Empire romain soutenait contre les Barbares. La douleur que le bon évêque éprouva de voir multiplier tous les jours le nombre des pauvres, sans que ni lui ni ceux qui, à son exemple, étaient accoutumés à faire l'aumône, pussent suffire à les soulager dans leur misère, le détermina à se rendre à Arles, auprès du préfet des Gaules, pour obtenir quelque soulagement aux maux de son peuple. Il se mit en route avec quelques clercs de son église. Étant arrivé, sur le soir, aux extrémités de son diocèse, un passant, qui avait la tête et les pieds nus et qui était fort mal vêtu, se joignit à l'évêque et à sa suite, et obtint d'être admis à rester avec eux pour

la nuit. Pendant qu'ils étaient occupés à leur prière, le passant déroba le cheval de saint Germain et s'enfuit. Un des clercs, qui avait soin de la dépense de la compagnie, voulut courir après le voleur; mais le saint l'en empêcha, disant que Dieu ne permettait pas que rien. se fit contre sa volonté. En effet, dès le lendemain ma→ tin, on vit le voleur ramener le cheval, et, touché de repentir, demander pardon au saint. L'évêque lui dit, avec une bonté admirable: « Mon frère, il y a plus de ma faute (( que de la vôtre; car ayant compassion de votre nu« dité, je ne devais pas attendre que vous cherchassiez «< aussi vous-même des moyens extraordinaires pour y << remédier. » Il lui fit donner anssitôt un habit, et le renvoya en paix. Passant par Alise, il alla loger chez un prêtre de pieuse vie nommé Sénateur, personnage de grande naissance, mais qui possédait encore plus de vertu que de noblesse. Sa femme, Nectariola, qui n'avait pas moins de sainteté, ravie d'avoir occasion d'exercer l'hospitalité envers un si grand prélat, ne voulut pas lui meubler magnifiquement sa chambre ni lui préparer un bon lit, sachant que ce serait mal lui faire sa cour. Mais, songeant à ses propres intérêts, elle mit secrètement de la paille dans le fond de son lit, et l'arrangea de telle sorte que le saint ne s'aperçut pas qu'il eût couché sur autre chose que sur des ais ou sur la dure, comme à son ordinaire, parce qu'ayant passé la plus grande partie de la nuit en prières, il ne s'était jeté sur son lit qu'au moment où il succombait sous le poids du sommeil. Lorsque le saint fut parti, Nectariola recueillit la paille avec grand soin, et s'en servit pour guérir les malades. Un jour, elle en fit faire un lien pour attacher un furieux que l'on prenait pour un possédé, et aussitôt la frénésie le quitta.

Saint Germain s'embarqua sur la Saône, et lorsque les habitants de Lyon surent qu'il devait arriver dans la ville, tous se portèrent au devant de lui avec un empressement extraordinaire, afin de lui faire une entrée magnifique et recevoir sa bénédiction. Pour sortir de la ville, il fut forcé de traverser deux haies de malades qui s'étaient réunis sur son passage dans l'espoir d'une guérison; ceux qui ne purent parvenir à toucher ses vêtements comptaient pour une faveur insigne d'avoir seulement vu le saint. Il arriva enfin à Arles, où on lui fit, comme partout, une réception d'enthousiasme. Le siége de cette ville était alors occupé par saint Hilaire (1). L'illustre évêque s'empressa de rendre à saint Germain tous les devoirs de l'amitié et de l'hospitalité, honorant dans sa personne les vertus d'un apôtre de Jésus-Christ. Le préfet ne pouvait assez admirer la majesté du visage de saint Germain, l'étendue de sa charité, la noblesse de ses discours et la puissance de ses paroles. Il obtint la guérison de sa femme, malade depuis longtemps d'une fièvre quarte. De son côté, le préfet accorda au saint ce qui avait été le but de son voyage, la diminution des impôts qui pesaient sur son peuple bien-aimé.

Quand saint Germain fut revenu dans son diocèse, il s'appliqua à reconnaître l'état de son troupeau, à le nourrir de la parole de Dieu, à le guérir de ses maux spirituels et à le former à la vertu par ses propres exemples, veillant sur tous ses besoins avec un zèle et une charité vraiment pastorale. Telles étaient ses occupations, lorsqu'il arriva des nouvelles de la Grande-Bretagne annonçant que les pélagiens recommençaient à répandre leur hérésie et à troubler l'Eglise du pays.

(1) Voyez tome 1, chap. iv.

Saint Germain fut encore vivement sollicité de retourner dans cette province, pour maintenir ce qu'il y avait fait en faveur de la religion. Le saint, qui ne s'appartenait pas, mais uniquement voué au service de JésusChrist, accepta avec joie cette nouvelle mission. Il appela aussitôt auprès de lui Sévère, évêque de Trèves, disciple de saint Loup de Troyes, homme aussi de sainte vie et prédicateur éloquent de la parole de Dieu. Ils partirent en 446.

En passant par Paris, saint Germain s'informa de Geneviève qu'il savait retirée dans cette ville. Il fut fort étonné d'entendre le peuple se livrer contre elle aux accusations les plus flétrissantes, la traiter d'hypocrite, de visionnaire, de fille perdue. Dieu voulait faire subir aux vertus de la sainte l'épreuve de la calomnie. La douceur, la résignation, le calme angélique avec lesquels -elle supporta ces cruelles tribulations touchèrent le cœur de Dieu, et c'est alors qu'il envoya de nouveau Germain auprès de Geneviève. Le saint évêque, n'ajoutant aucune foi aux discours des persécuteurs de la sainte, se rendit à sa demeure et la salua, en entrant, avec respect et affection. Pour confondre ceux qui l'accusaient de vivre dans le luxe et la mollesse, il montra, dans un coin de sa chambre, le pain noir dont elle se nourrissait, et une pierre encore arrosée de ses larmes. Après avoir ainsi justifié l'innocence de Geneviève et l'avoir fortifiée dans ses saintes résolutions, Germain continua son voyage.

A la nouvelle de l'arrivée des deux évêques sur les côtes de la Grande-Bretagne, un des principaux du pays, nommé Élaphe, vint au devant d'eux et fit amener son fils qui était paralytique. Cette démarche attira une grande multitude de Bretons qui se rendirent au

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