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inspiré une fierté superbe à la colonie et aux coloniaux de la métropole l'inauguration de la voie, en juillet 1902, fut tenue pour une victoire brillante.

Aujourd'hui la nécessité d'amortir le capital engagé dans l'entreprise, le peu de régions riches que dessert la ligne, le manque de colons', le mauvais état du mouillage de Swakopmund, le profil accidenté du tracé, qui nécessite parfois le convoyage des trains par deux locomotives, et l'obligation de détacher des wagons dans les pentes trop raides, sont des conditions qui empêchent la ligne d'être rémunératrice. Malgré les avantages certains qu'elle rend à la colonisation et à l'influence allemandes dans le pays, malgré l'économie considérable de temps et d'argent qu'elle offre aux transports, le commerce demeure rudimentaire; l'opinion publique regrette parfois tant d'argent et d'efforts, qui semblent vains, elle se prend à douter de l'avenir d'une colonie si onéreuse et si misérable, de cet enfant de douleur », ce smerzenskind2.

Pourtant le gouvernement impérial forme pour ce domaine des projets assez vastes et destinés à donner à son railway une meilleure valeur économique. Des sommes considérables vont être dépensées pour améliorer le mouillage de Swakopmund. On parle d'un prolongement possible de la ligne jusqu'au Bechouanaland (Mafeking). On travaille à relier la région minière d'Otavi à Swakopmund : ce nouveau chemin de fer, qui sera à l'écartement de 0m60, aura 570 kilomètres et l'on calcule qu'il pourra être inauguré en 1907. Enfin un premier crédit, montant à 5 millions de marcs, a été voté, à la fin de l'année dernière, pour la construction d'une seconde ligne, de Luderitzbucht (Angra-Pequeña) à Kubub. Une nouvelle somme de 2.872.000 marcs doit y être consacrée cette année. Les travaux seront exécutés par les noirs, dirigés par une section de la compagnie militaire des chemins de fer de l'Empire.

Un projet, qui faillit être réalisé, devait donner pour débouché maritime à la région d'Otavi un port portugais du Mossamédès, la baie des Tigres ou plutôt Port-Alexandre, qui, au dire des spécialistes, aurait la rade la plus aisément et la plus promptement transformable de toute la côte sud-occidentale africaine. La même compagnie anglaise, qui d'abord s'était

1 II. HAUSER, Colonies allemandes impériales et spontanées, Paris, 1900, in-8°. 2 Cf. Vossische Zeitung, septembre 1905.

3 Deutsches Kolonialblatt, 1er mars 1904. 1906.

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Koloniale Zeitung, passim, 1905 et

La question a même été agitée déjà de savoir si ce chemin de fer à voie très étroite suffira au transit d'une région minière. (Cf. DE RENTY, Les chemins də fer coloniaux en Afrique, I, p. 48.)

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rendue adjudicataire de la ligne Swakopmund-Windhoek, la South West Africa Co, avait offert de se charger des travaux; elle demandait même l'autorisation de pousser la section PortAlexandre-Otavi à travers l'hinterland des possessions allemandes jusqu'au Bechouana et au Transvaal. Port-Alexandre se serait trouvé à 2.000 kilomètres de Pretoria, c'est-à-dire à

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une distance supérieure seulement de 350 kilomètres à celle
qui sépare Cape-Town de Pretoria. Mais Port-Alexandre, plus
rapproché de l'Europe de 2.000 kilomètres, aurait pu détourner
à son profit une partie du commerce du Transvaal. Un accord
anglo-allemand fut conclu (1899). Puis subitement le projet.
a été abandonné peut-être certaines difficultés matérielles ont-
elles surgi, plus sûrement l'opinion coloniale allemande s'est
émue d'un projet tout anglais, destiné moins à desservir le
Damara que la Rhodésia et le Transvaal, et obligeant le trafic

d'Otavi à emprunter une voie portugaise. Il a été décidé, en 1902, de relier Otavi à Swakopmund.

La colonie portugaise de l'Angola ne possède encore, elle aussi, qu'une ligne. Elle unit le port insuffisant de Saint-Paulde-Loanda à Ambaca, centre de culture pour le café, le tabac et l'arachide (340 kilomètres). La construction de cette voie remonte à l'année 1887, au temps où le rêve portugais semblait encore réalisable d'unir par l'intérieur du continent les possessions de l'Angola à celles du Mozambique. L'idée des promoteurs du chemin de fer a dû être de relier par lui les deux côtes portugaises. Mais cette grande pensée eut le tort de ne pas recevoir un commencement d'exécution : l'Angleterre, soucieuse de se ménager un passage du Cap au Caire, jeta son dévolu et planta son drapeau sur le cours moyen du Zambèze sans que le Portugal ait pu l'en empêcher. Cet échec porté au grand projet, les obstacles naturels que la construction de la voie eut à surmonter, le prix de revient très élevé de chaque kilomètre de rail (145.000 francs, pour un chemin d'écartement de 105), les dépenses d'exploitation du tronçon commencé, ralentirent les travaux: Ambaca ne fut atteint qu'en 1894.

Depuis ce temps divers projets ont été proposés et même partiellement exécutés en vue d'agrandir la région drainée par cette voie et d'accroître ainsi sa valeur économique. Les prix réduits des transports sont de nature à attirer vers ce chemin de fer tout le commerce des pays traversés; le gouvernement propriétaire de la ligne s'applique à abaisser le plus possible les tarifs; on a calculé que leur modicité faisait de la voie pour le voyageur ou le chargeur un des chemins de fer les plus économiques de toute l'Afrique'.

Le lieutenant Païva-Conceïro pensa d'abord à prolonger le rayon d'action du chemin de fer par l'utilisation de locomotives routières. Des machines remorquent sur routes les marchandises jusqu'à la voie ferrée. Aujourd'hui on incline plutôt à augmenter la longueur du réseau. Depuis 1899 on a entrepris de pousser la ligne de 150 à 200 kilomètres dans l'intérieur, jusqu'à Malangé et Kassangé, centres de districts où le café pousse aisément. Là, comme au Congo, comme dans l'Ousambara, chaque mètre de voie construite est utilisé pour ravitailler les chantiers et le personnel ouvrier. Le chemin de fer est à lui-même le meilleur artisan de son prolongement.

1 Le chemin de fer du Congo belge, qui est le plus voisin, a des tarifs plus élevés de trois à quatre fois environ (Cf. JEAN DARCY, La conquête de l'Afrique). On a critiqué l'abaissement des tarifs portugais, disant qu'il grevait le budget de l'Etat et que des prix un peu plus chers n'auraient pu entraver le commerce (Cf. DE RENTY, op. cit., I, p. 115).

Il deviendra de la sorte capable de drainer un jour les marchandises des riches domaines du Kouango et du Kassaï, dont les produits prennent actuellement la voie du Congo belge. Les travaux de construction toutefois ne semblent pas être menés avec la célérité désirable.

Le tracé d'une ligne est à l'étude entre Mossamédès et Huilla, chef-lieu d'une région fertile en canne à sucre. Il est enfin fortement parlé depuis quelques années d'une voie qui, partant d'un des points de la côte, pénétrerait jusqu'aux possessions anglaises de l'intérieur. Nous avons vu qu'un de ces projets consistait à unir les villes de Port-Alexandre, Otavi et Mafeking. Un autre, plus vaste et qui paraît cependant plus susceptible d'être réalisé, vient de voir le jour. Depuis plusieurs années Benguella était reliée par un tout petit tronçon de 20 kilomètres à Catumbella; ce chemin de fer était primitivement destiné à desservir le plateau de Bihé, où les cultures peuvent être aisément abondantes et variées; des plantes tempérées, grâce à l'altitude, peuvent y prospérer. Mais le défaut de trafic et de recettes, une erreur grave de plan, qui consista à employer dans la construction des matériaux trop légers, déçurent si amèrement les promoteurs de l'œuvre, qu'en 1901 la ligne était inexploitée, la compagnie acculée à la faillite. C'est alors qu'une société anglaise, représentée par M. Robert Williams, a proposé et obtenu l'autorisation de reprendre la besogne et de construire un railway, qui, partant de Lobito, à une trentaine de kilomètres au Nord de Benguella, passerait par cette ville et de là se dirigerait, dans l'intérieur, vers la Rhodésia, où il se souderait à la ligne du Mozambique. Un grand transcontinental unirait ainsi Lobito à Beïra. La Société Williams, contre promesse que la haute direction du chemin de fer serait toujours soumise au contrôle portugais, a obtenu déjà d'importantes concessions de terres, mines et forêts; les travaux d'infrastructure entre Lobito et Coconda ont été commencés en 1903; on estime que les 1.500 à 1.600 kilomètres de rails à poser demanderont huit années de travail. Il n'est pas douteux, si ce projet gigantesque est mené à bonne fin, que la côte portugaise ne voie affluer vers elle le commerce d'une grande partie de l'hinterland, qu'elle commandera. La fertile et salubre région de Bihé, peu exploitée jusqu'à présent, sera promptement mise en valeur et colonisée. Le Portugal, dont la richesse coloniale est aujourd'hui si peu en rapport avec ses efforts et ses droits historiques, se verra mis en possession d'un des domaines les plus heureusement dotés de tout le continent africain.

BASSIN DU CONGO

Le bassin du Congo était à peine connu que la nécessité s'imposa de construire un chemin de fer, qui en permît l'accès. Sous le ciel équatorial, généreux en pluies, le fleuve et ses affluents constituent le réseau navigable le plus complet de l'Afrique et un des plus imposants du monde. Quatre millions de kilomètres carrés sont drainés par eux, plus de 15.000 kilomètres de rivières sont praticables à la navigation, un estuaire large de 17 kilomètres, profond de 300 mètres, offre aux vaisseaux des facilités inconnues aux bouches du Nil, du Niger et du Zambèze. Mais à 250 kilomètres de la côte une suite de rapides infranchissables sépare l'estuaire à la fois du cours moyen et des affluents; l'immense bief naturel du Congo qui sur 1.600 kilomètres s'étend du Stanley-Pool aux Stanley-Falls est coupé de la haute mer, rendu pour ainsi dire inutilisable. Sans une voie ferrée, la colonisation, la mise en valeur étaient radicalement impossibles, << tout le bassin du Congo, selon le mot de Stanley, ne valait pas deux shillings ».

Les traités de 1885 donnaient à deux puissances, la France et l'Etat Indépendant du Congo, les débouchés maritimes de cette immense région. En France et en Belgique on songea en même temps à unir la côte au Stanley-Pool, point initial de la navigation fluviale. La voie française aurait joint Loango et Brazzaville longue de 400 kilomètres environ, elle aurait pu suivre en partie, pour gravir les pentes du plateau intérieur, la vallée du Kouilou-Niari; son terminus sur l'Atlantique, Loango, aurait pu être assez aisément pourvu d'un bon port. La voie belge, si on la voulait construire entièrement sur le territoire de l'Etat Indépendant, devait partir de Matadi, bourgade construite à flanc de rocher sur l'estuaire, et gagne le Pool à travers une région difficile, rocheuse, ravinée, aride.

Mais vers 1885 les entreprises coloniales n'étaient pas en faveur en France. C'était l'époque de la signature du traité lamentable Miot-Patrimonio à Madagascar, du rachat par l'Angleterre des Compagnies françaises du Niger, de la panique de Lang-Son. L'opinion de quelques hommes avertis, mais trop prompts peut-être au découragement, ne put prévaloir sur la masse, rebelle à la politique coloniale : le Congo français n'eut pas de chemin de fer. En Belgique l'admirable activité du colonel

1 Au Congo belge, comme au Congo français, l'augmentation du prix de revient des marchandises, dans la région où le portage est le seul mode possible de transport, atteint 2 fr. 25 à 2 fr, 50 par tonne kilométrique.

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