Images de page
PDF
ePub

RENSEIGNEMENTS POLITIQUES

I. EUROPE.

France. Le mouvement diplomatique. Le mouvement diplomatique tant de fois annoncé comme imminent va se décomposer en plusieurs mouvements successifs. Un seul de ces mouvements est actuellement décidé. Il porte sur une ambassade et quatre légations. Les gouvernements intéressés n'ont pas encore répondu aux demandes d'agrément qui leur ont été adressées. Sous cette réserve, qui, en l'espèce est de pure forme, les désignations sont les sui

vantes :

L'ambassade de Tokio, donnée, lors de sa création, à M. Raindre, ambassadeur à Berne, qui, nous l'avons dit, va quitter la carrière pour devenir président de la Banque russo-chinoise, sera confiée à M. Auguste Gérard, ministre à Bruxelles, dont le nom avait d'abord été écarté par un des membres du cabinet.

M. Gérard sera remplacé à Bruxelles par le comte d'Ormesson, ministre à Athènes.

M. de La Boulinière, chargé de l'agence et consulat général de France en Egypte, est nommé ministre à Athènes.

M. Klobukowski ministre à Lima, remplace M. de La Boulinière au Caire,

Enfin M. Merlou ancien député, ancien ministre des Finances, est nommé ministre à Lima.

Aucune désignation ni proposition officieuse n'est encore décidée pour les ambassades de Vienne et de Berlin.

ment.

[ocr errors]

Allemagne. - Un article du professeur Schiemann sur le désarmeDans une de ses dernières chroniques hebdomadaires de la Gazette de la Croix, le professeur Th. Schiemann s'est occupé de la question du désarmement ou plutôt de la réduction des armements. Voici les principaux passages de son article :

L'Allemagne ne saurait accepter des conseils étrangers sur ce qu'elle doit faire ou ne pas faire. Que les autres nations fassent leur bonheur politique à leur façon. Si elles souffrent du fardeau du militarisme, elles sont libres de le secouer. En ce qui nous concerne, l'obligation au service militaire constitue un grand instrument national d'éducation, une école dont personne ne saurait s'absenter, et qui donne à chacun la bénédiction qui résulte d'une période de temps où le devoir a été strictement rempli, et qui est faite de discipline physique et mentale. Mais nous reconnaissons que c'est là une conception allemande, qui peut ne pas convenir à d'au

tres nations. Toutes les nations d'Europe l'ont essayée, mais aucune d'elles n'en a fait la chair de sa chair. La révolution russe a montré que, sur un sol slave, le service universel peut devenir un danger pour l'Etat, et dans les pays latins, particulièrement en France, la conscience nationale lutte ardemment contre elle, tandis qu'en Angleterre on n'en veut pas entendre parler. Nous considérons qu'il n'est pas impossible que dans ces Etats l'armée professionnelle revienne en usage. Pourquoi pas? La Russie en deviendrait plus forte, et en France le chauvinisme, dont la nation souffre perdrait du terrain.

Ce que nous avons dit de notre armée s'applique aussi à notre marine. Ceux qui jugent qu'une flotte de guerre allemande est une anomalie oublient que, jusqu'au début du xvi siècle, le pavillon allemand faisait la loi sur les mers. Nous ne faisons donc que revenir à nos anciennes traditions.

Nos pensers politiques sont trop façonnés sur des principes historiques et philosophiques pour nous permettre de croire au rêve d'une paix perpétuelle. Les nations qui établissent leur avenir sur cette utopie ont abdiqué en tant que facteur historique indépendant, et sont destinées à devenir non seulement la proie des peuples mieux avisés, mais également à être livrées sans défense aux expériences des réformateurs socialistes.

Et c'est là la plus terrible des possibilités. Un gouvernement bien intentionné sans être fort ne peut pas remplir son devoir supérieur de défendre la bonne cause, et en laissant l'épée s'échapper de ses mains, il se livre, lui et les siens, à la bombe.

Le professeur Schiemann terminait son article en donnant une interprétation digne d'attention quand on sait les liens d'intimité qui l'unissent à l'empereur Guillaume II, du discours de ce dernier contre le pessimisme. Il montrait que l'Allemagne a moins de raisons que les autres pays de s'inquiéter. En effet, les puissances européennes qui ont des colonies en Afrique et en Asie perdront ces dernières. La Russie et la France auront peine à maintenir leur protectorat en Extrême-Orient. L'Angleterre, dans une ou deux générations, ne rira plus à la nouvelle du couronnement d'un Hindou comme souverain des Indes. Dans l'Afrique du Sud, les Boers remplaceront les Anglais. Il n'est pas jusqu'aux États-Unis où l'élément anglo-saxon sera absorbé et annihilé par un autre élément (naturellement allemand, bien que l'auteur ne le précise pas). Enfin, dans les Balkans, des changements sont imminents, mais n'auront lieu qu'accompagnés d'une lutte acharnée.

Ces prophéties du professeur Schiemann sont intéressantes à noter lorsqu'on songe, comme nous venons de le rappeler, que l'empereur Guillaume II aime à causer fréquemment avec lui et l'invilait encore à sa dernière croisière en Norvège.

-La question de Brunswick. - Le Conseil de Régence de Brunswick ayant, comme nous l'indiquions dans notre dernière livraison, communiqué au prince de Bülow la résolution votée par la Diète brunswickoise, le 25 septembre dernier, le prince de Bülow a répondu à cette communication qu'il regrettait de ne pouvoir demander au Conseil fédéral de revenir sur sa decision de 1885, laquelle décla

rait une prise de possession du trône de Brunswick par le duc de Cumberland, incompatible avec les traités fédéraux et la constitution de l'Empire.

Le prince a déclaré faire cette réponse en sa double qualité de chancelier et de ministre des Affaires étrangères de Prusse. Comme chancelier, il a exposé que, lié par la décision en vigueur du Conseil fédéral, il a le regret de ne pouvoir rien faire pour en provoquer la suppression. Comme président du Conseil et ministre des Affaires étrangères de Prusse, il a fait remarquer qu'aucune modification n'est survenue dans l'attitude du duc de Cumberland envers la Prusse, qui explique la déclaration d'incompatibilité du Conseil fédéral. La Prusse devrait donc refuser son approbation à toute décision différente et elle ne pourrait non plus demander au Conseil fédéral de faciliter dans un Etat voisin l'établissement d'un gouvernement guelfe qui serait une menace pour ses possessions territoriales garanties par la Constitution de l'Empire.

La Prusse se déclare aussi hors d'état de prendre l'initiative d'aucune démarche qui aurait pour but de modifier les rapports du duc et de la Prusse qui sont caractérisés par la décision du Conseil fédéral.

Italie. Les rapports austro-italiens et le voyage de M. Tschirschky. - Une note officieuse, communiquée aux journaux italiens, annonce que « le ministre des Affaires étrangères de la monarchie austrohongroise a exprimé à l'ambassadeur italien de Vienne les regrets. du gouvernement royal de Hongrie et aussi ses propres regrets pour les dommages soufferts par des sujets italiens à Sussak, et l'a assuré que l'autorité judiciaire est en train de procéder à la punition des coupables selon les lois de l'Etat ». Ainsi se trouve terminé, à la satisfaction du point de vue italien, cet incident regrettable qui avait si vivement surexcité l'opinion publique en Italie, et auquel certains journaux avaient même donné une importance qui dépassait évidemment la réalité des faits. Nous avons déjà dit, il y a quelques jours, qu'il ne fallait pas s'émouvoir outre mesure de ces crises périodiques de fièvre austro-italienne qui se traduisent toujours en fin de compte par un plus étroit resserrement des liens de la Triple Alliance. La prochaine visite du ministre allemand des Affaires étrangères à Vienne, puis à Rome, montre que cette fois encore l'Allemagne va s'efforcer de tirer les meilleurs fruits d'une réconciliation, à laquelle elle n'est certes pas restée étrangère. La coïncidence de l'annonce du voyage de M. de Tschirschky avec la publication de la note officieuse italienne suffirait pour prouver l'intervention du gouvernement de Berlin en cette affaire.

Il est évident, en effet, que M. de Tschirschky ne se rencontrera pas à Vienne avec le comte Goluchowski et à Rome avec M. Tittoni, sans qu'il soit question, entre eux, de l'orientation actuelle de la politique internationale et de la situation respective des trois alliés, en présence des complications européennes éventuelles, et la con

clusion de cet échange de réflexions sera certainement que l'Autriche et l'Italie ont besoin de la paix, et que seule la Triplice peut leur assurer cette sécurité pacifique.

La Triple-Alliance n'est pas encore prête à se rompre.

Crète. L'investiture de M. Zaimis.

La cérémonie d'investiture de M. Zaïmis a eu lieu le 29 septembre à Athènes, en présence du prince héritier de Grèce régent pendant l'absence du roi Georges, de M. Théotokis, président du Conseil des ministres hellène, et des représentants des quatre puissances protectrices de la Crète.

Le ministre de la Grande-Bretagne a lu la dernière note des puissances concernant le gouverneur de la Crète. Le prince héritier, au nom du roi de Grèce, a déclaré nommer M. Zaïmis haut commissaire de la Crète. Les représentants des puissances ont accepté et confirmé la nomination. Ils ont ensuite félicité M. Zaïmis, qui est parti le lendemain à bord d'un cuirassé grec pour Milo. Là, il s'est embarqué sur un navire de guerre anglais qui l'a conduit à la Canée.

A Constantinople, les représentants des quatre puissances protectrices se sont réunis à l'ambassade de Russie et ont rédigé une note qui a été présentée à la Porte. Ils notifient dans cette note la nomination de M. Zaïmis au poste de haut commissaire en Crète.

Portugal.

L'ouverture des Cortès. Le roi Carlos a ouvert le 29 septembre les nouvelles Cortès. Le message de la couronne constate les excellents rapports du Portugal avec les autres puissances. Il annonce de nombreux projets de caractère intérieur qui seront présentés par tous les ministères.

Russie. Le rapport financier de M. Kokovtzof. Le journal le Temps a publié, le 4 octobre, le texte d'un rapport confidentiel adressé le 18 septembre par M. Kokovtzof, ministre des Finances, à M. Stolypine, président du Conseil, sur l'état présent des finances russes. Dans ce document, M. Kokovtzof constatait que, malgré les dispositions exceptionnelles prises cette année en vue d'assurer l'équilibre budgétaire, on se trouve actuellement en présence d'un déficit de 155 millions de roubles motivé, surtout par les dépenses de la Guerre et de la Marine. Cette publication a naturellement produit en France, et généralement en Europe, une vive émotion. Aussi, dès le lendemain, diverses notes officieuses ont été communiquées à la presse pour rassurer l'opinion et remettre les choses au point.

Le Congrès des Constitutionnels-Démocrates. Le parti constitutionnel-démocrate s'est réuni en Congrès le 7 octobre à Helsingfors, sous la présidence du prince Dolgoroukof.

Après une importante discussion, l'assemblée désavouant en partie le Manifeste révolutionnaire de Viborg, auquel la majorité de ses membres avaient adhéré sous le coup de l'émotion violente produite par la dissolution de la Douma, s'est prononcée pour une politique modérée, libérale et constitutionnelle.

QUEST. DIPL. ET COL. -T. XXII.

33

II. AFRIQUE.

Maroc. L'insécurité marocaine. Le 27 septembre, un Français, M. Lassallas, agent de la Compagnie Marocaine à Marakech, a été l'objet d'un attentat à la campagne, sur le territoire de la tribu de Tekna, situé dans les environs de la ville, M. Lassallas a été sérieusement blessé d'un coup de fusil tiré par des soldats du caïd de Tekna, sans aucune provocation, près du marabout de Ben-Haoul. Le gardien de ce marabout, nommé El Mahjoub, accompagnait notre compatriote pendant son excursion. Il est avéré que cet attentat avait été commis avec préméditation et avait été suivi d'agissements des plus répréhensibles de la part du caïd de Tekna. Ce dernier, en effet, ne consentit à laisser partir M. Lassallas pour Marakech, où il avait hâte de se rendre pour s'y faire soigner, qu'après l'avoir contraint à déclarer devant les notables indigènes que les coups de fusil étaient partis de l'endroit où logeait notre compatriote avec sa suite, et non du territoire du caïd. Il obligea ensuite M. Lassallas à confirmer cette déclaration par écrit de sa main, mais le blessé, écrivant en français, fit naturellement une déclaration contraire à ce que désirait le caïd. Des indigènes de l'entourage du caïd ont dit que cet attentat était dirigé contre M. Nier, agent consulaire allemand à Marakech, avec lequel le caïd aurait un différend; mais cette explication est inadmissible, car le signalement de M. Lassallas diffère complètement de celui de M. Nier. Toutefois les autorités marocaines ont jusqu'ici refusé de prendre aucune mesure contre les agresseurs de M. Lassallas.

D'autre part, deux jours après cet incident, M. Holtze, directeur de la poste allemande à Marakech, était également l'objet d'un attentat analogue de la part de musulmans qui se trouvaient près de la petite mosquée où est enterré le fils du fameux sorcier Ma-el-Aïnin. Au moment où M. Holtze, accompagné d'un employé également allemand, passait devant la mosquée, les sectaires du marabout se jetèrent sur lui et l'un d'eux sortit son poignard pour le frapper. Aucun des passants ne songea à intervenir, et il ne put s'échapper que grâce à l'arrivée d'un musulman de Fez qui s'interposa entre eux. M. Holtze ne put poursuivre sa route qu'à la condition de se déchausser pour passer devant le sanctuaire. Plainte a été portée auprès de la légation d'Allemagne. Deux des agresseurs ont été arrêtés sur l'ordre de Moulaï Hafid.

Enfin, le 6 octobre, le Dr Mauchamp, médecin du dispensaire français, passant dans la rue qui sépare Médina de la Kasbah, à Marakech, a été attaqué par un groupe de six hommes. L'un d'eux le mit en joue. Notre compatriote parvint à se dégager en menaçant les fanatiques de son revolver. Ils s'éloignèrent alors, en disant que ce n'était qu'un jeu de leur part. Des observations furent présentées au gouverneur, qui répondit avoir reçu de Fez l'ordre de laisser faire aux hôtes du Makhzen tout ce qui leur plairait.

« PrécédentContinuer »