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lesquels les mots de famille, de société, de propriété ont des significations différentes?

Ce serait tenter une œuvre inutile parce qu'elle ne pourrait pas réussir, et dangereuse parce qu'elle ne pourrait soulever contre nous que défiance et colère.

Le principe fondamental de notre politique coloniale doit être le respect scrupuleux des croyances, des mœurs, des traditions des peuples soumis ou protégés.

Pour réaliser le programme que je viens d'esquisser à grands traits, il faut que notre administration renonce à certains arrangements et se plie aux conditions changeantes des milieux, des climats et des races.

Notre administration pèche par trop de symétrie, trop de rigueur et trop d'uniformité il faut la simplifier et l'assouplir.

Il faut doter nos colonies de moyens de communications rapides, routes, chemins de fer, canaux. Voilà l'indispensable. Ne nous laissons pas tenter par les dépenses somptuaires; nous n'en avons que faire pour le

moment.

Réservons les ressources des budgets locaux pour les grands travaux publics, pour l'outillage économique, qui en facilitant les échauges et l'écoulement des produits font naitre la prospérité.

Avec l'exécution des grands travaux, c'est l'organisation ou le développement des services médicaux et hospitaliers qui importent le plus.

Le premier capital, c'est la vie de l'indigène et du colon.
Ici l'humanité et l'intérêt imposent les mêmes devoirs.

Enfin, Messieurs, défendons, encourageons, protégeons par tous les moyens en notre pouvoir les hardis pionniers qui portent dans nos colonies leurs capitaux, leur activité, leur intelligence, la force de leurs bras. Que ces hommes courageux sentent qu'ils ont derrière eux la masse de la nation et le gouvernement; qu'ils comprennent qu'on suit leurs efforts avec bienveillance, avec sympathie, et qu'ils n'aient plus cette impression cruelle qu'on guette leur premier pas, leur première erreur pour les dénoncer à la malignité publique.

En suivant cette politique, la France républicaine assurera le succès de ses entreprises coloniales et elle puisera dans ce succès une double récompense: elle y trouvera le prix des sacrifices financiers qu'elle a consentis, et ce qui est peut-être plus précieux encore, un surcroît de prestige, de crédit et d'autorité morale.

Une nation ne vaut qu'en raison des difficultés qu'elle surmonte, du bien-être qu'elle répand autour d'elle, de l'énergie qu'elle déploie et de la fermeté avec laquelle elle défend ses prérogatives et ses intérêts dans le monde. (Vifs applaudissements.)

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-Le « Livre Jaune » sur la Conférence d'Algesiras. Le 12 juillet, le gouvernement a fait distribuer aux membres de la Chambre des Députés et du Sénat un Livre Jaune renfermant les protocoles et comptes rendus de la Conférence d'Algésiras. Ce document de 296 pages contient peu de choses qui ne soient connues. Il débute par la déclaration lue à la Chambre des députés le 16 décembre 1905 par M. Rouvier. Suivent les comptes rendus des dix-huit séances de la Conférence avec les pièces annexes. Les pièces 37 et 38 sont le texte officiel de l'Acte général et du protocole additionnel. La pièce 40 est la déclaration de M. Bourgeois, du 12 avril 1906.

Les seuls documents nouveaux sont le texte des lettres de créance spéciales remises à M. Malmusi par le roi d'Italie, et la lettre du comte Tornielli au ministre des Affaires étrangères annonçant le succès de la mission Malmusi. Cette lettre (pièce 44) termine le Livre Jaune. Les lettres de créance sont en ces termes :

Très haut et très puissant prince, mon très cher et bon ami, sur invitation de Votre Majesté, il s'est réuni à Algésiras une conférence à laquelle se sont rendus les représentants des puissances amies de son empire; les délibérations qui y ont été prises se trouvent aujourd'hui réunies dans un acte général, auquel il ne manque que la signature des délégués de Votre Majesté, ceux-ci ayant voulu en réserver l'acceptation au jugement élevé de leur souverain. La Conférence a désiré à cause de cela, et j'y ai bien volontiers consenti, que mon ministre accrédité auprès de votre cour, lequel est aussi doyen du corps diplomatique à Tanger, se rende en présence de Votre Majesté, lui présente l'Acte général sur lequel on est tombé d'accord, et parlant au nom de toutes les puissances qui se sont réunies à Algésiras, demande son adhésion et sa ratification intégrale.

Votre Majesté connaît l'affection qui, comme tradition à nous transmise par nos ancêtres, me lie à sa personne; ce mien sentiment et la conviction que de l'adoption intégrale de l'Acte Votre Majesté retirera grand honneur et un avantage inestimable pour son empire me rendent heureux que l'importante mission ait été confiée par les puissances à mon ministre, que par les présentes lettres je recommande à la bienveillance de Votre Majesté. Avec tous les souhaits que je forme pour Votre Majesté, je lui présente l'assurance de ma haute estime et de mon inaltérable amitié, VICTOR-EMMANUEL.

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Enfin le comte Tornielli écrit le 22 juin à M. Léon Bourgeois :

D'ordre de mon gouvernement, j'ai l'honneur de faire savoir à Votre Excellence que, par une communication datée de Fez, le 18 juin, M. Malmusi a notifié que le jour même il avait reçu de S. M. le sultan du Maroc le rescrit impérial muni du sceau chérifien par lequel l'Acte général de la Conférence d'Algésiras est intégralement accepté et ratifié. TORNIELLI.

La fin de l'affaire Dreyfus. La Cour de cassation, toutes chambres réunies, le jeudi 12 juillet, a cassé sans renvoi le jugement du conseil de guerre de Rennes déclarant que « de toute l'accusation rien ne subsistait à la charge de Dreyfus pouvant être qualifié crime ou délit ». En conséquence, M. Alfred Dreyfus a été réintégré dans l'armée avec le grade de chef de bataillon.

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Le lieutenant-colonel

NÉCROLOGIE. Mort du colonel Germain. Germain, de l'artillerie coloniale, est mort à Paris, le 10 juillet à l'âge de 41 ans. Le colonel Germain, alors capitaine, avait fait partie de la mission Congo-Nil, comme second du capitaine Marchand.

Allemagne. La naissance d'un futur empereur. Le 4 juillet, la femme du prince héritier d'Allemagne a heureusement accouché d'un fils, qui a reçu le nom de Guillaume. L'empereur Guillaume II, qui venait de partir pour sa croisière annuelle dans les mers du Nord, QUEST. DIPL. ET COL.

- T. XXII.

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a appris par le télégraphe sans fil qu'il était grand-père. De grandes réjouissances ont eu lieu dans toute l'Allemagne pour fêter cette naissance.

Angleterre. La politique étrangère de l'Angleterre. Un discours de sir Edward Grey. Le 5 juillet, à l'occasion de la discussion du budget des Affaires étrangères devant la Chambre des Communes, sir Edward Grey a prononcé un très important discours. Parlant d'abord de la question égyptienne, le ministre anglais a déclaré que l'augmentation de l'effectif des garnisons en Egypte avait eu pour motif la recrudescence de l'agitation musulmane dans tout le Nord de l'Afrique. Puis, passant à l'alliance anglo-japonaise, sir Edward Grey l'a proclamée extrêmement solide. « Le Japon, a-t-il ajouté, <<< consacre cette énergie qui a produit de si remarquables résultats << depuis quelques années aux arts de la paix, au gouvernement civil, « à la direction de la Corée et au développement de ses propres res<«< sources. Quant à l'Angleterre, elle ne cherche en Asie ni aventures << ni entreprise risquée. Sa politique consiste à consolider ce qui <«<existe, et l'alliance, telle qu'elle existe aujourd'hui, donne la sécurité « à chaque partie sans être dangereuse pour personne. J'ai confiance « que l'alliance demeurera telle qu'elle est et qu'elle donnera force et «< confiance aux deux parties >>.

Enfin sir Edward Grey a parlé en ces termes de l'entente avec la France et des rapports de l'Angleterre avec la Russie.

En ce qui concerne la France, le gouvernement précédent a fait avec elle un accord qui dissipe d'anciennes difficultés existant depuis longtemps entre les deux pays avec promesse d'appui diplomatique sous certaines conditions. Une fois les difficultés écartées, un sentiment d'amitié s'est manifesté entre les deux pays et a continué à grandir. La promesse d'appui diplomatique que nous nous sommes faite naturellement a été tenue toutes les fois que l'occasion s'en est présentée. L'appui a été spontanément donné par chacun des deux pays à l'autre pays sans qualification et sans réserve. Nos engagements mutuels ont été tenus dans leur lettre et dans leur esprit.

Il n'y a que deux choses à dire au sujet de notre bonne entente avec la France 1o c'est que cette bonne entente n'est dirigée contre aucune puissance, et 2o c'est qu'il doit être universellement reconnu que notre bonne entente ne doit être troublée par aucun développement nouveau de notre politique étrangère. Mieux ces deux choses seront comprises et plus il apparaîtra clairement que ni pour la France, ni pour l'Angleterre, la bonne entente entre les deux pays ne pourra être une gêne en ce qui concerne les bonnes et cordiales relations avec les autres puissances.

Pour ce qui est de la question des relations de l'Angleterre avec le gouvernement russe et de la visite de la flotte anglaise en Russie; moins on commentera les affaires de Russie, mieux cela vaudra. Il y a, sans nul doute, de grands troubles en Russie, mais il y a maintenant trois autorités qui prennent une grande part au gouvernement de la Russie, le tsar, le ministère et le Parlement. Aucune de ces trois autorités n'est respon

1 Nous avons donné plus haut, dans notre article sur l'Agitation musulmane de l'Afrique du Nord, le texte complet des déclarations de sir Edward Grey relatives à l'Egypte.

sable des massacres, et il n'en est pas une d'entre elles qui ne les réprouve. Un honorable membre a dit qu'on avait la preuve que le gouvernement russe était impliqué dans les massacres de Bielostok. Mais la Douma elle-même a fait une enquête, et je ne sache pas qu'aucune accusation de cette nature ait été portée, au sein de la Douma, contre le gouvernement central. Au contraire, tous les discours prononcés à la Douma en sont arrivés à une conclusion entièrement opposée, et je tiens de source digne de foi que le gouvernement central n'a jamais contribué à ce qui se passe et que même il l'ignore.

Je suis certain que toute ingérence d'une puissance quelconque en Russie renforcerait non pas le parti des réformes, mais l'un des autres partis réactionnaire ou révolutionnaire.

Quant à la visite de la flotte anglaise, elle a été décidée il y a quelque temps; elle n'a rien d'inopportun.

L'année dernière, les mêmes objections ont été élevées à propos de la visite d'une escadre anglaise dans les ports allemands de la Baltique. Cette visite a eu lieu, et à mon avis, elle n'a pas eu cette fois de bons résultats, parce que certaines choses s'étaient passées depuis que la visite de la flotte avait été projetée.

On nous demande d'abandonner la visite de l'escadre anglaise en Russie, parce qu'on s'imagine que cette visite sera considérée comme une sorte d'intervention dans les affaires russes, comme une intention de notre part de nous en mêler.

Quand une flotte se rend officiellement dans un port d'une puissance amie, il est d'usage que les officiers, ou tout au moins l'amiral, rendent visite à toutes les autorités. Si notre flotte visite des ports russes, elle fera les démarches de civilité habituelles, et elle les fera auprès des membres du Conseil de l'empire, de ceux de la Douma et auprès des autres autorités constituées.

La flotte n'aura pas à tenir compte des affaires intérieures de la Russie; elle ira présenter ses hommages au tsar, chef de la grande nation russe, dans un esprit amical à l'égard du gouvernement existant; mais cette visite sera aussi une visite au peuple russe.

Il n'est pas à supposer que la Douma puisse interpréter cette visite comme une démarche tendant à prendre parti dans les affaires intérieures de la Russie.

Je cherche à renforcer les bonnes relations avec le peuple et le gouvernement russes, et la seule règle que l'on ait à suivre pendant les troubles que traverse la Russie, c'est d'éviter les commentaires. J'ai la conviction que la meilleure chose à faire, c'est de dissiper les difficultés politiques quand elles se présentent, pour les empêcher de se compliquer.

Nous devons suivre notre voie, sans faire allusion aux difficultés intérieures de la Russie, avec la conviction que notre sympathie et notre appui ne peuvent se mieux prouver que par une non-intervention. (Applaudissements.)

Pour la

Autriche-Hongrie. Le conflit douanier austro-serbe. seconde fois depuis le commencement de l'année, l'Autriche-Hongrie a déclaré à la Serbie une guerre douanière. Le comte Goluchowski s'en est expliqué à la Délégation autrichienne, où on lui avait posé une question à ce sujet. La dernière note de Vienne posait à la

Serbie cette alternative: ou bien la Serbie consentirait à un arrangement commercial provisoire en y ajoutant la promesse de ne faire aucune commande pour travaux publics à l'industrie étrangère avant la conclusion du traité définitif, ou bien ce serait la rupture immédiate, la fermeture de la frontière au bétail serbe et la guerre douanière. La Serbie avait accepté les conditions de l'Autriche, sauf l'engagement de ne pas se lier ailleurs pour les commandes de canons pour lesquelles le gouvernement de Belgrade entendait naturellement garder toute sa liberté. Bien que le comte Goluchowski eût affirmé précédemment à la Délégation hongroise que l'Autriche ne voulait pas forcer la main à la Serbie pour ses commandes d'artillerie, il semble bien que cette question ait été la raison déterminante de la rupture. Et le comte Goluchowski lui-même a tenu à la Délégation autrichienne un langage notablement différent de sa déclaration aux Hongrois. On en jugera par ce passage de son discours :

La réponse de la Serbie aux propositions austro-hongroises n'est pas du tout satisfaisante.

Non seulement la Serbie ne veut pas faire de concessions sur le terrain des tarifs, mais encore au sujet de nos demandes justifiées de participer à la fourniture du matériel de l'armée et des chemins de fer.

En tout cas, et sans plus attendre, le 5 juillet, la frontière austrohongroise fut fermée aux envois serbes. De son côté, le gouvernement de Belgrade a fait télégraphier aussitôt par les agences une note rectificative des déclarations du comte Goluchowski. « La « Serbie, dit cette note officieuse, a accepté toutes les stipulations de << tarif mentionnées dans la note austro-hongroise, à l'exception de « celles déjà existantes dans le nouveau traité de commerce avec « l'Allemagne, et elle en a ajourné la discussion jusqu'au moment « de la conclusion du traité définitif avec l'Autriche-Hongrie. En « outre, le gouvernement serbe a promis à l'industrie austro-hon<«<groise toutes ses commandes, exception faite des canons et des << munitions d'artillerie. »

M. Pachitch a convoqué tous les directeurs de journaux de Belgrade, pour leur exposer le point de vue national dans le conflit avec l'Autriche-Hongrie. Le gouvernement serbe, a expliqué le premier ministre, a fait preuve du plus grand esprit de conciliation à l'égard de la monarchie austro-hongroise. Toutefois il faut se défendre, et puisque l'Autriche-Hongrie a fermé sa frontière, les bureaux de la douane serbe ont reçu l'instruction d'appliquer immédiatement par rétorsion le tarif général aux produits austro-hongrois.

Les esprits sont aussi excités qu'en janvier dernier. La presse entière pousse à la résistance à outrance et trouve que M. Pachitch a été encore trop conciliant. On fait tous les efforts pour réduire le dommage que causera la guerre douanière au commerce serbe, en élargissant le traité avec l'Allemagne et d'autres Etats. On compte sur l'aide de l'Italie et de l'Angleterre. On attend des capitalistes anglais pour donner suite à des projets de grands abattoirs et de

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