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Algérie. La session du conseil supérieur. Le conseil supérieur du gouvernement a tenu sa séance annuelle au Palais d'Hiver d'Alger, du 18 au 26 juin. Le premier jour, le gouverneur général, M. Jonnart, a prononcé, un important discours qui traitait particulièrement du budget spécial de l'Algérie.

L'institution du budget spécial, a-t-il dit, a consacré le régime de décentralisation qui, par des décrets successifs, fut substitué au système des rattachements. Le premier avantage était de garantir à l'Algérie l'utilisation à son profit de la totalité de ses recettes.

Aussi, 1o en cinq ans plus de 30 millions d'excédents budgétaires, auparavant absorbés par le Trésor métropolitain, alimentèrent la caisse de réserve;

2o Les crédits ordinaires de l'instruction publique, des postes, télégraphes et téléphones, des forêts ont pu être majorés de près de 5 millions, sans parler d'autres améliorations notables;

Enfin, 3o un emprunt de 50 millions pour l'exécution des travaux, routes, ports, travaux agricoles et de colonisation a pu être réalisé et garanti non seulement sans nouvelles charges pour les contribuables algé riens, mais en leur assurant les bénéfices d'un degrèvement des sucres atteignant plus de 4 millions en cinq ans. Cet effort sans précédent dans l'histoire de l'Algérie a été accompli grâce au budget spécial.

M. Jónnart a exposé ensuite le projet de budget de 1907, établi suivant l'expérience de ces dernières années.

La détaxe postale, a-t-il déclaré, venant brusquement priver le budget de 800.000 francs de recettes, l'obligation se fit sentir de rechercher une taxe de remplacement. On a repoussé l'impôt foncier et les autres taxes de remplacement pour choisir un impôt sur les tabacs.

Cette nouvelle ressource permettra l'application du programme complémentaire des travaux. L'impôt sur les tabacs, souple, productif, possède l'avantage de frapper une consommation de luxe; il permettra de ne pas suspendre en 1907 la politique de progrès et d'améliorations. Cet impôt, voté par le conseil supérieur, pourra, en toute sécurité et en mesurant l'effort aux disponibilités budgétaires, permettre d'établir le programme définitif à réaliser avec le nouvel emprunt.

Le gouverneur a parlé ensuite de la réforme des chemins de fer algériens. Il a fait connaître qu'actuellement on ne doit envisager que l'amélioration des conditions d'exploitation des lignes existantes. A plus tard, le classement et le mode de construction des nouvelles lignes d'intérêt général. Depuis le 1er janvier 1905, moment de la remise de l'administration des chemins de fer algériens à l'Algérie, on est allé au plus pressé. L'unification des tarifs et l'exécution de travaux complémentaires indispensables marqueront la première étape; ensuite il conviendra de reprendre les tarifs unifiés et d'obtenir l'abaissement de ceux dont l'exagération est un obstacle au

développement économique du pays. L'unification basée sur le tarifs minima assurera au public un bénéfice de plusieurs millions et des simplifications très appréciables; ce nivellement des tarifs est en bonne voie sur les réseaux du P.-L.-M., de l'Ouest-Algérien, du Bône-Guelma et de l'Etat. Sur l'Est-Algérien, on n'a pas pu encore s'entendre. La Compagnie invoque ses conventions pour excuser son impuissance, réclamant une modification de son contrat. Il n'y avait qu'à faire table rase devant tant d'objections: on a mis à l'étude le rachat du réseau.

M. Jonnart a terminé en disant que le progrès économique commande le progrès social : la lutte contre le paludisme, sous la direction du Dr Roux, va se poursuivre; l'idée de mutualité prend son élan de plus en plus, les crédits distribués comme secours individuels feront place aux subventions, aux associatios de prévoyance agricole. L'assistance médicale, école d'association des intérêts, rendra plus manifeste et plus rayonnante chez nos sujets la pensée généreuse qui domine les ambitions nationales; la sécurité des colons a tout à gagner de ces réformes qui tendent à les rapprocher des indigènes.

Le discours de M. Jonnart a été vivement applaudi.

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- Le reboisement de l'Algérie. Le 17 juin, ont eu lieu, au Jardin d'essai d'Alger, les fêtes de l'Arbre, organisées par la Ligue du reboisement de l'Algérie. On sait les terribles ravages que cause dans ce pays la disparition progressive des forêts. Aussi le gouverneur général a pris, depuis plusieurs années, des mesures énergiques pour diminuer le nombre des incendies et assurer la préservation des richesses forestières qui constituent, dès maintenant et surtout pour l'avenir, une source importante de revenus. Les résultats obtenus ont été entièrement satisfaisants et les pertes provenant du feu qui, il y a trois ans, dépassaient 5.000.000 de francs, n'ont atteint, ces deux dernières années, que 90.000 et 212.000 francs. En outre, grâce à l'exploitation plus rationnelle et mieux suivie, les recettes forestières, qui étaient de 2 millions en 1901, ont atteint maintenant 4.500.000 francs.

Cette fête de l'Arbre, imitée de l'étranger, avait pour but de faire comprendre à la population, notamment à la jeunesse des écoles, l'utilité des plantations et de leur inculquer le respect de l'arbre. Elle avait lieu pour la première fois, et le gouverneur général avait tenu à y assister.

Répondant à l'allocution du Dr Trolard, président de la ligue du reboisement, M. Jonnart a dit qu'il était l'ami des arbres en tous pays, et encore plus en Algérie; il a rappelé les fléaux qui frappent les pays dénudés et a fait ressortir les grands progrès réalisés par la France dans les régions sahariennes par la création d'oasis. Il a préconisé les plantations d'arbres utiles, notamment des oliviers dont les régions aujourd'hui désolées étaient autrefois couvertes. Le - devoir de l'administration, a-t-il ajouté, est de défendre pied à pied

les massifs forestiers et de les régénérer partout où cela sera possible.

La fête avait réuni une très nombreuse assistance et a été fort réussie.

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Maroc. L'Acte final d'Algésiras. Le sultan a décidé, le 18 juin, de signer l'Acte de la Conférence d'Algésiras. Il a porté cette décision à la connaissance de M. Malmusi, ministre d'Italie, le même jour à dix heures du soir. Dans sa communication, le sultan déclare qu'il signe l'Acte d'Algésiras sans aucune restriction.

A ce sujet, le Journal des Débats a publié les renseignements suivants :

Suivant des nouvelles reçues de source autorisée, les négociations de M. Malmusi avec le sultan avaient rencontré d'abord une vive opposition de la part des vizirs, des notables et du parti religieux marocain; mais le sultan fit preuve d'une grande intelligence ne se rendant pas bien compte, au début, des questions principales, il se fit donner un grand nombre d'explications. Il prit alors conscience de l'importance qu'auraient les réformes pour le bien du pays et il le déclara nettement. Quand il apposa sa signature au bas du protocole, il le fit sans le moindre amende

ment.

Le sultan se rend parfaitement compte de l'importance qu'il y a à entreprendre immédiatement les réformes; mais il n'ignore pas non plus qu'il y aura de l'opposition. Il procédera graduellement et usera de son autorité spirituelle comme chef de la religion, autant que de son autorité temporelle. Les négociations, après les deux premières audiences, se poursuivirent sans difficulté. Tout fut réglé en dix jours. Le reste du temps fut consacré à des cérémonies religieuses,

La population est demeurée à peu près indifférente à ce qui se passait.

- Le règlement de l'affaire Charbonnier. Le sultan a accordé à la France toutes les réparations qui lui étaient réclamées pour l'assassinat de notre compatriote Charbonnier. La cérémonie officielle a eu lieu le 4 juillet à Tanger, à la légation française, avec une grande solennité. Quelques notables de la colonie et des représentants de la presse française ont assisté aux actes de réparation faits par le représentant du sultan et les principaux fonctionnaires marocains de Tanger. Le représentant du sultan, ses collaborateurs et l'envoyé spécial du Makhzen ont solennellement exprimé les regrets du Makhzen et présenté des excuses. M. Saint-René Taillandier a pris note de leurs déclarations et a exprimé sa satisfaction de la reprise normale des relations entre les deux pays; puis l'amiral Campion, commandant la division navale venue pour appuyer nos revendications, a fait saluer la place par ses bateaux, formalité que ceux-ci s'étaient abstenus d'accomplir à leur arrivée pour marquer le mécontentement de la France.

Abyssinie. La question des chemins de fer éthiopiens. - Le dernier numéro du Bulletin de l'Afrique Française contenait la note suivante : D'après les nouvelles de bonne source que nous recevons de Londres et

de Rome, la partie diplomatique de la question d'Ethiopie et du chemin. de fer est sur le point d'être réglée. Nous avons déjà indiqué à nos lecteurs que le gouvernement britannique était tout disposé à signer une convention garantissant la neutralité de l'Ethiopie et en même temps reconnaissant le caractère d'entreprise francaise au chemin de fer de Djibouti jusqu'à Addis-Ababa. Mais des difficultés continuaient à venir, assure-t-on, du côté de l'Italie, ou tout au moins le cabinet de Rome manifestait quelque hésitation à en finir aujourd'hui. M. Tittoni, qui était, on le sait, ambassadeur à Londres au moment où la formation du cabinet Giolitti l'a rappelé à Rome pour y prendre le portefeuille des Affaires étrangères, a pu dans la capitale anglaise examiner tous les aspects de l'affaire éthiopienne. Il en est revenu disposé à signer l'arrangement relatif à l'Ethiopie, et même, nous assure-t-on, désireux d'en finir à bref délai, Dans ces conditions, il nous paraît impossible qu'on ne résolve pas la difficulté diplomatique qui, jusqu'à présent, a été au fond de toute l'affaire financière, puisque toutes les manoeuvres en faveur de l'internationalisation n'auraient pas eu d'objet si la campagne entreprise pour nous faire perdre le chemin de fer de Djibouti n'avait pas espéré la continuation de l'aide qu'elle avait d'abord trouvée auprès de la légation britannique d'Addis-Ababa.

L'Italie et l'Angleterre étant d'accord avec nous, après les longues négociations commencées par M. Delcassé, poursuivies par M. Rouvier et terminées sous le ministère de M. Bourgeois, nous ne voyons plus aucun obstacle à la signature de la convention nécessaire qui ne saurait trouver d'indifférence et d'hésitation du côté français.

Quelques jours après la publication de cette note, le Journal des Débats publiait l'article suivant de M. Robert de Caix:

Ce n'est aujourd'hui un secret pour personne qu'après un an et demi de négociations, la France, l'Italie et l'Angleterre sont sur le point de conclure un accord par lequel seront conciliées leurs politiques à l'égard de l'Ethiopie. L'autre jour, le « Comité de l'Afrique Française » était informé de Rome et de Londres que toutes les grandes lignes de cet accord étaient arrêtées et même qu'il n'y manquait plus guère que les signatures définitives. Tout ce qui transpire des milieux informés confirme depuis lors cette information. Bien qu'on n'ait pas encore laissé savoir quels sont le sens et l'esprit de cet accord, il n'est pas difficile de le deviner, puisqu'ils ne sauraient être que ceux des négociations poursuivies depuis le commencement de 1905. Les trois seules puissances limitrophes de l'Ethiopie ne peuvent que se garantir mutuellement le maintien du statu quo de cet empire, se promettre réciproquement de n'y porter aucune atteinte et de ne pas contrecarrer leurs intérêts respectifs, celui de la France ne pouvant être autre, au point où en est arrivée l'évolution éthiopienne, que d'achever le chemin de fer français de Djibouti à Addis Ababa.

La diplomatie française qui aura couronné ces longues négociations en signant un tel accord pourra se vanter d'avoir rendu au pays un service moins «<local » qu'il ne paraît au premier abord. Elle aura singulièrement diminué les chances d'un nouveau grave différend avec l'Angleterre. Un empire comme celui du Négus, qui n'est guère en somme qu'une organisation d'allure mérovingienne fortifiée par la possession de quel'ques centaines de mille fusils à tir rapide, se prête à toutes les intrigues. Jusqu'ici la succession au trône impérial ne s'y est déterminée que par la

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guerre. L'interrègne est une période d'anarchie dont tous croient pouvoir profiter ceux qui s'imaginent que les instincts et les traditions d'un peuple peuvent à jamais être effacés sous la discipline imposée à une seule génération par un grand souverain, n'ont qu'à se rappeler les désordres et les pillages qui avaient commencé à la nouvelle de la mort du Ras Makonnen, gouverneur de Harrar et successeur désigné de Menelik. A la disparition du Négus toutes les intrigues étaient à craindre, surtout celles de l'étranger, et les plus redoutables pour nous devaient venir de la légation britannique à Addis-Ababa, aussi active qu'admirablement armée. Elle dispose de larges sommes provenant des finances de l'Egypte, elle a toute l'autorité que lui donne la pression qu'exerce le Soudan angloégyptien sur toute la frontière occidentale de l'Ethiopie, qui a vu certains postes soudanais être poussés ces derniers temps jusque sur la crête de la falaise qui termine abruptement son haut plateau au-dessus des marécages du Nil. On devine l'action qu'une diplomatie ainsi armée et soutenue pouvait être tentée d'exercer à une heure où les destinées de l'Ethiopie seraient incertaines et où un effort habile pourrait les faire verser du côté du Soudan; on devine aussi les difficultés et l'irritation qui n'auraient pas manqué de se produire à cette occasion entre la France et l'Angleterre. Nous avons à l'entrée de la mer Rouge une escale nécessaire à nos possessions de la mer des Indes et de l'Extrême-Orient et qui elle-même a besoin, pour vivre, de n'être pas acculée pour ainsi dire à la mer, de trouver de l'air du côté d'un arrière-pays indépendant. Cet intérêt a commencé, en 1888, à être reconnu par un arrangement franco-anglais toujours en vigueur et qui nous garantit contre des ingérences étrangères au Harrar. On voit comment un accord franco-anglo-italien, consolidant le statu quo de l'Ethiopie, ferme la porte à des difficultés où nous aurait irrésistiblement entraînés, dans certaines circonstances, notre situation de fait et de droit.

Ajoutons que les tiers auront à gagner à un tel accord aussi bien que les signataires eux-mêmes. Tout d'abord Menelik trouvera sa sécurité dans la garantie de son indépendance par les trois puissances dont la rivalité a été jusqu'ici un de ses soucis, parce que seules en contact physique avec son pays, elles peuvent y mener une politique suivie au besoin de sanctions. Quant aux autres puissances, qui ne peuvent aborder l'Ethiopie qu'à travers des territoires anglais, français ou italiens, et qui ne sauraient par conséquent y avoir que des intérêts commerciaux, elles ne pourront que se louer de voir ces derniers favorisés par une consolidation du statu quo de l'Ethiopie. Pour s'insurger contre l'accord qui va se conclure dans ce sens, il leur faudrait un esprit systématique de chicane et d'agression, dont on devrait évidemment renoncer à tenir compte, puisqu'on ne verrait plus de terrain de bon sens et de bon droit sur lequel on pourrait espérer se trouver à l'abri de ses poursuites.

Mais, pour l'instant, il n'est pas question de cela et nulle part on ne constate de mauvaise humeur contre l'accord prévu. Sans doute rencontrera-t-il une certaine opposition et sera-t-il avant sa conclusion définitive en butte aux intrigues qui se sont exercées déjà sur divers terrains dans le but de faire internationaliser l'entreprise française du chemin de fer de Djibouti et Addis-Ababa. Ces intrigues, dont l'objet était politique pour certains personnages d'Ethiopie et sans doute aussi du Caire, et financier pour ceux qui les secondaient ailleurs, n'auraient pas été possibles si l'attitude, tout au moins, de la légation britannique à Addis-Ababa, ne leur avait donné l'apparence d'une base. On conçoit que certains désirent que cette base ne soit pas irrévocablement, évidemment détruite par un

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