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même lieu. Les deux saints leur prêchèrent la doctrine orthodoxe et les retirèrent de l'infidélité où ils étaient

tombés par suite des fausses doctrines des pélagiens. Elaphe présenta ensuite son fils. Germain et Sévère, voyant quelle était la foi de ce père et celle de tout le peuple qui sollicitait aussi la guérison de l'enfant, ils la demandèrent à Dieu avec tant d'ardeur et de simplicité, qu'ils l'obtinrent immédiatement. Ce miracle contribua beaucoup à rétablir la croyance catholique parmi les Bretons. Saint Germain et son compagnon leur firent connaître ce qu'ils avaient à faire pour ne plus perdre la foi et pour expier leur faute. Tous, d'un commun consentement, découvrirent ceux qui avaient été les auteurs de leur séduction, les saisirent, les amenèrent en présence des deux saints, et, sur leurs avis, chassèrent de l'île ces hérétiques.

Saint Germain et Sévère, après avoir délivré les Bretons de l'hérésie, s'occupèrent de sauver leur indépendance nationale menacée par les Barbares. Les Saxons venus d'Allemagne avec les Anglais et les Pictes s'étaient emparés d'une partie du pays appelée aujourd'hui l'Écosse, et delà dirigeaient leurs courses contre le reste de la Bretagne. Saint Germain et son compagnon, à la prière des Bretons, se rendirent dans leur camp, afin de rassurer les soldats, qui reprirent courage dès qu'ils virent les deux évêques au milieu d'eux. On était en carême; Germain et Sévère employèrent ce saint temps à instruire les soldats, dont plusieurs étaient encore idolâtres, et à les corriger de leurs vices. L'ardeur de ces nouveaux catéchumènes fut si grande, qu'ils demandèrent le baptême avec une impatience qui leur permit à peine d'attendre le jour de Pâques. Lorsque cette fête fut venue, saint Germain fit dresser à la hâte dans les champs

nne espèce d'église avec des branches d'arbres, et baptisa tous les soldats idolâtres. L'armée des Bretons, toute trempée encore des eaux sacrées où elle avait lavé ses péchés, marcha au combat avec la plus vive foi, plaçant toute sa confiance en Dieu. Les Barbares s'avancèrent avec toute la joie que donne la présomption d'une victoire assurée, regardant les Bretons comme des gens que le désespoir conduisait à la mort. Saint Germain montrant qu'il se rappelait son ancienne profession, se mit à la tête de l'armée nouvellement baptisée, et après avoir envoyé reconnaître le pays et constaté que la route par laquelle les Barbares devaient arriver était environnée de hautes montagnes, il les fit occuper par des troupes. Quand les Barbares les aperçurent, il commanda à ses soldats de répéter tous à la fois et de toutes leurs forces le cri qu'ils l'entendraient pousser. Aussitôt que les Saxons et les Pictes approchèrent, le saint cria trois fois : ALLELUIA! les Bretons poussèrent le même cri, que les échos des montagnes renvoyèrent avec un bruit effroyable. Les Barbares, saisis d'une terreur panique, prirent la fuite, jetèrent leurs armes, abandonnèrent leurs bagages, s'estimant encore trop heureux de pouvoir sauver leur vie.

Saint Germain avait compris que le catholicisme ne pouvait être conservé et propagé dans la Grande-Bretagne que par la fondation d'écoles publiques. « Aussi les églises, comme l'observe l'historien Bède, conservèrent-elles, depuis cette époque, la pureté de la foi, et ne tombèrent-elles plus dans l'hérésie. » Ces écoles devinrent bientôt célèbres par le nombre, le savoir et la sainteté de ceux qui les fréquentaient. La bonne organisation de l'enseignement est la base de toute régénération morale.

Défenseur et sauveur des peuples, à peine saint Germain vient-il de délivrer les habitants de la Grande-Bretagne, qu'il voit d'autres nations l'appeler à leur secours. Il se reposait à Auxerre des fatigues de son apostolat, quand arrivèrent des députés que lui envoyaient les villes de la province des Gaules que l'on appelait Armorique, et qui prit le nom de Petite-Bretagne depuis qu'elle avait servi de retraite aux Bretons chassés par les Anglais et les Saxons. Les peuples de l'Armorique avaient suivi la révolte d'un chef qui s'était soulevé contre l'autorité de l'empereur Valentinien III. Le célébre général Aétius envoya pour châtier les rebelles des troupes Barbares, sous la conduite d'Eocarich, roi des Allemands, à la solde de l'Empire romain. Aétius leur livra la province à discrétion. Lorsque cette nouvelle fut parvenue dans le pays, la consternation se répandit parmi les habitants, qui se voyaient menacés d'une ruine complète. Ils eurent donc recours au saint évêque d'Auxerre, dont chacun connaissait le crédit auprès de Dieu et des hommes. Ils envoyèrent à saint Germain une ambassade pour le conjurer d'user de son influence, afin de les délivrer de la fureur de ces Barbares et de ces idolâtres. Comme le péril était pressant, le saint évêque crut qu'il n'y avait pas un moment à perdre: il s'informe de la marche des Allemands, se rend à leur rencontre, passe au milieu de ces hordes de Barbares sans s'effrayer, et se fait conduire à la tente du roi Éocarich. Il l'aborde par des prières et des soumissions qui produisent peu d'impression sur l'esprit de ce Barbare. Il fait entendre des menaces qui n'ont pas plus d'effet. Éocarich pousse son cheval marcher en avant avec ses soldats. A ce pour moment décisif, le saint saisit la bride du cheval, l'arrête tout court et avec lui toute l'armée. Une action si

hardie surprit ce chef Barbare; et Dieu qui tient le cœur des rois en sa main, abattant la fierté d'Éocarich, lui inspira du respect pour le courageux évêque. Il consenuit à suspendre les hostilités, pourvu que les rebelles obtinssent grâce d'Aétius ou de l'empereur. Germain déclara qu'il irait en personne demander ce pardon.

Le voilà de nouveau en route pour aller trouver l'empereur Valentinien à Ravenne. Passant par Alise, il logea chez son ancien ami, le prêtre Sénateur, qui vivait encore et qui lui présenta une fille muette âgée de vingt ans. Germain prit de l'huile qu'il bénit, lui en frotta le front, les lèvres et tout le visage, lui donna ensuite un breuvage dans lequel il jeta trois morceaux de pain qu'il avait coupés lui-même. Il mit un de ces morceaux dans la bouche de la jeune fille et lui ordonna de lui demander sa bénédiction : ce qu'elle fit d'une voix fort distincte, à la grande admiration de tous les assistants, et elle conserva la parole jusqu'à la fin de sa vie. Le saint évêque, en prenant congé du prêtre Sénateur, l'embrassa tendrement, lui prédit qu'ils ne se reverraient plus sur la terre, priant Dieu qu'il leur fît la grâce de se revoir sans confusion au jour de son juge

ment.

Il était parti d'Auxerre accompagné seulement de son diacre; mais quel roi a jamais eu un cortége si considérable et si enthousiaste? Les populations qui venaient au devant de lui ne le quittaient que pour faire place à d'autres qui le joignaient à mesure qu'il avançait. Lorsqu'il était passé, les peuples plantaient des croix ou dressaient des chapelles sur les chemins et les chaussées, aux endroits où il s'était arrêté pour prêcher ou pour prier. Au moment où il traversait un défilé des Alpes, vers la ville de Suse, il rencontra des paysans qui reve

T. II.

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naient de leur travail, tous chargés de leur fardeau ; il se réunit à eux, et, comme ils connaissaient tous les détours qu'il fallait prendre, il s'engagea avec ces paysans dans le chemin jusqu'à leur arrivée au bord d'un torrent qu'il fallut passer entre deux précipices. Un pauvre homme, un des plus lourdement chargés, se voyait obligé de rester en arrière, parce qu'il était fort vieux et boiteux. Le saint évêque, quoique guère moins âgé et d'ailleurs tout atténué par ses jeûnes et ses austérités, eut le courage et la charité de prendre le fardeau du vieillard, de le mettre sur ses épaules et de le porter de l'autre côté du torrent; puis il chargea le pauvre homme sur le dos et le transporta sur l'autre bord.

Étant arrivé à Milan, un jour que plusieurs évêques se trouvaient assemblés pour célébrer la fête de quelques saints, probablement de saint Gervais et de saint Protais, il entra dans l'église pendant la messe, sans être attendu ni connu de personne. Mais un possédé s'écria du milieu du peuple : << Germain, pourquoi nous viens-tu chercher en Italie? Qu'il te suffise de nous avoir chassés de Gaule et d'avoir vaincu nous et l'Océan par ta prière. » Le peuple, étonné, demande quel est ce Germain? Enfin, malgré la pauvreté de son habit, on le reconnaît à la majesté de son visage. Aussitôt les évêques le saluent avec respect et le prient de délivrer le possédé; il obéit, le tire à part dans la sacristie et le ramène guéri. Comme on le pense bien, il fut environné d'une multitude de fidèles qui cherchaient à le voir et à l'entendre, ou à faire recouvrer la santé à leurs malades par sa bénédiction.

Le saint prélat, joignant toujours des instructions salutaires à ses œuvres surnaturelles, ne guérissait point les corps sans travailler en même temps à la gué

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