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publiée le 6 août, peut donner une idée, en même temps qu'elle précise les volontés de gouvernement du président du Conseil.

Après la dissolution de la Douma et le manifeste impérial qui annonce la volonté de l'empereur de réaliser des réformes, le gouvernement a jugé naturel d'adresser la proposition d'accepter des postes vacants dans le ministère aux hommes politiques qui avaient mis sur leur programme la réalisation des réformes par voie légale.

Le gouvernement croyait être assuré de former un cabinet avec le programme politique qu'il s'était imposé; mais cette combinaison se heurta à des obstacles qui ne dépendaient pas de la volonté du gouvernement et de celle de ces hommes politiques. Ces derniers voulaient composer un groupe qui devait entrer dans le cabinet, mais ils n'ont pas réussi.

M. Lvof et M. Goutchkof ont été reçus par l'empereur qui leur a donné une longue audience; mais ils ont annoncé qu'au point de vue des réfor mes ils seraient plus utiles dans la sphère de leur activité habituelle, qui exige de mobiliser toutes les forces sociales modérées. Quant aux intentions du gouvernement, elles restent immuables. Le gouvernement veut le rétablissement de l'ordre d'une façon formelle et énergique.

Possédant la force et les moyens suffisants afin d'atteindre ce but, le gouvernement s'y prépare avec la même fermeté et avec la même énergie, et il réalisera immédiatement dans les limites du droit des réformes prudentes qui doivent conduire la vie de la Russie dans des voies légales.

Enfin, le 9 août, un communiqué officieux a assuré que le ministère était constitué avec le prince Boris Wassilitchikof comme ministre de l'Agriculture, M. Filosofof comme ministre du Commerce et de l'Industrie, et M. P. Isvolsky, frère du ministre des Affaires étrangères et ministre adjoint de l'Instruction publique, comme procureur du Saint-Synode.

Le prince Wassilitchikof est un très riche propriétaire foncier ; comme maréchal de la noblesse du gouvernement de Novgorod, il était, dans le zemstvo, le leader des conservateurs. Le nouveau ministre appartenant à la grande aristocratie occupe une certaine place dans le parti de l'extrême droite qui reprend une grande influence auprès de l'empereur. Sa nomination a une portée considérable au point de vue agraire.

A l'intérieur on est malheureusement forcé de signaler encore des faits nombreux d'agitation dans les différentes provinces de l'Empire et la continuation des attentats contre les fonctionnaires de l'ordre administratif et de la police.

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Serbie. Le conflit austro-serbe. — Le président du Conseil serbe, M. Pachitch, a remporté, le 1er août, un succès parlementaire important. Après un débat de trois jours, dont une séance secrète et deux séances publiques, la Skoupchtina a voté à l'unanimité, moins six voix seulement, un ordre du jour approuvant l'attitude du gouvernement dans le conflit douanier avec l'Autriche-Hongrie. Au cours des débats, les ministres ont démontré comment la Serbie a été entraînée par la force des choses dans ce conflit. Il ne lui restait

plus d'autre issue. Elle ne pouvait songer à adopter les "canons de campagne Skod, à cause du jugement de sa commission d'artillerie. D'autre part, un traité de commerce sans la garantie que l'entrée des bestiaux ne sera pas à la merci des caprices des vétérinaires eût été sans aucune valeur pour la Serbie.

M. Pachitch croit pourtant qu'il sera possible de trouver une base pour de nouvelles négociations, si l'Autriche abandonne sa prétention à une commande de canons, et il a prié la Skoupchtina de laisser au gouvernement la responsabilité de la solution de cette importante question. Bref, les discours ministériels ont à la fois révélé le désir de montrer de la bonne volonté pour conclure un traité avec l'Autriche et la résignation aux sacrifices à faire au cas où il faudrait se passer de ce traité, tout en exprimant la confiance que celui-ci serait possible.

II. ASIE.

:

Les mesures contre la disette. M. Beau, gouverneur Indo-Chine. général de l'Indo-Chine, a adressé aux divers administrateurs une circulaire les invitant à rechercher les moyens les plus efficaces pour remédier à la disette qui se produit trop souvent en Indo-Chine, tantôt dans une province, tantôt dans une autre. M. Beau indique comme mesures préventives à étudier le rétablissement des greniers de réserve; un plan de travaux régionaux, d'importance secondaire, dont l'exécution serait réservée pour les périodes de famine; la fixation de la quotité et des conditions des prêts en argent à faire à l'époque de la famine; la fondation de sociétés mutuelles de prévoyance et la conclusion de marchés facultatifs pour la fourniture, à tout moment, du riz et des denrées vivrières indispensables en cas de disette. Le gouverneur laisse du reste aux administrateurs le soin de dire ce qu'ils pensent de tout cela ou ce qu'ils auraient à proposer en plus.

-Les sociétés secrètes en Cochinchine. On s'inquiète beaucoup, en Cochinchine, du développement de ce qu'on est convenu d'appeler « les sociétés secrètes ». Ces sociétés n'ont guère de secret que le nom de leurs adhérents. Ce sont purement et simplement des associations de brigandage, n'ayant guère d'ailleurs de but politique, mais utilisant parfois un certain fanatisme religieux. M. de LalandeCalan, gouverneur par intérim de Cochinchine en l'absence de M. Rodier, avait l'année dernière été chargé, comme directeur des bureaux, d'une enquête sur ces sociétés secrètes. Dans ces derniers temps, le tribunal de Bien-Hoa a dû s'en occuper et a prononcé neuf condamnations pour affiliation à ces sociétés.

A considérer la question pratiquement, le succès de celles-ci vient de l'augmentation du nombre des vagabonds, conséquence de la crise économique actuelle. Fait sans précédent, la Cochinchine vient

d'être éprouvée par deux années consécutives de mauvaises récoltes. La situation sera pénible pendant six mois encore, jusqu'à la prochaine récolte de riz; cette situation s'aggraverait singulièrement si la récolte était à nouveau mauvaise.

En ce qui concerne la répression du vagabondage, nous sommes désarmés. C'est un des inconvénients de la promulgation de notre Code civil. Aux termes du Code pénal, il n'y a pas vagabondage s'il n'y a pas défaut de domicile. Or, pour des raisons locales, il n'y a pas d'Annamites sans domicile.

En ce qui concerne le délit d'affiliation aux sociétés secrètes, le parquet de l'Indo-Chine s'était, jusqu'à ces derniers temps, cru désarmé; on a cependant fini par découvrir un texte qui permet les poursuites. Malheureusement la preuve est difficile, d'autant plus difficile que nous n'avons pas organisé une police des campagnes. Depuis trois années, la police fluviale rend de signalés services sur les fleuves et sur les arroyos, mais la police terrestre est inexistante depuis que nous avons enlevé aux notables des villages le droit de la faire. On ne voit d'ailleurs pas comment, sans dépenses excessives, cette police des campagnes pourrait être organisée. Dans les diverses branches de l'administration et des services publics, on ne peut demander à une colonie que des dépenses en rapport avec ses ressources générales.

Il n'y aurait qu'une solution, qui consisterait à rendre aux autorités communales, aux notables par conséquent, sous notre contrôle, la répression du vagabondage et du délit d'affiliation aux sociétés secrètes. Ils appliqueraient le Code annamite et non le Code civil français, à l'exception naturellement des peines corporelles.

Perse. Une assemblée nationale per sane. Le ministre de Perse à Paris a communiqué le 11 août, à la presse le télégramme suivant qu'il venait de recevoir de son gouvernement.

Dans sa sollicitude pour son peuple et soucieux du bonheur et de la sécurité de tous les habitants de Perse et afin de consolider la base gouvernementale de son pays, Sa Majesté le schah a pris la décision d'introduire des améliorations radicales dans toutes les administrations de l'Etat et en vue de réaliser ce but, Sa Majesté vient d'ordonner la constitution d'une assemblée nationale dont les membres seront désignés par voie d'élection parmi les princes, les membres du clergé et des classes supérieures, les négociants et autres corporations. Cette assemblée nationale se tiendra à Téhéran et aura à discuter sur toutes les affaires importantes de l'Etat; chaque membre exprimera en toute sécurité et librement son avis en ce qui concerne les améliorations et les besoins du pays. Les décisions seront portées par le grand vizir à la connaissance de Sa Majesté afin de recevoir par la sanction impériale, force de loi et d'entrer en vigueur. Le règlement de l'assemblée nationale va être rédigé par ses membres et soumis à la signature de Sa Majesté. Ces dispositions seront suivies immédiatement par l'ouverture officielle de l'assemblée et la mise en vigueur des lois fondamentales et de celles adoptées par les représentants du peuple.

En signe de reconnaissance pour notre magnanime, libéral et bien-aimé

souverain dans toute la Perse s'organisent des fêtes, les villes sont illuminées.

SADRAZAME.

Cet important manifeste, qui est de nature à faire époque dans l'histoire de la Perse, était prévu en quelque sorte. Dans une interview qu'Isaac Khan, ministre de Perse à Vienne, avait accordée quelques jours avant à un rédacteur de la Neue Freie Presse, il avait dit que le schah préparait cette grande réforme constitutionnelle et avait, à cet effet, mandé près de lui les ministres de Perse à Saint-Pétersbourg et à Berlin, pour les consulter sur les moyens d'organiser le système représentatif en Perse. Le désir du souverain d'agir à l'égard de son peuple dans le sens le plus libéral s'était tout récemment affirmé par le renvoi du grand vizir et l'élévation à ce poste de Muchir ed Daouleh, ministre des Affaires étrangères, dont les tendances progressistes étaient connues.

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Algérie. - A la frontière algéro-marocaine. Le gouvernement général d'Algérie a décidé le 5 août, sur le conseil de l'autorité militaire, d'interdire tout trafic commercial entre l'Algérie et le Maroc. On sait que ces échanges ont lieu principalement entre le marché algérien de Marnia et la place marocaine d'Oudjda. Les commerçants de Marnia, au nombre de cinquante, ont protesté par voie de pétition au gouverneur général. Le pacha d'Oudjda, par voie de représailles, a en effet donné l'ordre aux commerçants marocains de ne pas payer leurs créanciers de Marnia. Or, ceux-ci disent avoir pour un million au moins de créances sur le Maroc.

La mesure prise sur la proposition de l'autorité militaire était néanmoins rendue nécessaire par l'habitude fâcheuse qu'avait prise le représentanl du makhzen à Oudjda de ne donner suite à aucune des réclamations que lui soumettait l'autorité française. Depuis quatre ans, une seule de ces réclamations a été écoutée, et encore a-t-il fallu prendre une attitude très énergique. Mais la suspension des relations commerciales cessera aussitôt que satisfaction nous aura été donnée, et l'on estime que cela ne saurait tarder.

L'expédition de Taodeni. Le Temps a reçu de Adrar (oasis sahariennes) la lettre suivante en date du 12 juillet:

Les méharistes du colonel Laperrine viennent de rentrer de leur expédition à Taodeni. Ils se sont rencontrés avec d'autres méharistes venus de Tombouctou à Hassi-el-Guettara. C'est la seconde rencontre de ce genre qui a lieu. La première s'était produite à Timiaouine en 1904. Des rivalités existant alors au sujet des limites à assigner aux parcours des troupes algériennes et soudanaises, elle avait été assez froide: La question ayant été réglée, celle de cette année a été des plus cordiales. Un second itiné

raire, rejoignant ceux de Caillé et de Lentz, aura été ainsi tracé à travers le Sahara et ajoutera beaucoup à notre connaissance du pays.

Les méharistes des oasis sahariennes n'avaient encore pas fait une campagne aussi dure. A l'aller, le trajet entre Achourat et Taodeni a été très pénible à cause du manque de pâturage surune longueur de 200 kilomètres. Les bêtes sont arrivées exténuées. Heureusement la petite colonne a pu en acheter dix-neuf à Taodeni même. Au retour s'est ajouté à ce manque de pâturage la mauvaise qualité des eaux. Les puits de Taodeni sont salés. Le premier qu'on rencontre ensuite, El Biar, l'est aussi. Ces eaux ne désaltèrent pas et les hommes ont cruellement souffert de la soif. Au puits suivant, celui de Tuihaya, ç'a été bien pis. Les eaux ressemblaient exactement à de l'eau de savon; comme il n'y en avait pas d'autre, il a bien fallu en boire. Elles se sont trouvées un vrai poison. Tous les hommes sans exception ont enflé d'une façon monstrueuse. Et il leur a fallu plusieurs jours pour dégonfler et revenir à leurs proportions ordinaires. Deux d'entre eux sont restés gravement malades. Le colonel Laperrine pense que ces phénomènes tiennent à l'action que ces eaux exerceraient sur le cœur. Les savants pourront établir ce qu'il en est, car on en a rapporté trois bouteilles qui vont être envoyées à l'analyse à Alger.

Les mines de sel du Taodeni d'où s'exporte une grande partie du sel qui se consomme dans le Soudan ont beaucoup intéressé nos officiers. Les bancs de sel sont à 4 mètres sous terre. Les nègres déblayent cette terre par grands carrés et extraient ensuite le sel situé dessous.

M. Gautier, le savant professeur d'Alger, qui s'est consacré à l'étude du Sahara, frappé du fait que tous les oueds du Sahara central et que primitivement le Niger lui-même paraissaient se diriger vers Taodeni, avait émis l'hypothèse qu'il avait dù exister en cet endroit autrefois une petite mer intérieure, une sorte d'autre Tchad où se réunissaient les eaux de cette partie de l'Afrique. Les constatations faites par nos officiers ne sont pas favorables à cette hypothèse. S'il existe dans le Sahara une grande dépression, ce qui reste possible et même probable, ce n'est pas à Taodeni qu'il faut la chercher. Le fond où se trouvent les salines est de dimensions restreintes et nettement délimitées.

Maroc. L'anarchie au Maroc.

Le Temps a reçu de son correspondant de Tanger la dépêche suivante :

L'état d'anarchie dans la région de Tanger prend de graves proportions, et ses inconvénients commencent à se manifester dans toutes les branches de la vie économique du pays.

On sait que le makhzen a retiré dernièrement à Erraisouli la faculté d'intervenir comme caïd dans les formalités de vente ou d'achat de terrains situés dans la banlieue de Tanger.

Or, Erraissouli considère cette banlieue comme faisant partie de sa juridiction. Irrité par cette mesure du makhzen, qui lui supprime le plus gros de ses revenus, Erraissouli a fait prévenir les notaires et arpenteurs indigènes, dont la présence est nécessaire pour sanctionner la mutation de propriété d'un terrain, qu'ils seraient arrêtés et sévèrement châtiés s'ils exerçaient leurs fonctions au delà de l'enceinte de la ville.

Terrorisés par cette menace, ces fonctionnaires refusent d'exercer leur ministère lorsqu'ils en sont requis par les intéressés. En fait, le droit d'acheter ou de vendre des terrains est par conséquent momentanément supprimé, au "rand préjudice d'intérêts considérables.

Le point le plus grave de cette situation, c'est l'attitude des agents d'Er

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