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Presse, que « c'est déjà certainement un signe que, malgré toutes les assurances officielles, les bases fermes comme du granit sur lesquelles cette alliance repose dans le monde << des idées politiques de Hongrie, sont sensiblement ébran« lées1».

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Quelles conclusions tirer de cette analyse des tendances actuelles de la Hongrie en matière de politique étrangère?

Il est visible que le parti de l'indépendance, actuellement en majorité, apporte des idées différentes de celles que représen– tait l'ancien parti libéral; elles ne sont point opposées, comme on pourrait le croire, mais elles découlent logiquement de la politique intérieure suivie c'est parce que la Hongrie veut arriver, plus vite que ne le voulaient les libéraux, à une autonomie plus complète qu'elle a, d'une part, accentué ou modifié son attitude vis-à-vis des Slaves des Balkans pour trouver en eux des alliés, qu'elle s'est d'autre part irritée contre la tutelle allemande. Qu'adviendra-t-il de ces nouvelles tendances? Cela dépendra, à n'en pas douter, des rapports futurs de l'Autriche et de la Hongrie et de l'attitude que prendra l'Allemagne. La Hongrie, c'est certain, ne s'arrêtera pas dans la voie où elle est engagée plus Vienne s'y opposera et plus Budapest cherchera aux Balkans des appuis; plus l'Allemagne montrera du mécontentement et plus l'opinion publique hongroise se tournera contre elle. La situation sera donc très délicate pour la diplomatie allemande et nous pourrons en faire notre profit.

Ainsi, c'est la politique intérieure qui réagit sur la politique extérieure, on peut même dire qui la détermine. A cela rien d'étonnant, car toute l'activité de la Hongrie est dirigée aujourd'hui par la volonté d'une autonomie nationale.

Les ambitions de chaque parti se traduisent de même dans la politique étrangère : pendant tout ce débat, on a remarqué que le parti du peuple, ou parti catholique, s'était montré le plus hostile au ministre, le plus intransigeant, allant, malgré le pacte, jusqu'à refuser le vote d'un crédit budgétaire. C'est qu'il veut satisfaire la fibre nationale hongroise; et, comme à la différence du parti de l'indépendance, il n'a pas répudié l'union de 1867, il désire montrer que malgré cela son nationalisme n'est pas moins pur. M. Busath, M. Zboray et M. Ra

Neue Freie Presse, 27 juin 1906, Morgenblatt.

kovszky, en rejetant le fond des dispositions et en mettant plus d'apreté dans leurs critiques, ont voulu dépasser les orateurs du parti de 1848.

C'est cette préoccupation constante de politique intérieure qui a fait discuter si ardemment la politique étrangère du comte Goluchowski. Quoi qu'on fasse, on ne peut, en Autriche-Hongrie, mettre une cloison entre l'une et l'autre. L'une commande l'autre. Plus exactement, les ambitions de chaque nationalité dirigent les sympathies ou les intérêts vers tel ou tel Etat étranger.

Mais il ne faut pas oublier que, jusqu'à l'établissement d'un nouvel état de choses, la politique étrangère est en AutricheHongrie comme en Allemagne, avant tout, chose impériale; le ministre est responsable devant l'empereur-roi, non devant les Délégations. Il importe donc de ne point se figurer que l'opinion d'une majorité doive tout de suite se traduire dans la politique suivie. Mais il serait, je crois, aussi imprudent de s'imaginer que de telles manifestations sont sans importance outre qu'elles peuvent entraîner la volonté du souverain, comme cela eut lieu en d'autre matières, elles montrent et développent des sentiments qui dans l'avenir trouveront leur traduction. Il faut donc suivre avec attention l'évolution des pensées en Hongrie selon les événements et leurs répercussions, on peut tôt ou tard trouver en Europe centrale un désir de modifier des rapports diplomatiques; que cela soit probable, il n'importe ; il suffit que cela soit possible, car la situation serait alors d'une gravité telle qu'il faut s'y préparer à l'avance.

GABRIEL LOUIS-JARAY.

LES CHEMINS DE FER AFRICAINS

1

AFRIQUE AUSTRALE

Il est difficile de séparer dans une étude des chemins de fer africains les Etats portugais de l'Est Africain et l'ensemble de l'Afrique australe anglaise : les chemins de fer de la côte de Mozambique ont une connexion intime avec ceux de la Rhodésia et du Transvaal, ils n'en sont pour ainsi dire qu'une partie.

L'orographie et l'hydrographie de la colonie du Mozambique en font la suite, la dépendance de l'Afrique anglaise. L'absence d'une chaîne continue de montagnes, soit sur la frontière, soit le long de la côte, l'inclinaison générale des plateaux intérieurs vers l'Océan Indien, la direction des rivières, tout invite les possessions britanniques de la Rhodésia et du Transvaal à chercher leur débouché maritime dans la colonie portugaise qui les avoisine à l'Est. Le Mashonaland, à 400 kilomètres de Beïra, est à plus de 2.000 kilomètres du Cap. Prétoria est plus rapprochée de 146 milles (233 kilomètres) de LourençoMarquez que de Durban. Aussi l'Angleterre a-t-elle depuis longtemps cherché dans le Mozambique des portes à ses possessions intérieures et prodigué ses efforts et ses capitaux pour s'assurer ces débouchés. Ses convoitises ont parfois été étrangement inquiétantes pour le Portugal.

Une seule ligne peut-être aurait pu rester uniquement portugaise, celle qui est prévue entre Port-Amélie (sur la baie de Pemba) et Porto-Arroyo, sur le Nyassa. Cette voie, tout entière sur terre portugaise, pouvait drainer vers un port portugais le commerce des rives orientales du grand lac. Mais la Companhia do Nyasso, qui en a fait étudier le tracé, est anglaise de fait; les capitaux et les ingénieurs britanniques y dominent, la voie qu'elle songe à établir aura le même écartement que les chemins du Cap (1,067); peut-être y sera-t-elle un jour reliée.

Anglaise aussi est la ligne, dès maintenant en construction, qui doit réunir le Nyassa à la partie navigable du Chiré, pour éviter les rapides de Murchison. 300 kilomètres de rails, à 1,067 d'écartement, sont en cours de pose entre l'extrémité

1 Voir les Questions Diplomatiques et Coloniales des 1er et 16 juillet 1906.

Sud du lac et Chiromo, la plupart en territoire anglais. L'établissement de cette ligne nécessitera des ouvrages difficiles : le profil de la voie accuse des différences de niveau considérables (le Nyassa est à 480 mètres, Blantyre à 1.010 mètres d'altitude). Pourtant les Anglais, accoutumés et intéressés à vaincre de tels obstacles, prévoient l'achèvement rapide des travaux. La Compagnie concessionnaire, découvrant à cette ligne un avenir brillant, n'a pas demandé d'autre garantie que le monopole des transports pendant vingt-cinq ans vers la Rhodésia septentrionale. M. Sharpe, commissaire du gouvernement anglais dans le British Central Africa Protectorate, estime que des milliers de porteurs, actuellement employés par les sociétés de transport, pourront, grâce au chemin de fer, être rendus aux exploitations agricoles et que la culture du café deviendra une des richesses du pays. Enfin, dès maintenant, il est question de pousser ce tronçon en terre portugaise jusqu'à Quilimane ou Beïra.

Beïra est une des villes d'avenir du Mozambique et déjà un de ses ports principaux. Heureusement située sur la baie du Rio-Pongoué, elle possède la seule bonne rade d'une côte marécageuse. Mais son importance lui vient moins de cet avantage naturel que des rapports qu'elle entretient avec les colonies anglaises. De Beïra une ligne se dirige vers l'intérieur, traversant le Mozambique sur toute sa largeur (204 milles, 328 kil. 500) et atteignant la frontière de l'Afrique anglaise à Umtali. Ce tronçon ne vaut que par les territoires britanniques auxquels il donne accès, Matabéléland et Mashonaland. Dès 1891, lors de l'accord anglo-portugais qui fixa la frontière occidentale des Etats du Mozambique, l'Angleterre avait exigé qu'une voie ferrée fût construite reliant ses territoires à Beïra, leur port naturel. La Compagnie du Mozambique qui, dans la colonie portugaise, avait à mettre en valeur d'immenses étendues, se heurta avec ses ressources trop restreintes à des travaux trop importants et trop coûteux. La ligne devait tour à tour franchir, dans la partie basse, des régions marécageuses, où les travaux d'infrastructure étaient considérables, et dans l'hinterland, vers la frontière anglaise, des terrasses élevées, tourmentées, ravinées, où les ouvrages d'art étaient nécessaires. Elle céda, dès 1892, la construction de la voie à des Sociétés anglaises, la Beira Railway C° et la Beira Junction Co. Aujourd'hui une

La Géographie, 15 mars 1901.

La ligne fut d'abord construite selon le plan portugais, avec un écartement de 0,65 (2 pieds anglais). Elle a été reconstruite avec l'écartement des chemins du Cap (1,067) de 1898 à 1900.

troisième Compagnie, dont les rails faisaient suite précisément à ceux des précédentes, la Mashonaland Railway Co, exploite l'ensemble de la ligne. Ces trois Sociétés sont, du reste, plus ou moins des filiales de la grande British South African Co, de Cecil Rhodes, la Chartered. L'exploitation est satisfaisante. Non seulement le territoire portugais possède le moyen d'écouler ses caoutchoucs, ses ivoires, ébènes, quinas, noix de coco, arachides, mais c'est par cette voie que le Mashonaland reçoit ses importations et exporte ses produits miniers et agricoles 1. La présence d'un bassin houiller près de Zambèze favorise encore les conditions de l'exploitation. De Fort-Salisbury à Beïra les recettes se sont élevées :

En 1901 à fr. 7.870.000 donnant un bénéfice net de fr. 940.000 En 1902 8.450.000 3.019.000

Ces résultats ne peuvent qu'augmenter d'année en année. Selon la juste remarque d'un des hommes les plus informés des affaires de l'Afrique du Sud, M. Jones, secrétaire de la British South African Co, le trafic croîtra au fur et à mesure que les voies ferrées se développeront dans la Rhodésia. Ne sommesnous pas ici, du reste, dans une des régions les plus riches de l'Afrique les ruines d'Ophir, la renommée du légendaire Monomotapa n'attestent-elles pas une opulence ancienne? Déjà dans le Manica des prospecteurs ont découvert de l'or. Beïra, port naturel de tous ces territoires, gagne de jour en jour à leur mise en valeur. En 1891, il n'était qu'un point fortifié sur la côte, peuplé de 700 habitants à peine, sans commerce, sans industrie. Aujourd'hui, grâce à l'hinterland britannique, il a plus de 5.000 habitants, des quais maritimes, des bassins, des phares, de grandes maisons de commerce, des banques, des tramways à vapeur, des usines électriques. En 1904, plus de 300 navires y ont fait escale.

Les mêmes faits ont influé sur l'essor de Lourenço-Marquez. L'idée de relier au Transvaal, ce port, si heureusement situé sur la belle baie de Delagoa, était déjà exprimée en 1860. En 1885-1889 seulement, après bien des vicissitudes politiques et financières, les 88 kilomètres qui séparent la côte de la frontière transvaalienne furent franchis par le rail. Puis la ligne mit cinq ans encore (1889-1894) à atteindre Pretoria. Le prési

1 Pour concurrencer cette ligne, les chemins de fer du Cap ont abaissé leurs tarifs pour les marchandises à destination ou en provenance du Matabélé et du Mashona. Mais la différence de distance est telle que l'avantage reste encore à la ligne de Beira. A moins de travailler à perte, les chemins du Cap sont destinés à ne pouvoir longtemps soutenir cette rivalité.

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