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« désirs du tsar; mais il faut contrecarrer les révolutionnaires avant qu'on « puisse statuer au sujet des bases définitives d'un avenir stable.

« Pour moi, dit M. Stolypine, je mets la confiance la plus absolue dans <«<le patriotisme inné de la masse de la nation. Je crois que l'appel du tsar « à la masse de la nation, appuyé par des témoignages constants de bonne « foi et des tentatives honnêtes de la part de ses représentants, amènera « l'extinction de la révolte ou au moins une répression efficace des forces << anarchistes. >>>

Les mesures de répression.

La conversation a porté ensuite sur la suppression des journaux et les arrestations de ces jours derniers. M. Stolypine, répondant aux questions posées, a dit :

Les arrestations, les expulsions et les autres mesures d'ordre admi«nistratif sont indispensables dans les circonstances actuelles. On orga<<nisera sans doute avec succès un choeur de protestations; mais dans la « periode où les menaces et l'intimidation de la populace se donnent libre <«cours, il est impossible de forcer des témoins à se présenter à la barre « des tribunaux civils.

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Les journaux qui ont été supprimés étaient purement et simplement des organes révolutionnaires dont on ne supporterait la publication «dans aucun pays du monde. »>

Le ministère et la question agraire.

Revenant à des sujets d'ordre plus général, M. Stolypine donna à comprendre que, jusqu'au mois passé, il avait estimé possible, sinon probable, une transaction au sujet du cabinet. On aurait pu donner certains portefeuilles aux membres de la Douma, mais toutes les exigences du parti des cadets ne pouvaient pas être admises un seul instant.

M. Stolypine refuse cependant d'exprimer une opinion sur la question de savoir jusqu'à quel point était sincère, de la part de la Douma, une demande d'une expropriation foncière générale, qui dans de nombreux cercles était considérée comme une manœuvre tactique pour gagner les paysans; de même les demandes pour une amnistie et pour l'abolition de la peine de mort avaient pour objet de se conquérir d'autres couches de la

nation.

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M. Stolypine dit :

Le tsar a à cœur les intérêts des paysans. Sa Majesté et ceux qui l'approchent de plus près reconnaissent la justesse de beaucoup de « réclamations présentées par les paysans, et on fera l'impossible pour « résoudre le problème agraire dans un esprit de sympathie, de générosité « et d'équité.

« Je crois que les paysans s'en rendront compte lorsque les détails de « nos propositions agraires leur seront entièrement expliqués avec le concours des commissions locales formées de personnes qui jouissent de la confiance des paysans. Lorsque le cabinet sera complet, nous aborde«rons un programme très étendu, qui comprendra la question agraire et « d'autres questions qui exigent une solution immédiate. »

M. Stolypine rit à gorge déployée en apprenant que l'immunité accordée aux signataires du manifeste de Viborg était considérée comme un signe de peur de la part du gouvernement. Il ajouta qu'en réalité il savait parfaitement que rien n'aurait fait plus de plaisir aux membres de la Douma que d'être arrêtés. Leur manifeste est un acte d'opéra bouffe, dit-il, une production qui ne mérite même pas une critique.

La fidélité de l'armée.

En ce qui concerne la fidélité de l'armée, M. Stolypine en a parlé en termes encore plus énergiques que ne l'avait fait le général Trépof dans son interview. Il a ajouté que le grand-duc Nicolas et tous les autres généraux répondaient du dévouement de l'immense majorité des troupes.

«La dissolution de la Douma, a répété le premier ministre, était la seule <«< ligne de conduite possible. Et quant à moi, je n'aurais pas accepté la << présidence du Conseil des ministres si tel n'avait pas été mon propre avis. « Les instructions qui viennent d'être envoyées à tous les gouverneurs « de province répondent à ma manière d'envisager la situation. Ce qu'il « faut, selon moi, c'est la force et non la réaction; c'est de l'humanité et « non pas de la cruauté; c'est du bon sens et non pas des promesses « d'hystériques.

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«Letsar n'a aucun doute en ce qui concerne l'avenir. Sa Majesté avait « fondé sur la Douma les plus grandes espérances; presque jusqu'à la << dernière minute elle avait compté que cette Assemblée travaillerait de «< concert avec le gouvernement pour la régénération de la Russie, et elle « ne l'a dissoute qu'avec le plus grand regret, lorsqu'elle a vu qu'elle ne « pouvait rien produire d'utile.

« La Douma, dans son ensemble, a ajouté M. Stolypine, ne représen<< tait pas le pays. Elle contenait beaucoup trop d'agitateurs, amateurs <«< ou professionnels, qui n'avaient aucun intérêt dans leurs propres circonscriptions et dans le pays en général. »

Le mouvement politique et le mouvement social.

En terminant, M. Stolypine a prononcé textuellement les paroles suivantes :

« Nous avons en Russie deux mouvements distincts. Le premier est un <«< mouvement social; il porte sur les questions rurales et du travail. Le <«< second est un mouvement politique. Le premier a toutes nos sympathies « et il fera l'objet de nos études les plus attentives. Le second sera traité << selon que les circonstances nous le prescriront.

<«La force est nécessaire dans tous les pays pour réprimer la révolution; <«mais, je le répète et je ne puis le répéter trop énergiquement, la réaction <«< ne trouve aucune place dans notre programme et toutes les réformes « S s'inspirant du libéralisme le plus élevé seront exécutées lorsque le terrain « aura été préparé. »

LA SITUATION GÉNÉRALE

Grâce à l'énergie montrée par M. Stolypine et aux mesures prises, la dissolution de la Douma n'a pas jusqu'ici provoqué de troubles graves dans l'Empire. La situation générale n'en reste pas moins inquiétante, et la révolte militaire qui vient de se produire à Sveaborg en Finlande montre que l'esprit d'insurrection agite encore çà et là l'armée et la marine.

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L'accord entre la France et la Suisse.

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France. Les négociations qui se poursuivaient depuis si longtemps entre la France et la Suisse ont abouti à un accord au moment même où l'on commençait à désespérer de trouver un terrain d'entente. Le 30 juillet, la veille même du jour où expirait le modus vivendi de 1895, le décret progeant ce modus vivendi a été signé au conseil des ministres tenu à Rambouillet, et le Journal officiel l'a publié le lendemain. Nous en donnons l'article essentiel :

ARTICLE PREMIER. Le tarif minimum des douanes résultant des lois des 11 janvier 1892, 21 décembre 1903 et 29 mars 1906 continuera d'être applicable à partir du 1er août 1906 jusqu'à la promulgation de la loi ratifiant la convention commerciale intervenue entre la France et la Suisse.

On sait que les principales divergences de vues portaient sur les soieries, broderies, la Suisse refusant d'admettre les taxes spéciales dont la France voulait protéger les industries de Lyon et de SaintQuentin. L'accord s'est fait sur un compromis résultant de concessions mutuelles. I convient de se féliciter grandement de cette solution que la France a certainement dû acheter par de sérieux sacrifices, mais qui nous évite une guerre de tarifs dont les conséquences auraient été bien autrement graves.

M. Révoil, notre ambassadeur à Berne, qui a dirigé les négociations au nom de la France avec tant d'habileté et de tact, a reçu en cette occasion les félicitations du Président de la Confédération helvétique en même temps que les jutes éloges du gouvernement français.

Allemagne. Le voyage de l'empereur d'Allemagne en Norvège. Au cours de sa croisière annuelle dans les mers du Nord, l'empereur Guillaume II s'est rendu à Trondhjem où il a été reçu par le roi de Norvège. Un dîner de gala a eu lieu en son honneur au palais royal. Le roi Haakon, dans un toast à l'empereur d'Allemagne, a exprimé l'espoir que les rapports entre l'Allemagne et la Norvège ne cesseraient jamais d'être bons et que l'empereur trouverait toujours plaisir à des voyages en Norvège, où la population a pour lui une si grande sympathie.

L'empereur a remercié le roi de ses paroles aimables et de la réception qui lui a été faite par la population.

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Angleterre. La réduction des constructions navales. Le 27 juillet, après une importante discussion, la Chambre des Communes a adopté le programme présenté par le gouvernement pour les nou

velles constructions navales. Ce programme comporte une réduction de dépenses de 2.540.000 livres sterling sur l'ancien programme. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette importante question.

- La Conférence interparlementaire de Londres. Discours de sir Henry Campbell Bannerman. — Le 23 juillet, le jour même même où l'on apprenait qu'un oukase du tsar venait de dissoudre la Douma d'Empire, la quatorzième Conférence de l'Union interparlementaire s'ouvrait à Londres dans la Galerie royale à la Chambre des Lords. Cinq cent soixante-dix délégués des différents parlements étaient présents, se répartissants ainsi : Autriche, 34 délégués ; Belgique, 73; Danemark, 14; Finlande, 18; France, 101; Allemagne, 36; Grèce, 11; Hollande, 40; Hongrie, 52; Italie, 119; Mexique, 1; Norvège, 10 ;Portugal, 2; Roumanie, 26; Russie, 6; Espagne, 3; Serbie, 1; Suède, 5; Suisse, 5; Etats-Unis, 9.

Le Canada avait envoyé également un délégué. Seuls les délégués russes et norvégiens n'étaient pas venus comme les autres de leur propre initiative, ils avaient été désignés, les premiers par la Douma, les autres par leur gouvernement.

Sir Henry Campbell Bannerman a inauguré les travaux de la Conférence par un discours dans lequel, après avoir souhaité la bienvenue aux délégués étrangers, il a fait un éloquent appel à l'arbitrage et à la concorde universelle, puis il a terminé en ces

termes :

.....

Je ne puis m'empêcher de dire - parlant en mon nom et au nom, j'en suis sûr, de tous les membres de cette grande assemblée historiquequel plaisir j'éprouve aujourd'hui à accueillir les représen tants du plus jeune des Parlements, de la Douma de l'empire russe. Nous saluons, Messieurs, leur présence parmi nous; car c'est d'un bon augure, j'ose le croire, et pour votre mouvement et pour l'avenir de l'Europe, que le premier acte officiel du Parlement russe dans ses rapports avec l'étranger ait été d'autoriser des délégués à venir ici, à Westminster, et à se joindre à nous pour affimer ces grands principes de paix et d'entente auxquels le chef de l'empire russe a fait faire de si grands pas en convoquant la première conférence de la Haye.

Je ne fais pas de commentaire sur les nouvelles qui ont éclaté ce matin ce n'en est ni le lieu ni le moment. Nous n'avons pas une assez grande connaissance des faits pour pouvoir blâmer ou louer.

Mais ceci du moins nous pouvons le dire, nous qui fondons notre confiance et nos espoirs sur le régime parlementaire :

Les nouvelles institutions ont souvent une jeunesse accidentée, sinon orageuse. La Douma revivra d'une forme ou d'une autre.

Nous pouvons dire avec toute sincérité: La Douma est morte, vive la Douma !

Après le discours de sir Henry Campbell Bannerman le professeur Rovalewski, membre de la Douma, demanda la parole et après une sorte de protestation contre la dissolution de la Douma, il dit :

Nous retournons dans notre pays avec la résolutiou inébranlable de con

tinuer la grande lutte engagée pour la liberté et pour la paix du monde si intimement liée à la liberté !

Les délégués russes quittèrent alors la salle, malgré les instances de leurs collègues, et la conférence se mit aussitôt au travail. La dernière séance eut lieu le 25 juillet. Au cours de cette réunion, le vœu suivant, relatif à la limitation des armements, a été adopté à l'unanimité:

La conférence interparlementaire, considérant que l'accroissement des dépenses navales et militaires qui pèsent sur le monde est universellement reconnu comme intolérable, émet formellement le vœu que la question de la limitation des armements soit inscrite au programme de la prochaine conférence de la Haye.

La conférence décide que chaque groupe faisant partie de l'Union interparlementaire saisira, sans délai, de cette résolution le gouvernement de son pays, et qu'il exercera son action la plus pressante sur le Parlement auquel il appartient pour que la question de la limitation soit l'objet d'une étude nationale nécessaire au succès ultérieur de la discussion internationale.

Autriche-Hongrie. La réforme électorale en Autriche. Les laborieuses négociations engagées en Autriche pour aboutir à l'établissement définitif du projet de loi sur la réforme électorale ont enfin abouti grâce à une série de concessions réciproques. La nouvelle Chambre sera composée de 516 députés contre 425 avant la réforme. Il y aura 233 députés allemands, 19 italiens et 5 roumains, soit 257 députés anti-slaves. Les Tchèques auront 108 députés, les Polonais 80, les Slaves du Midi 37, les Ruthènes 34, soit au total 259 députés slaves.

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Turquie. La Crète et les puissances. Le 25 juillet, le Journal officiel de la Crète a publié, sans mentionner par ordre de qui, et sans signature, une proclamation informant les Crétois que les puissances protectrices ont examiné avec une grande bienveillance les propositions de leurs délégués. S'inspirant de ces propositions, les puissances, dit la note, jugent possible d'élargir dans le sens national, l'autonomie de l'île, en prenant des dispositions pour améliorer sa situation matérielle et morale.

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Algérie. Le rapport de M. de Peyerimhof sur la colonisation officielle. - Le gouvernement général vient de faire éditer en deux volumes. (l'un pour le texte et l'autre pour les pièces annexes) un rapport de M. de Peyerimhof, sur la colonisation officielle de 1871 à 1893. Ce très remarquable et très important travail sera prochainement l'objet, dans notre Revue, d'une étude approfondie.

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