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Nous n'en voulons donner qu'un exemple : En Allemagne, existe l'examen du volontariat. Cet examen, beaucoup moins difficile que le baccalauréat, donne droit à ne servir qu'une année sous les drapeaux. L'abiturium (baccalauréat) confère naturellement les mêmes avantages. Or, dans l'affaire du lycée de Thorn que personne n'a oubliée, étaient impliqués trois élèves de Première ; c'étaient Léon Borowski, Franz Wezierski, Félix Lidowski.

Ils avaient passé leurs examens avant le procès. On les condamna à différentes peines de prison, et on ne leur délivra pas leur diplôme de bachelier, bien qu'ils eussent été reçus aux épreuves écrites et orales. Défense leur était faite d'entrer dans un autre lycée. Ils allèrent donc à Lemberg, où ils repassèrent encore une fois les examens du baccalauréat. Quand ils revinrent dans leurs familles, les gendarmes prussiens les arrêtèrent, les conduisirent en prison pour y purger leurs différentes peines. Ils furent ensuite directement livrés aux autorités militaires. On leur apprit en effet que le droit de ne servir qu'un an comme dispensés leur était refusé. Ceci se passait à la fin de juillet 1902.

Ce sont encore ces ultras qui poussent les instituteurs allemands à enseigner l'allemand aux jeunes Polonais avec une brutalité révoltante. Cette brutalité avait pris de telles proportions, que le gouvernement crut devoir publier, en août 1902, à Königsberg, une circulaire qui est un véritable aveu. Nous donnons intégralement les principaux passages de ce document officiel tels que les journaux allemands les ont reproduits :

Le ministère de l'Enseignement a, dans un cas spécial, autorisé que les instituteurs fussent défendus contre de fausses accusations relatives au droit de correction qu'ils auraient transgressé; il a permis d'intenter des poursuites judiciaires contre les accusateurs; mais il a également fait remarquer que les instituteurs devaient s'abstenir formellement de corriger leurs élèves pour connaissance insuffisante de la langue allemande, surtout lorsque cette langue n'est pas la langue maternelle de ces élèves. De même ce n'est pas une raison, parce que les enfants refusent de se laisser frapper, pour en conclure immédiatement qu'ils se mutinent et pour les punir de ce fait.

Les inspecteurs étaient invités à veiller à ce que des excès ne fussent plus commis.

Cette circulaire, est, un aveu que l'histoire retiendra.

Ce sont encore ces mêmes prétendus patriotes qui ont fait voter, il y a deux ans, au Landtag prussien cette loi monstrueuse qui interdit aux Polonais de bâtir de nouvelles maisons d'habitation sur leurs propres terres.

Ce sont eux encore qui tiennent la main à ce que cette loi si

dure soit appliquée avec la dernière rigueur, ainsi que le prouve l'incident de Pschow du 10 août dernier : Un vieux Polonais avait acheté quelques ares de terre et voulait y bâtir une maisonnette. Les autorités prussiennes lui ayant rappelé qu'aux termes de la loi il n'en avait pas le droit, le vieillard éleva une simple grange où il mit un poêle. La gendarmerie envoya aussitôt un agent accompagné d'un maçon, pour démolir ce poêle qui transformait la grange en habitation. Le Polonais, fou de colère, tua le gendarme d'un coup de fusil et se suicida.

Et pourtant ces ultras eux-mêmes sont obligés d'avouer la banqueroute de la politique prussienne en Pologne. C'est ainsi que les Dernières nouvelles de Munich écrivaient, le 19 juillet 1906, les lignes suivantes qui résument si bien nos constatations et nos recherches personnelles :

<< Dans l'état actuel des choses, nous ne faisons pas de nos <«< sujets polonais des Allemands en répandant sur eux les « bienfaits de la civilisation allemande. Tout ce qu'ils sont << maintenant au point de vue intellectuel, économique et poli«< tique, ils le doivent dans nos provinces de l'Est à la civili<«<sation allemande qui a transformé des nobles endettés en <«< riches propriétaires fonciers et une foule d'ilotes en petits «paysans et en ouvriers. C'est elle aussi qui a créé en Po

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logne une classe moyenne de marchands, d'artisans, de << médecins et d'hommes de loi. Ajoutez à cela que des sources inépuisables d'une fécondité merveilleuse a jailli un torrent polonais qui, franchissant ses limites primitives, traverse les « pays de race allemande et s'y arrête. Partout où se trouve «<le Polonais, que ce soit dans les provinces de l'Est, ou bien <«< dans les nouveaux territoires qu'il occupe, dans les pays rhénans, en Westphalie, dans le Hanovre, en Saxe, dans le Schleswig-Holstein, il s'unit étroitement aux gens de sa race «<et se sépare systématiquement de tout ce qui est allemand. (( II passe même souvent à l'attaque en mettant à l'index les << magasins, les brasseries et les ouvriers allemands. Les « choses se passent donc en réalité tout autrement qu'on ne « l'avait pensé : la force conquérante de la civilisation alle«mande dans cette question polonaise a été ou bien nulle « ou bien a fortifié les Polonais. »

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On avoue donc sans ambages la banqueroute de la politique prussienne en Pologne; nous verrons dans un prochain article sur la Commission de colonisation combien cette politique a déjà coûté de centaines de millions.

RENÉ MOREUX.

I

DAKAR, BIZERTE ET LES PORTS DE COMMERCE FRANÇAIS

Dans les notes qui vont suivre, nous nous proposons de dire en quelques lignes l'état dans lequel se trouvent les différents ports français capables, en temps de guerre, de rendre service à nos bâtiments de combat.

Dans tout ce qui va suivre, il n'y a rien qui ne puisse être aisément contrôlé à l'aide des documents faciles à se procurer dans le commerce et que possèdent tous les bâtiments qui naviguent cartes des ports, annuaire des marées des côtes de France, livre des docks et bassins : tous documents provenant du service hydrographique et vendus dans toutes les villes littorales aussi bien qu'à Paris.

Les ports sont les serviteurs des bâtiments; ils doivent toujours être à leur disposition; ils n'ont de raison d'être que par eux. Or la France, contrairement à la logique, contrairement à ce qui se passe à l'étranger, construit les paquebots pour les ports et non les ports pour les paquebots. Mais encore y a-t-il corrélation entre le contenant et le contenu. Quelle que soit la raison du fait, nos transatlantiques peuvent au moins pénétrer dans nos grands ports de commerce; on imagine même difficilement qu'il en puisse être autrement. Cependant, si bizarre que cela paraisse, c'est la situation dans laquelle se trouvent nos navires de combat récents.

Nous ne voudrions pas trop multiplier les chiffres; cependant afin de ne pas rester dans de trop vagues généralités, nous serons dans l'obligation d'en citer quelques-uns pour mettre nettement en lumière les conditions défectueuses dans lesquelles se trouve notre flotte de guerre.

Il va de soi que les arsenaux sont faits pour ravitailler et réparer le plus rapidement possible et en sécurité les bâtiments de combat. En temps de paix le ravitaillement peut s'opérer à la rigueur en tous lieux. Mais lorsqu'il s'agit d'être prêt à heure dite et si des attaques sont à craindre, il n'en va plus de même, et le ravitaillement ne peut s'opérer qu'en une rade accessible en tous temps et à l'abri, aussi bien des vues de l'ennemi que des coups de vent.

Or les bâtiments, comme tous les volumes, ont trois dimensions: la longueur, la largeur et le tirant d'eau. D'où il ressort que les chemins d'accès aux quais d'accostage et les cales sèches doivent remplir trois conditions pour convenir aux bâtiments. Les chemins d'accès doivent avoir la largeur et la profondeur voulues; quant aux bassins à flot et cales sèches, ils doivent être nécessairement plus grands en tous sens que les navires pour lesquels ils devraient être faits.

Les guerres sont actuellement trop courtes et la durée de construction d'un cuirassé est trop longue pour que l'on songe à construire un navire pendant les hostilités. On se contentera de réparer les avaries subies. Or, nos bâtiments sont pour la plupart construits par l'industrie, ce qui nous amène à considérer les ports de commerce comme des ports militaires annexes, nos ports de guerre devant être des points d'appui de la flotte, des centres d'action par excellence. Cependant on construit dans les chantiers de l'Etat; nos ports militaires peuvent donc être, soit des points d'appui, soit des ports de construction et de réparation, soit l'un et l'autre. Brest, Toulon, Cherbourg, Bizerte et Dakar peuvent être des ports de construction, mais ils sont en première ligne des points d'appui. Lorient, Dunkerque, Alger, Rochefort ne peuvent être appelés que ports de petites réparations, puisque nos bâtiments ne pourront s'y rendre en temps de guerre faute d'y trouver un abri, ou, s'ils en trouvaient un comme à Lorient, ils ne seraient plus maîtres d'en sortir à leur volonté du fait de la marée qui, deux fois par jour, ferme le chenal d'accès à la haute mer.

Nous allons étudier rapidement chacun de nos ports au point de vue des services qu'ils pourront rendre en temps de guerre à des bâtiments qui doivent toujours être prêts au combat et qui auront un besoin très urgent de passer en cale sèche pour réparer des avaries; qui auront à faire le plein de leurs soutes à charbon et à projectiles. Nos marins doivent aussi pouvoir se reposer sans soucis des attaques de l'ennemi; pour cela, de vastes rades fermées sont indispensables. Mais il ne faut pas que ces rades soient si hermétiquement closes aux torpilleurs et sous-marins ennemis que nos bâtiments n'en puissent sortir à leur volonté. Le mouvement est une des principales qualités militaires, et le bâtiment dans l'impossibilité d'agir au moment propice perd une grande partie de sa valeur.

DAKAR

La rade de Dakar, toujours accessible aux bâtiments à quelque heure de marée que ce soit, est la plus belle position

maritime de toute la côte ouest d'Afrique. A mi-distance entre la Manche et Rio-de-Janeiro, adossée à un énorme pays qui produit et doit produire de plus en plus des denrées de toute espèce à exporter, cette rade devrait être déjà, mais le deviendra, la relâche obligatoire de tous les vapeurs qui circulent entre l'Europe et l'Amérique du Sud ou l'Afrique du Sud. Les seules conditions à remplir pour que ce desideratum devienne une réalité sont: assurer au commerce un peu de liberté et fournir du fret aux bâtiments.

Donner un peu de liberté au commerce, ne pas écraser de droits trop lourds les objets de toute espèce qui paraissent sur les quais, faciliter tous les mouvements de bâtiments, c'est affaire du gouvernement. Les hommes qui détiennent l'autorité doivent s'inspirer des exemples que nous offrent certains ports étrangers qui, grâce à la franchise, sont parvenus en peu de temps à un degré de prospérité remarquable, assurant ainsi un gagne pain à un grand nombre de travailleurs. Sans aller chercher les exemples étrangers de Hambourg ou de Copenhague, le port d'Alger nous montre comment on peut détourner à son profit un courant commercial. Tous les vapeurs qui, venant du nord de l'Europe, se dirigeaient vers l'Est méditerranéen, charbonnaient anciennement à Gibraltar. Actuellement, la plus grande partie de ces vapeurs charbonnent à Alger. Cet heureux résultat a été acquis grâce aux facilités données aux bâtiments, qui, par ailleurs, trouvant à Alger des ressources et du fret que ne pouvait leur fournir le célèbre rocher anglais, ont préféré relâcher là plutôt qu'ici 1.

Les navires qui relâchent à Dakar ne sont pas assurés de trouver en tout temps quelques tonnes à charger. La grosse exportation actuelle du Sénégal est l'amande d'arachides, nécessaire à la fabrication des huiles ordinaires employées en si grande quantité dans l'industrie. Cette exportation ne dure que quelques semaines, et son centre est Rufisque, petite ville commerciale située à quelques kilomètres de Dakar, sur la voie ferrée de Dakar à Saint-Louis. C'est à Rufisque que se rendent directement les vapeurs qui, pendant la saison, vont charger l'arachide. Dakar ne reçoit pas leur visite, et il n'y a pas lieu

1 Voici quelques chiffres indiquant la marche comparative du trafic des charbonnages à Alger et à Gibraltar:

Gibraltar

Alger

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