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explication des plus vives. Sur le refus opiniâtre d'Espartero, Roncali lui reprocha de vouloir jouer le rôle de Cromwell, rôle qui n'était pas fait pour sa taille, et qui n'était plus de son temps. Ces mots arrachèrent au duc de longues protestations sur la pureté de ses intentions et le désintéressement de son patriotisme; puis se plaignant d'être méconnu et s'attendrissant sur lui-même, il s'écria qu'il lui prenait envie de se brûler la cervelle. « Vous tenez, répliqua Roncali, le langage d'un sous-lieutenant qui a perdu au jeu après avoir volé la bourse de son camarade; il ne s'agit pas d'une bourse ici, mais d'un trône, et avant de vous brûler la cervelle, vous attendrez que vous ayez perdu la partie. » Et ils se séparèrent fort irrités.

Cependant, en même temps, Diégo Léon avait reçu de la reine l'ordre de se diriger sur Valence. On avait le projet de lui donner à son arrivée le commandement en chef de l'armée, en remplacement d'Espartero, et de déclarer traîtres à la patrie tous ceux qui refuseraient de reconnaître son autorité. Ses troupes, jointes à celles d'O'Donnell devaient assurer le triomphe de la cause royale. Tels étaient les rêves des courtisans. Mais l'insurrection unanime des populations donnait gain de cause à Espartero. Il ne craignit plus de se prononcer ouvertement, et dans un manifeste à la reine, répandu avec éclat, il imposa pour conditions de son obéissance, la révocation de la loi municipale, la dissolution des cortès et le renvoi des ministres.

Marie-Christine n'avait plus qu'à combattre à outrance ou à céder complétement: elle ne fit ni l'un ni l'autre, se contentant de changer le ministère et d'y introduire des noms moins compromis que les précédents. MM. Sancho et Cabello rentraient au pouvoir (11 septembre).

Les dépêches portant ces nominations arrivèrent à Madrid le 13 au soir. Mais dans la journée du 12, la junte avait publié un décret faisant défense, sous peine de mort, à tout individu, particulier ou fonctionnaire public, d'entrer en communication avec le gouvernement de Valence. En conséquence, elle fit appeler dans la salle de ses séances les six personnages auxquels étaient adressées les lettres d'envoi, les invitant à les ouvrir et à en faire connaître le contenu. C'étaient les décrets royaux désignant le portefeuille de chacun. La junte leur fit ensuite connaître sa ferme résolution de ne pas déposer les armes avant que la reine eût donné des garanties suffisantes. Les nouveaux ministres se retirèrent en silence, et le lendemain, après s'être concertés entre eux, ils envoyèrent leur démission.

A ce nouvel échec, la régente reconnut enfin son impuissance; elle dut céder. Mais sans se prononcer encore sur la loi des ayuntamientos, elle-nomma Espartero président du conseil, avec pouvoir de former lui-même le cabinet. Peut-être espérait-elle en secret que l'ambition satisfaite du général lui ferait quelques concessions. Les patriotes éclairés n'étaient pas à cet égard sans craintes.

Un décret de la junte les rassura. Tout en reconnaissant que le choix d'Espartero était national et méritait toute confiance, elle déclarait cependant qu'elle ne se dissoudrait qu'après complète satisfaction. Elle prenait, en outre, la résolution de se constituer en junte centrale, et de convoquer les représentants des provinces qui s'étaient prononcées pour le mouvement.

Espartero, après avoir obtenu de la reine l'autorisation de se rendre à Madrid pour traiter personnellement avec la junte, y fit son entrée le 29 septembre, dans une voiture à

six chevaux, à la grande indignation des royalistes, qui lui reprochaient d'affecter déjà des airs de souverain. Mais le peuple, qui ne voyait dans le triomphe du général que sa propre victoire, l'accueillit avec les démonstrations de la joie la plus effrénée.

Son ministère fut composé le 1er octobre, ainsi qu'il suit, de concert avec la junte.

MM. Joaquin Ferraz, affaires étrangères, vice-président du conseil; Chacon guerre; Joaquin Frias, marine; Gomez Beccarra, justice; de Gamboa, finances; Cortina, intérieur.

Mais la junte, instruite par les leçons du passé, mettait en question la régence elle-même. Le pouvoir concentré aux seules mains de Christine ne lui offrait plus assez de garanties. Les membres les plus influents agissaient auprès du général pour obtenir une modification qui admettrait quatre ou au moins deux co-régents. Sur cette question délicate, le général évitait de se prononcer, soit qu'il craignît de se compromettre, soit qu'il espérât davantage.

Pendant que ces choses s'agitaient, un décret de la régente mandait à Valence Espartero avec ses collègues. Il fit son entrée le 9 octobre avec le même éclat et les mêmes ovations qu'à Madrid.

y

Admis dans la soirée près de la reine, les ministres se retirèrent après avoir prêté le serment d'usage. Espartero seul resta en conférence avec elle jusqu'à minuit, faisant de vains efforts pour vaincre son opiniâtreté en ce qui touchait les ayuntamientos. A cette heure, les ministres appelés au palais présentèrent leur programme. Les articles étaient les mêmes que ceux du manifeste d'Espartero. La régente persista dans ses refus, ne faisant de concessions que pour la dissolution des cortès, et seule contre tous les ministres, elle sou

. tint une discussion vive et animée jusqu'au point du jour. On se sépara sans conclure.

Enfin, quelques heures après, les ministres ayant été de nouveau mandés au palais, Marie-Christine leur déclara que d'après ce qui s'était passé dans l'entrevue de la nuit précédente, elle abdiquait la régence.

Le 16, elle quittait l'Espagne et se dirigeait sur Paris, pour assister à la chute du ministère dont elle avait expié la triste complicité.

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Rencontre en mer; bruits de guerre avec l'Angleterre. - Préparatifs

de combat. Retour à Cherbourg.

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Navigation sur la Seine.

Concours immense des

Cérémonies religieuses aux Invalides. Enthou

Pour compléter l'histoire du 1er mars, nous devons donner le récit d'une grande solennité à laquelle il avait invité la nation, mais dont d'autres que lui firent les hon

neurs.

Pendant que les esprits agités voyaient tous les signes d'une guerre imminente avec la Grande-Bretagne, le prince de Joinville poursuivait sur l'Océan la mission pacifique qu'on avait annoncée comme un gage de concorde entre les deux pays, comme un oubli de toutes les vieilles animosités. Sainte-Hélène allait rendre sa proie, et les soldats anglais, si longtemps gardiens d'une tombe, attendaient avec impatience que les Français vinssent relever leur faction et terminer leur exil.

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