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aux îles Sous-le-Vent un bateau de guerre et la compagnie d'infanterie de marine qui tenait garnison à Tahiti. Quelques volontaires tahitiens partirent également.

Nous ne ferons pas ici l'historique de cette expédition qui ne fut marquée par aucun fait bien saillant. Grâce à notre attitude énergique et à l'intervention du consul britannique luimême qui, très loyalement, désavoua les rebelles, cette campagne se termina sinon sans coup férir, du moins sans trop grande effusion de sang de part et d'autre. Teraupoo et ses principaux lieutenants, faits prisonniers, furent exilés aux îles Marquises et virent tous leurs biens confisqués. Ils furent d'ailleurs graciés, en 1903, par M. le gouverneur Petit, et rentrèrent dans leurs foyers où ils vivent maintenant tranquilles et retirés, ayant acquis la certitude qu'ils n'ont été qu'un instrument entre les mains de quelques ambitieux qui, plus rusés, surent échapper à tout châtiment.

Cette démonstration belliqueuse eut pour conséquences heureuses d'assurer notre domination, de la consolider et d'enlever à tout jamais, il faut l'espérer, aux indigènes trop crédules l'idée qu'un jour ou l'autre ils pourraient se révolter contre notre légitime autorité.

Depuis 1888 et jusqu'à l'époque de l'insurrection, l'organisation administrative indigène avec ses lois était restée en vigueur; aucun changement n'y avait été apporté, sauf que les Européens habitant l'archipel ne relevaient plus, au point de vue judiciaire, que de l'administrateur qui cumulait les fonctions de juge de paix.

Il parut utile de doter nos nouveaux sujets d'un Code qui, sans altérer la base de la législation en usage, se rapprochât davantage des lois françaises. D'accord avec les principaux chefs du pays, en collaboration avec eux, l'administrateur rédigea et fit signer par les autorités indigènes les « Lois codifiées des îles Sous-le-Vent >> qui furent soumises en dernier ressort à la haute approbation du chef de la colonie, lequel y donna son adhésion.

Le rédacteur de ce Code, dont la lecture ferait certainement sourire nos étudiants en droit de première année, s'était efforcé d'en mettre tous les termes à la portée des intelligences rudimentaires des magistrats indigènes chargés de l'appliquer. Cela était nécessaire, surtout pour en faciliter la traduction aussi claire que possible dans l'idiome maori, très pauvre et dont un

mot présente la plupart du temps une double signification. Mais ce que le législateur avait oublié dans sa rédaction, c'était de prévoir comment devenait exécutoire le jugement prononcé en dernier ressort, principalement en matière d'amende. Tout avait été prévu, sauf cela; de sorte qu'un justiciable condamné à l'amende, s'il déclarait ne pouvoir payer, cas fréquent, était tout simplement déclaré dettier envers l'Etat, mis en prison, astreint aux travaux de route pendant un laps de temps, par Journées calculées jusqu'à concurrence de la somme dont il était débiteur. Mais il faut bien dire qu'aucun texte ne l'y forçait, et que s'il était aussi empressé à se soumettre, c'est qu'il y trouvait son profit. En effet, cette façon d'opérer lui permettait non seulement de se libérer aisément de sa dette, mais encore, avantage qu'apprécient beaucoup les indigènes, de se faire nourrir aux frais du gouvernement pendant sa détention volontaire.

à

Cette lacune fut enfin comblée en 1905. Grâce à l'un des derniers articles des lois codifiées qui permettait au gouverneur de modifier ces lois par des arrêtés, de façon à les rendre peu peu plus conformes à nos lois françaises, l'exécution des jugements rendus par les tribunaux indigènes fut définie, telle que la saisie, etc., etc.

Le moment était d'ailleurs bien choisi pour qu'une telle sanction fût vraiment efficace. L'attribution des terres dont l'examen se poursuivait depuis l'année 1898 touchait à sa fin; les Commissions instituées par le décret de la même année allaient terminer leurs travaux qu'avec une sage lenteur elles avaient mis huit ans à mener à bien. L'administration commençait déjà à délivrer les certificats de propriété, ce qui lui permettait, en matière civile, de pratiquer en toute sécurité la saisie immobilière. Quant à la saisie mobilière, il n'y fallait pas songer; les cases indigènes ne sont pas meublées ou rarement; ni lit, ni table, ni chaise; la natte et le parquet de la case remplacent tout cela. La civilisation européenne ne se manifeste que par la présence d'une machine à coudre et encore ne peut-on la saisir, puisqu'elle est pour la femme un instrument de travail.

Examinons maintenant l'organisation judiciaire indigène telle qu'elle fonctionne encore à l'heure actuelle.

Sur cette question, il y a beaucoup à dire. Le recrutement des juges est véritablement déplorable et se fait en dépit de tout bon sens. On croira peut-être que ces magistrats indigènes

appelés à juger leurs compatriotes sont des hommes préparés à leurs fonctions par des aptitudes spéciales. Ce serait une grave erreur. Les juges sont aussi ignorants de la loi que les justiciables eux-mêmes, et fait beaucoup plus grave, l'équité dont ils font généralement preuve n'est rien moins que problématique.

Les tribunaux indigènes sont ainsi répartis un tribunal de premier ressort à un seul juge dans chaque arrondissement; dans chaque île, une cour d'appel composée de trois juges appelés Toohitu, en dernier ressort. C'est tout.

Les motifs du jugement sont rarement rédigés. Le juge possède un registre sur lequel il fait tout simplement mention que l'accusé a été condamné soit à la prison, soit à l'amende.

C'est ce qu'on peut appeler la justice expéditive. Quant aux arguments présentés par l'accusé pour sa défense, ils n'ont de réelle valeur que s'ils ont au préalable été agrémentés d'un présent qui permet de faire pencher la balance en sa faveur, sans que la question de droit, aussi évidente qu'elle puisse paraître, fasse reculer d'un pas le peu scrupuleux magistrat qui rend son arrêt dans toute la sérénité d'une conscience irréprochable.

Poussons plus avant nos investigations et voyons comment sont appliquées les sanctions prévues.

Nous nous trouvions un jour en tournée administrative dans une des îles de l'archipel. C'était samedi, jour habituel des audiences de justice, et nous eûmes la curiosité d'y assister. L'auditoire était assez nombreux; le cas qui avait attiré le public était banal en lui-même. Une jeune femme se tenait debout, humble devant ses juges. Elle était accusée d'un vol de bague qu'elle avait restituée à son propriétaire. Après un assez long interrogatoire, le président admonesta l'accusée pendant un bon quart d'heure. Puis le silence régna; les trois magistrats se consultaient sur l'application de la peine. Enfin, le président prit la parole et prononça son jugement en s'inspirant, bien entendu, de l'article qui visait le cas de l'accusée. Cet article disait en substance:

Quiconque aura été convaincu de vol sera condamné à une peine de six mois à cinq ans de prison. » Il n'y avait pas de commentaires à ce texte.

A notre grande stupéfaction, nous apprenons que l'inculpée venait d'être condamnée à cinq ans de prison!

C'était la dernière affaire et l'audience était levée.

Nous prévenons les juges de notre désir de les entretenir un instant, et aussitôt nous sollicitons des explications sur l'étrange

jugement qui venait d'être rendu et qui nous semblait bien. sévère, étant donné le délit. C'est alors que nous avons appris que, d'usage constant, nos magistrats indigènes appliquaient soit le minimum, soit le maximum de la peine prévue au texte de la loi. Dans leur pensée et ils étaient de bonne foi-la loi disait «Quiconque sera convaincu de vol sera condamné à six mois ou à cinq ans de prison.

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Personne, depuis six ans qu'ils rendaient des jugements de ce genre, n'était venu les tirer de leur erreur.

Après nos explications et nos conseils, ils firent une application plus équitable d'une loi dont l'esprit leur échappait complètement.

Usant d'un droit prévu aux lois codifiées, nous fîmes casser le jugement inique auquel nous avions assisté, et la pauvre femme qui en faisait l'objet fut renvoyée devant un autre tribunal mieux éclairé.

Nous avons tenu à raconter cette anecdote pour mieux prouver le peu de consistance d'une telle organisation qui ne peut que porter le trouble dans les esprits déjà si méfiants des autochtones.

Ce ne sont pas les seuls inconvénients du régime.

Les îles Sous-le-Vent ne sont éloignées de Tahiti que de 120 milles; leurs habitants ont même origine, mêmes mœurs et même langage que les habitants de Tahiti; beaucoup de familles sont apparentées à des familles tahitiennes; enfin les Tahitiens eux-mêmes qui y demeurent sont assez nombreux.

Voici donc des individus de même race et quelquefois de même sang qui ne vivent pas sous le même régime et ne sont pas justiciables des mêmes tribunaux; le Tahitien est citoyen français, il est électeur; il est soumis aux lois françaises; l'autre n'est qu'un simple sujet qui relève de lois indigènes compliquées d'une législation métropolitaine fort incomplète appliquée par des magistrats prévaricateurs n'ayant aucun autre souci que leur propre intérêt. Plus encore que cela. Qu'un délit, qu'un vol soit commis par un indigène au détriment d'un Tahitien, ce ne sont plus les tribunaux indigènes qui sont saisis, mais les tribunaux français. En effet, l'organisation de la justice française aux îles Sous-le-Vent a été réglée par un décret du 17 septembre 1897, promulgué dans la colonie par arrêté du 15 décembre de la même année. Ce décret, qui, en principe, n'est applicable qu'aux Européens ou assimilés - les Tahitiens sont des assimilés comporte dans un de ses articles que toute contestation entre Européen ou assimilé et indigène sera réglée par le tribunal de paix des îles Sous-le-Vent. Voilà donc l'indi

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