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dent Krüger, s'il apercevait les avantages commerciaux des chemins de fer, en redoutait aussi les effets politiques. Il s'est toujours méfié des voies destinées à mettre trop aisément le Transvaal en relations avec ses voisins. « Les diligences m'amènent cent << Anglais par semaine, disait-il volontiers; les chemins de fer << m'en amèneront mille. » Aujourd'hui, la voie Lourenço-Marquez-Pretoria est devenue voie anglaise sur 561 kilomètres, 88 seulement sont en territoire portugais. Dans un rayon de 20 kilomètres, l'arrière-pays et les environs de Lourenço-Marquez sont d'ailleurs formés de plaines trop basses et marécageuses pour que la section portugaise ait jamais à elle seule un trafic capable d'alimenter un chemin de fer. Même les pentes douces, boisées, fertiles, qui mènent vers la frontière anglaise, ne provoqueront pas un trafic rémunérateur. La voie ne vaut que parce qu'elle dessert les riches régions de Pretoria et de Johannesburg et qu'elle se relie étroitement à tout le réseau de l'Afrique australe. Le tronçon mozambiquais et LourençoMarquez, malgré les convoitises britanniques, sont demeurés. portugais, mais ils ne se développent qu'en fonction des possessions anglaises. C'est parce que celles-ci sont dans une période de très bel épanouissement économique, que Lourenço-Marquez prospère et compte, avec son port déjà insuffisant et ses 16.000 habitants, comme l'une des villes principales de l'Afrique 2.

L'Angleterre, en effet, est dans l'Afrique australe la principale puissance, celle dont le domaine est à la fois le plus étendu, le plus précieux et le mieux exploité. Si l'on excepte l'Egypte, c'est elle qui a posé en Afrique les premiers rails: le Cap eut des voies ferrées avant l'Algérie. En 1859 fut inaugurée la ligne de Capetown à Wellington (58 milles, soit 93 kilomètres).

Mais si hardis pionniers que soient les Anglais, le réseau ferré du Cap se développa assez lentement. Le climat permettait à la fois le peuplement, des cultures variées et l'élevage, mais la structure du sol, comme en Algérie, semblait s'opposer à la construction de lignes de pénétration vers l'intérieur. Le plateau africain, dans la partie méridionale du continent, descend vers la mer par une série de gradins montagneux entrecoupés, séparés par de nombreux chaînons, généralement parallèles. Entre la côte et le Karrou qu'on a si justement comparé aux hauts

1 Cf. H. HAUSER. Etudes sur les colonies portugaises. (Quest. Diplom. et Col., 15 janvier 1901).

2 Le tracé d'une ligne nouvelle entre Lourenço-Marquez et Pretoria est actuellement à l'étude. Cette ligne, tout en doublant l'ancienne, aurait l'avantage d'être plus courte de 60 milles (96 kilomètres).

plateaux algériens à cause de son altitude, de son aspect, des
cultures et de l'élevage qu'on y pratique, se dressent les
Zwarte-Berge, puis au delà du Karrou les monts Nieuwe veld,
au delà encore les monts Karrée. Si l'on songe que, derrière ces
bourrelets montagneux, personne, avant les années 1869-1870,
ne devinait de régions riches', qu'on inclinait au contraire à

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croire le Bechouanaland, le Matabéléland à peu près aussi dé-
solés et inhospitaliers que la région limitrophe du Kalahari,
que les seuls domaines désirables étaient occupés par les deux
Républiques d'Orange et du Transvaal, que d'ailleurs aucune
rivière navigable, aucun chemin ne conduisait dans l'hinter-
land, on comprendra à la fois que la colonie du Cap ne se soit
que tardivement agrandie vers l'intérieur et qu'elle n'ait guère

1 P. LEROY-BEAULIEU. Les Nouvelles Sociélés anglo-saxonnes, Paris, 1898, in-12, p. 278 et 279.

eu l'idée de construire des chemins de fer. Les premières extensions territoriales furent plutôt cherchées à proximité de la côte le Natal a été pris en 1842, le Griqualand en 1871, le Basoutoland en 1875, le Zoulouland en 1887. Encore ces agrandissements paraissaient-ils au début n'offrir qu'une fortune médiocre. L'agriculture n'y est pas partout aisée, l'émigration des Boers du Natal vers les Républiques libres privait le pays d'agriculteurs intelligents et informés des nécessités de l'exploitation rurale sur ce sol et sous ce ciel, l'ouverture du canal de Suez dépouillait le Cap de tout le mouvement commercial vers les Indes.

Mais en 1869, l'Etoile du Sud était trouvée près de Kimberley. En 1870, des couches épaisses et étendues d'argile bleue diamantifère étaient constatées entre l'Orange et le Vaal. Cette découverte bouleversa la situation économique du pays, lui donna un essor prodigieux. La colonie du Cap fut parcourue en tous sens. Un rush d'émigrants s'y précipita, rappelant les légendaires poussées d'arrivants dans la Californie vers le milieu du siècle dernier. Les chemins de fer que réclamait l'exploitation furent étudiés, établis, et l'Angleterre, à la suite des rails, se répandit dans l'intérieur.

La découverte des goldfields du Transvaal aviva encore cette impulsion et les convoitises. Des raisons à la fois économiques et politiques commandaient la construction des chemins de fer: non seulement il fallait aller vite dans la mise en valeur des richesses du sol, mais tout autre moyen que le rail était incertain. Si le bétail peut vivre dans l'Afrique australe, il y est exposé à des épidémies cruelles, comme la peste qui, en 1896-1897, ravagea le Transvaal, l'Orange et le Béchouana. Les Anglais convoitaient les deux Républiques: les enserrer d'un réseau ferré qui permît un rapide transport de troupes et un ravitaillement facile, n'était-ce pas là un sage calcul? On a vu, durant la dernière guerre, de quelle utilité ont été pour les Anglais les lignes qui relient le Veld aux grands ports du Sud. Selon le plan conçu, le Béchouana était incorporé en 1885, le Matabélé et le Mashona étaient réservés, confisqués pour ainsi dire par le traité imposé au Portugal en 1891, l'ambition, l'intelligence et l'effort de Cecil Rhodes assuraient à sa patrie la région qui, au Nord du Zambèze, court jusqu'au Banguélo, au Nyassa et au Tanganyika, la paix de 1902 enfin imposée aux deux Républiques boers rendait la Grande-Bretagne maîtresse de la quasi-totalité de l'Afrique australe.

L'extension du réseau ferré a suivi de près les progrès de cette pénétration. Ce fut en particulier sous l'impulsion dela British

South African Coet de Cecil Rhodes, son directeur, que la grande ligne de la Rhodésia atteignit Mafeking, puis Boulawayo. Même les chemins construits dans les Etats alors indépendants d'Orange et du Transvaal, et malgré les appréhensions du président Krüger, ont été établis sous l'influence des émigrants anglais. Il serait trop long d'étudier ligne par ligne la construction successive de tous les tronçons de ce réseau riche aujourd'hui de plus de 6.000 milles de rails. Voyons plutôt ce qui existe à l'heure actuelle et ce que l'on se propose d'y ajouter. Si l'on jette les yeux sur une carte des chemins de fer de l'Afrique du Sud', on constate que l'ossature du réseau est constituée par deux grandes lignes, partant de la côte et décrivant dans le pays deux sortes d'immenses arcs de cercle : la ligne Cape Town-Beira, par Kimberley, Mafeking, Boulawayo, Salisbury, la plus longue (3.385 kilomètres) et la ligne PortElizabeth-Lourenço-Marquez, par Bloemfontein, Johannesburg, Prétoria (1.754 kilomètres).

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Sur ces lignes-troncs se greffent un certain nombre d'embranchements latéraux, de Cape-Town à Malmesbury, Piquetberg et Eendekuil (129 milles), — de Cap-Town à Swellendam, prolongé jusqu'à Riversdale en juillet 1905, - de Port-Elizabeth à Aliwal-South, -de Port-Elizabeth à Port-Alfred, — de Bloemfontein à Moddersport et Maseru (Basoutoland), — de Johannesburg à Kleerksdorp.

Des transversales unissent également divers points de la ligne Port-Elizabeth-Lourenço-Marquez aux ports principaux de la côte orientale, telles les voies Naauwport à Port-Alfred et Port-Elizabeth, Springsfontein à East-London Johannesburg à Durban et extensions (tronçon de Bethlehem, dans l'Orange, et lignes latérales le long de la côte de l'Océan Indien).

Mais entre les deux artères principales il n'existe encore qu'un trait d'union, le tronçon De Aar-Naauwport; les divers ports de la côte ne sont pas reliés entre eux par la voie de terre, de sorte qu'il n'y a pas de communication très directe entre CapeTown, Bloemfontein et Prétoria et qu'il est nécessaire, pour aller de Durban ou East-London à Cape-Town, de faire dans l'inté

1 Nous avons utilisé particulièrement celle qu'a publiée la Revue South Africa dans son numéro du 5 novembre 1904 et la carte de l'officiel Time Table of the Cape government Railways and other Railways in connexion (édition d'octobre 1905). 2 C'est aussi la dernière achevée. En 1897, la locomotive n'allait que jusqu'à Boulawayo; tout le matériel nécessaire au prolongement de la voie venait du Cap. La guerre interrompit les envois. Il fallut, pour reprendre les travaux, attendre que le tronçon Beira-Salisbury fût construit et utilisable. En 1900 seulement l'œuvre fut reprise et ce fut alors de Salisbury vers Boulawayo que le rail s'avança. La jonction S'opéra en 1902.

rieur un long détour. Le gouvernement du Cap, qui exploite une notable part des chemins de fer de l'Afrique du Sud, et les Compagnies concessionnaires des autres lignes pensent depuis longtemps à remédier à ces défauts. Depuis plusieurs années des projets de lignes de raccord ou d'extension sont à l'étude ou en cours d'exécution. La guerre boer a momentanément interrompu ces travaux. Ils ont repris depuis 1902 et sont aujourd'hui poussés avec une rare vigueur. En attendant, des trains directs, pourvus de sleeping-cars, ont été mis en circulation, par le tronçon De Aar-Naauwport, entre Cape-Town (quai maritime), Bloemfontein et Pretoria.

Une ligne nouvelle reliant Cape-Town à Pretoria est en voie d'achèvement par le raccourci Warrenton-Kleerksdorp-Johannesburg.

Un autre tronçon, destiné à réunir les deux grandes artères, ira de Kimberley à Springsfontein et assurera des communications rapides entre Port-Elizabeth, East-London, Kimberley et la Rhodésia.

Enfin une troisième transversale joindra le Transvaal à la Rhodésia par Krugersdorf-Rustenburg (ligne en cours d'exécution de Johannesburg à Lobati).

De même des lignes neuves sont en voie d'établissement ou d'achèvement entre les ports de la côte orientale et le réseau déjà existant. Les deux sections Cape-Town-Swellendam et Aliwal South-Port Elizabeth vont se rejoindre et constitueront une sorte de Grand Central du Cap.

De Kleerksdorp un embranchement, passant par Kroonstad, rejoindra Bethlehem et mènera directement à Durban. De Bloemfontein un autre embranchement se dirigera vers Bethléhem par Moddersport.

On travaille à un raccourci entre Johannesburg-Pretoria et Lourenço-Marquez.

Le Nord du Transvaal sera uni à la mer directement par une voie Pietersburg-Lourenço-Marquez.

Enfin dans le Nord des possessions britanniques la grande ligne de la Rhodésia pousse ses rails de plus en plus loin. Les administrateurs de la Chartered, tout le parti impérialiste portent avec amour leur attention et leurs regards vers cette extension cette ligne n'est-elle pas le tronçon méridional de la grande route du Cap au Caire? De Boulawayo la ligne se dirige vers les chutes de Victoria, sur le Zambèze. Le pont qui franchit le fleuve a été inauguré le 11 septembre 1905 1. Déjà,

1 Cf. A. J. WAUTERS, le Pont du Zambèze (Mouvement géographique, Bruxelles, 17 septembre 1905).

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