Images de page
PDF
ePub

avantages dont le Japon bénéficierait s'il décidait d'adopter le dogme coranique.

Les Japonais, d'après lui, doivent, pour le libre développement de leur activité industrielle croissante, rechercher des marchés d'écoulement de leurs produits sur tout le continent asiatique; il leur est donc nécessaire de nouer des relations avec les peuples chez lesquels leur commerce pourrait pénétrer, et de s'efforcer d'exercer sur ces peuples une suprématie morale devant précéder l'hégémonie politique à laquelle leur organisation leur permet de prétendre. L'Islam mettrait à leur disposition le plus puissant levier moral qui se puisse imaginer. Ils trouveraient, en Chine, une population musulmane de près de 40 millions d'individus, que la communauté du lien religieux préparerait à subir docilement l'influence de leurs frères jaunes. Dans l'archipel de la Malaisie et au Siam, la clientèle religieuse du Japon surpasserait en nombre sa propre population. Et l'on conçoit la puissance qui serait assurée ainsi à l'Empire du Soleil-Levant par une suprématie religieuse et politique sur un groupement spirituel de plus de 100 millions d'hommes.

Comme, d'autre part, l'alliance anglo-japonaise est fondée sur le souci marqué par l'Angleterre de préserver l'Inde de toute agression étrangère, la puissance nouvelle du Japon la priverait de la possibilité de dénoncer cette alliance, puisque les 70 millions de musulmans hindous ne sauraient être maintenus sous la souveraineté anglaise que grâce au caractère permanent de l'entente diplomatique entre les deux pays. Le Japon deviendrait ainsi le maître des destinées de l'Asie entière jusqu'au détroit de Bab el Mandel. Sa puissance militaire se trouverait accrue dans des proportions incalculables.

Dans les circonstances actuelles, sa situation, extrêmement brillante au lendemain des victoires de Mandchourie, n'est pas à l'abri de tout danger. Il se pourrait que le jeu des intérêts internationaux amène une alliance anglo-franco-russe. Or la Russie ne peut avoir renoncé à réparer ses désastres de l'Extrême-Orient. Qui sait si dans une période impossible à prévoir, une fois sa réorganisation terminée, elle ne tentera pas, assurée cette fois de la bienveillante neutralité de l'Angleterre, de reconstituer son empire d'Extrême-Orient?

Telle est l'analyse des vues que le journal de Singapour projette sur l'avenir du Japon. Elles dénotent en même temps

que l'étendue de l'importance prestigieuse que ce pays a acquise dans l'esprit des Asiatiques, l'éclectisme des tendances panislamiques et le souhait confus de la soumission des peuples asiatiques à l'hégémonie d'une puissance assez redoutable pour enrayer le progrès de la poussée européenne, à la condition toutefois, pour cette puissance, d'utiliser l'Islam, de l'associer à ses visées, c'est-à-dire de lui créer un rôle politique actif non dépourvu de grandeur.

Il y aurait évidemment des critiques à formuler contre ces vagues espérances. L'auteur ne s'est pas inquiété des réalités pratiques et n'a nullement examiné les possibilités d'implantation brusque d'une religion, par la seule vertu des décrets, sur un pays fidèle à des croyances séculaires.

Quoi qu'il en soit, il reste acquis que, chez les musulmans lettrés, les rêves de panislamisme ont la force d'une hantise, et qu'il y a dans cette tendance d'esprit une manifestation à suivre, ne serait-ce que dans un intérêt de curiosité, si l'on n'est pas encore fondé à lui attribuer une importance inquiétante.

A. B. C.

RENSEIGNEMENTS POLITIQUES

[blocks in formation]

France. La crise ministérielle. Le ministère Clemenceau. Le 19 octobre, M. Sarrien, président du Conseil, ayant cru devoir « pour raison de santé » remettre sa démission au président de la République et ses collègues s'étant joints à cette démarche par la remise simultanée de leur démission collective, M. Fallières a chargé M. Clemenceau de la mission de former le nouveau cabinet. Le 23 octobre, M. Clemenceau annonçait au président de la République qu'il avait réussi à constituer son ministère de la façon suivante :

[blocks in formation]

Sous-secrétaires d'Etat pour la Guerre, M. CHERON; pour l'Intérieur, M. SARRAUT; pour les Beaux-Arts, M. DUjardin-BeaumETZ; pour les Postes et Télégraphes, M. SIMYAN.

Fidèles à notre règle absolue de nous tenir à l'écart de toute préoccupation de politique intérieure, nous nous abstiendrons naturellement de tout commentaire sur cette crise ministérielle et sur son dénouement. Nous tenons cependant, au moment où M. Eugène Etienne quitte le pouvoir, après dix-huit mois d'exercice, à nous joindre à la presque unanimité de la presse française par l'expression des regrets très sincères que nous cause son départ de la rue SaintDominique, où son œuvre a été si profitable aux intérêts supérieurs de notre pays. Nous saluons aussi M. Léon Bourgeois, dont la déclaration du 12 avril dernier a si heureusement maintenu, et avec une précision si ferme, nos droits au Maroc. Enfin nous sommes également sensibles au départ de M. Georges Leygues, dont l'activité éclairée et le dévouement patriotique ont été justement appréciés durant son passage au pavillon de Flore: nous ne saurions d'ailleurs

oublier la part décisive que M. G. Leygues a prise autrefois, dans un ministère antérieur, à la politique saharienne qui prépara l'occupation du Touat; nous nous souviendrons de même que c'est à son énergique initiative, si heureusement secondée par l'habileté de M. Roume, que nous devons l'occupation de Taoudéni, celles de l'Aïr, du Kaouar et de Bilma, et la préparation de l'occupation du Tibesti, qui, nous l'espérons, mettra fin au véritable danger que nous courons du côté de nos possessions du Ouadaï. Cette politique, aussi avisée que prudente, aura fait de l'œuvre de M. G. Leygues une de celles qui auront le plus contribué à l'unité définitive de notre domaine africain.

- Le voyage du lord-maire à Paris. Le lord-maire, sir Walter Vaughan Morgan, accompagné des aldermen, shériffs, inembres de la cour, du conseil et hauts fonctionnaires de la corporation de la cité de Londres, est arrivé à Paris, le 13 octobre au soir, pour répondre à l'invitation de la municipalité parisienne, et y est resté jusqu'au 18 octobre au matin.

Durant ce court séjour, de nombreuses réceptions officielles ont eu lieu au cours desquelles l'entente cordiale a été célébrée avec grand enthousiasme. Parmi ces manifestations de sympathies, nous signalerons notamment les toasts suivants échangés par l'ambassadeur d'Angleterre et M. Léon Bourgeois, ministre des Affaires étrangères, au lunch offert par ce dernier en l'honneur des hôtes de la Ville de Paris et auquel le lord-maire, légèrement indisposé, n'avait pu assister:

Toast de M. Léon Bourgeois.

Monsieur l'ambassadeur, Messieurs,

Le ministre des Affaires étrangères a tenu à vous recevoir ici, au nom du gouvernement de la République et à vous donner l'assurance que les sentiments de sympathie qui vous ont été témoignés par la population parisienne et par ses représentants sont partagés par la France tout entière.

La cordiale entente que Paris fète en ce moment n'est pas seulement le résultat d'un accord entre deux gouvernements, elle est le rapprochement conscient de deux opinions publiques. le concours réfléchi des volontés de deux grandes nations également dévouées à la cause de la civilisation et du progrès humain.

C'est là ce qui donne à l'entente cordiale de l'Angleterre et de la France sa signification profonde; c'est par là qu'elle constitue une garantie puissante pour la paix du monde.

C'est dans cette pensée que je lève mon verre en l'honneur de Sa Majesté Edouard VII, de Sa Majesté la Reine et de la famille royale.

Je bois à la grandeur du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande et à la prospérité de la Cité de Londres, et j'exprime le souhait que l'indisposition du lord-maire soit de courte durée.

Toast de sir Francis Bertie.

Monsieur le Ministre,

Je vous remercie, au nom de Sa Majesté le Roi, de Sa Majesté la Reine et de la famille royale, du toast que vous venez de porter.

Je vous remercie également, au nom du gouvernement anglais, des paroles que vous avez prononcées au sujet de l'entente cordiale.

Je vous invite, Messieurs, à boire à la santé du président de la République française et à la prospérité de la France!

- M. Isvolski à Paris. M. Isvolski, ministre russe des Affaires étrangères, est arrivé à Paris le 18 octobre, suivant en cela la tradition établie au lendemain de l'alliance et d'après laquelle les ministres des Affaires étrangères de France et de Russie se rendent périodiquement visite pour échanger directement leurs vues personnelles sur l'orientation générale de la politique extérieure et plus spécialement sur les différentes questions d'intérêts communs à la France et à la Russie.

M. Isvolski n'aurait eu garde de manquer à cette heureuse tradition; de fait, les seules complications de la politique intérieure russe avaient jusqu'ici retardé son voyage en France. Et il se trouve précisément que les circonstances du moment ont donné à ce même voyage une importance toute spéciale: il était très opportun en effet qu'au moment de la reconstitution du ministère, le ministre de l'Empire allié puisse se rencontrer avec son nouveau collègue français et arrêter avec lui les directions générales de leur politique commune. Pendant les quelques jours qu'il a passés parmi nous, M. Isvolski a vu longuement M. Léon Bourgeois et M. Stephen Pichon.

En quittant Paris pour rentrer en Russie, M. Isvolski s'est arrêté à Berlin. On a raconté, le Times en particulier, que le gouvernement allemand avait beaucoup insisté pour que le ministre russe séjournât quelques heures au moins à Berlin; et qu'il aurait même désiré que ce séjour se fit à l'aller. Mais M. Isvolski, dans un esprit de délicate courtoisie et d'amicale prévenance, a tenu à se rendre tout d'abord directement à Paris.

-

La convention relative aux Nouvelles-Hebrides. M. Cambon, ambassadeur de France en Angleterre, et sir Edward Grey, ministre des Affaires étrangères, ont signé définitivement, le 21 octobre, une convention approuvant l'arrangement conclu le 27 février 1906, au sujet des Nouvelles-Hébrides, par les délégués des deux gouvernements, sir Eldon Gorse et M. Hughes Bertran Cox pour le gouvernement anglais, et MM. Saint-Germain, sénateur, Picanon, gouverneur de la Guyane française, Jean Weber, chef de bureau au ministère des Colonies, pour le gouvernement français.

Cette longue convention comprend 68 articles. Elle a pour but la réorganisation de l'administration des Nouvelles-Hébrides. Elle garantit les intérêts respectifs des Français, des Anglais et des indigènes, et fixe le régime de la propriété foncière dans l'archipel.

[ocr errors]
[ocr errors]

Les câbles télégraphiques coloniaux. Deux nouveaux câbles télégraphiques français viennent d'être posés et ouverts au service entre l'ile de la Réunion, d'une part, et Madagascar et l'île Maurice, d'autre part. Ces câbles, tout en reliant par les voies « Mozambique » et

« PrécédentContinuer »