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Perse, une avance de 400.000 livres sterling, dont la moitié devra être versée immédiatement. Cet accord anglo-russe en vue d'un appui financier commun à donner à la Perse apparaît très important pour qui songe à la rivalité constante des deux puissances dans l'Asie centrale, et marque un changement capital dans leur politique persane, changement qui pourrait bien avoir sa cause réelle dans l'inquiétude justement provoquée par les progrès des ambitions allemandes en ces mêmes régions.

Arabie. L'insurrection des Ouahabbites dans le Yémen. Le Journal des Débats a publié, le 22 octobre, la lettre suivante qui apporte de très intéressantes précisions sur l'insurrection ouahabbite au Yémen :

Djibouti, septembre 1906. L'insurrection des Ouahabbites qui, depuis trois ans, s'efforce de soustraire le Yémen à la domination ottomane, est sans doute la plus sérieuse des tentatives faites jusqu'à présent par les populations de cette partie de l'Arabie pour recouvrer leur indépendance. Après ces trois années de guerre incessante qui viennent de s'écouler, on ne saurait dire ce qu'il convient d'admirer le plus de la constance des Arabes à repousser le joug ottoman ou des efforts opiniâtres des Turcs à maintenir sous leur indépendance les tribus insurgées.

Il serait aussi injuste de ne pas reconnaitre l'énergie déployée par les Arabes pour reconquérir leur liberté que de contester aux Turcs l'esprit de suite dont ils n'ont cessé de donner des preuves dans les circonstances particulièrement difficiles qu'ils traversent.

On a dit et répété que, pour peu que les rebelles du Yémen obtiennent encore quelques succès sur les troupes impériales, ils parviendront à libérer leur pays de la domination turque. Il semble que ces prévisions ne soient pas appelées à se réaliser.

En effet, si les troupes ottomanes n'ont réussi qu'avec peine à se maintenir sur les positions qu'elles occupent, il faut également reconnaître que les insurgés n'ont pas fait, de leur côté, de très grands progrès. Or, chaque jour qui s'écoule augmente maintenant les chances de succès des Ottomans, tandis qu'il diminue celles des rebelles, car les travaux du chemin de fer du Hedjaz avancent assez rapidement pour permettre d'entrevoir que cette voie sera achevée dans le courant de l'année prochaine. D'autre part, la Porte songe sérieusement à établir un chemin de fer de Hodeidah à Sanââ. On assure que des pourparlers ont été engagés à ce sujet à Constantinople entre le ministère des Travaux publics et des établissements financiers. S'il faut en croire des informations qui paraissent fondées, le tracé de cette nouvelle voie ferrée aurait été fait en avril dernier par M. Zoloroski. Cet ingénieur a dù constater, au cours de son voyage d'étude, que, de Hodeidah à Abal, point situé à mi-chemin de Sanââ, la construction de la voie n'offrira aucune difficulté.

Par contre, dans la vallée de Sanfour, il sera indispensable de construire de nombreux ouvrages d'art. En tout cas, la distance à franchir de Sanââ à Hodeidah sera de 250 kilomètres à peine, malgré les nombreux lacets que fera la route à travers un massif montagneux qui atteint parfois des altitudes de 1.800 à 2.000 mètres. Entre Hodeidah et Sanââ les principales stations seront: Badjel, Abal, Souk-el-Roub et Sanfour. Les dépenses ont été évaluées à 75 millions de francs, le prix de revient du kilomètre ayant été estimé à 300.000 francs.

Actuellement, les frais de transport des troupes et du matériel de guerre

coûtent au gouvernement ottoman près du tiers des revenus du Yémen. Cette somme, qui deviendra disponible dès que le chemin de fer entrera en exploitation, sera attribuée à l'amortissement du capital avancé et au payement des intérêts calculés à 5 %. Elle suffira amplement à garantir aux établissements financiers les avances qu'ils auront faites. Dans ces conditions, rien ne s'oppose à la construction du chemin de fer de Hodeidah à Sanââ. Et lorsque les provinces du Yémen, de l'Assyr et du Hedjaz seront enserrées comme dans un étau, d'un côté, par le chemin de fer de Damas à la Mecque et, de l'autre, par celui de Hodeidah à Sanââ, il ne sera plus permis aux insurgés arabes de résister longtemps aux Turcs qui les attaqueront à la fois par le Nord et par le Sud.

Le mouvement insurrectionnel arabe au Yémen ne pourrait avoir des chances de réussite que si les travaux des deux voies ferrées en cours d'exécution venaient à être suspendus. Or, cette éventualité ne paraît pas devoir se produire. Il y a donc lieu de penser que la Turquie ne tardera pas à avoir raison des partisans de Cheikh Mahmoud Yahia et à rétablir son autorité dans le Yémen.

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Maroc. Les troubles d'Arzila et l'intervention française. Le 27 octobre, M. Thomson, ministre de la Marine, a informé le Conseil des ministres que, d'accord avec M. Clemenceau, président du Conseil, et M. Stephen Pichon, ministre des Affaires étrangères, il avait, le matin même, télégraphié l'ordre de faire partir le croiseur-cuirassé Jeanne-d'Arc pour Tanger, cette mesure étant motivée par la capture à Arzila, petit port entre Larache et Tanger, par des brigands marocains, de deux Européens, un Anglais et un Espagnol. M. Thomson ajouta que, de son côté, le gouvernement de Madrid, en raison de ces mêmes faits, expédiait un navire de guerre sur la côte marocaine, et il déclara que, « en prenant cette mesure, les deux gouvernements « français et espagnol agissaient en vertu du droit de police qui leur « a été attribué par la conférence d'Algésiras >>.

D'autre part, le surlendemain, 29 octobre, à l'issue du Conseil des ministres, la note officieuse suivante a été communiquée à la presse :

Le ministre des Affaires étrangères a rendu compte au Conseil de cabi net de l'état des affaires du Maroc. Elles semblent en voie d'arrangement à Arzila, où l'Espagne a envoyé un bateau qui sera bientôt rejoint par le Galilée, la Jeanne-d'Arc restant à Tanger.

M. Pichon a soumis également à l'approbation du Conseil les instructions à envoyer au général Lyautey par l'intermédiaire de M. Jonnart, en vue des mesures à prendre pour assurer la tranquillité de nos postes et celle des tribus algériennes dans le Sud. Ces instructions ont été approuvées à l'unanimité et communiquées par le télégraphe au gouverneur général de l'Algérie.

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Algérie. La frontière algéro-marocaine. Déclaration de M. Jonnart au banquet du Conseil général d'Alger. Nous disions, dans notre dernière livraison, qu'une certaine agitation signalée dans le Tafilalet

avait nécessité un petit mouvement de troupes dans cette région. Les journaux ayant, à ce sujet, publié toute une série de dépêches alarmantes, qui donnaient de cette agitation du Tafilalet une importance singulièrement exagérée et qui parlaient même des préparatifs d'une véritable expédition militaire, l'Echo d'Oran a publié, le 21 octobre, la note officieuse suivante :

D'après des renseignements puisés à bonnes sources, nous sommes en mesure de rectifier et de compléter les renseignements déjà publiés au sujet des mouvements de troupes relatifs aux affaires du Tafilalet.

Le fer régiment étranger n'a pas reçu l'ordre de se tenir prêt à partir entier, mais seulement celui de tenir prêtes quelques compagnies pour renforcer éventuellement les postes du Sud au cas où l'attitude menaçante de la population du Tafilalet s'aggraverait. Quelques compagnies du 2o tirailleurs ont également reçu l'ordre de se tenir prêtes pour le même objet. Ce ne sont, du reste, que de simples mesures de précaution dictées par la prudence la plus élémentaire, afin de prévenir tout accident, ce qui n'implique aucune action proprement dite, tant que les événements n'y obligeraient pas d'une manière formelle.

Quant au mouvement de troupes signalé de Colomb-Bechar, c'est simplement la rentrée à leurs postes respectifs des détachements restés en observation pendant quelque temps dans la région de Kenadsa, mais non pas à Kenadsa même, que nous n'avons pas occupé afin d'éviter toute complication diplomatique. Des reconnaissances annoncées comme partant de Colomb-Bechar ne vont nullement au Guir pour le moment, mais patrouil lent simplement en avant de Colomb-Bechar, assurant, comme cela a lieu constamment, le service normal de surveillance et la police dans le rayon d'action du poste. Il importe beaucoup de se mettre en garde contre le grossissement qui pourrait en ce moment se produire en ce qui concerne les moindres faits, et de ne pas se laisser émouvoir par ces déplacements de troupes auxquels, en temps normal, on ne prêterait point attention.

La fin du Ramadan, dans un mois, semble être la raison de l'excitation générale qui règne en ce moment sur nos confins et paraît devoir amener une période très critique; mais, d'après nos renseignements, l'autorité militaire peut parer à tout incident en renforçant dès maintenant les postes avancés. D'ici à ce renforcement, à moins d'incidents imprévus, on se bornerait à des mesures préventives, à un redoublement de surveillance et à des reconnaissances. Mais notre diplomatie exerce en ce moment une activité énergique à Tanger et à Fez en vue de déterminer les autorités chérifiennes à mettre bon ordre à cette agitation. Il convient donc de lui laisser le champ libre et de ne pas entraver son action par des mesures prématurées.

D'après nos renseignements, M. Regnault, notre nouveau ministre à Tanger, se rend parfaitement compte de la situation et de la connexité étroite de tous les intérêts français aussi bien sur les côtes et dans l'intétérieur du Maroc que sur la frontière algérienne. Il ne parait nullement disposé à regarder les intérêts algériens comme négligeables. Nous croyons savoir qu'il marche en accord constant avec le gouvernement général et les autorités militaires de la frontière et que celles-ci, tout en prenant les précautions que commandent la situation et leur responsabilité, sont profondément pénétrées de la nécessité de ne rien faire qui entrave l'action déjà si délicate de notre ministre et de laisser jusqu'au bout nos adverseires se mettre dans leur tort en s'abstenant de tout ce qui pourrait être interprété comme une provocation.

D'autre part, au banquet offert le 25 octobre au gouverneur général par le Conseil général d'Alger, M. Jonnart a tenu à rassurer lui-même l'opinion et à remettre les choses au point, en s'expliquant ainsi sur la question de sécurité :

Messieurs,

Je suis un trop vieil Algérien pour ne pas saisir toute la portée de vos observations, en ce qui concerne les questions de sécurité qui vous préoccupent de nouveau; je sais mieux que personne que les efforts de l'administration, le prodigieux labeur des colons pour arriver à l'épanouissement de toutes les forces vives de la colonie, risqueraient d'être en partie stériles si le colon ne jouissait pas du premier des biens, de la sécurité; s'il ne pouvait pas travailler en paix et être sûr de récolter, après avoir semé. M. le Préfet a donc, l'autre jour, traduit mes intentions très fermes, en déclarant que l'administration ferait son devoir, mais il a eu grandement raison d'ajouter que, s'il faut veiller, il ne faut rien exagérer et qu'un affolement inexplicable ne pourrait avoir d'autres résultats que d'enhardir l'audace des malfaiteurs indigènes.

Les faits ne permettent pas de dire que nous sommes en présence d'une situation alarmante; les rapports que j'ai demandés à tous mes collaborateurs signalent que quelques points du territoire solliciteraient notre vigilance, réclamant des mesures énergiques. J'ai examiné la situation avec calme, avec sang-froid, comme il convenait, et si j'ai renouvelé des instructions sévères, déjà précédemment données, c'est qu'en Algérie, dans les milieux indigènes, les événements extérieurs et notamment ceux qui se déroulent au Maroc depuis dix-huit mois, sont l'objet de commentaires trop passionnés. Ils sont singulièrement grossis et dénaturés.

Il est hors de conteste que ces événements ont provoqué dans tout le monde de l'Islam une certaine agitation, un certain ébranlement dont nous serions inexcusables de ne pas nous préoccuper; en Egypte, les Anglais renforcent leurs garnisons; en Tunisie, dans nos possessions de l'Afrique Occidentale, certaines précautions s'imposent; dans ces contrées, comme en Algérie, des intrigues étrangères exigent une surveillance particulière. L'Algérie est la plus rapprochée du foyer d'anarchie du Maroc, où se poursuit une propagande antifrançaise des plus actives. Nous ne nous laisserons pas surprendre par les événements.

J'ajouterai que l'affreuse disette de l'an dernier dont nous avons conjuré en partie les douloureuses conséquences se fait encore lourdement sentir cette année; beaucoup d'indigènes, l'an dernier, ont engagé leurs dernières ressources et la récolte relativement bonne de cette année, n'a profité qu'à ceux qui ont pu confier des semences à la terre. Bon nombre d'indigènes n'ont pu semer faute de grains; de là, sur quelques points, une recrudescence de maraudes et de vols dont la population indigène honnête souffre d'ailleurs autant que les colons.

Telles sont les explications que j'ai recueillies des personnes les mieux renseignées et les plus compétentes. Est-ce de l'optimisme officiel ? Evidemment non la question marocaine n'a jamais été plus aiguë, et nous commettrions une lourde faute en fermant volontairement les yeux sur les répercussions qu'elle a eues, qu'elle aura encore dans les possessions algé. riennes. S'il le faut, soyez sans crainte, nous frapperons vite et nous frapperons fort, mais il ne faut pas chercher le mal là où il n'est pas.

Comment peut-on dire qu'une politique de prévoyante sollicitude vis-àvis de nos sujets musulmans est inopportune et regrettable? Comment,

parce que nous avons créé des infirmeries indigènes, organisé des consultations médicales dans les douars et sous la direction de savants qui sont l'honneur de la science française et qui sont de grands hommes de bien, entrepris la lutte contre ces fléaux de l'Algérie : l'avarie, la fièvre et l'ophtalmie, comment risquerions-nous de diminuer chez nos administrés indigènes le respect de notre autorité et d'obscurcir chez eux la claire notion de notre force ! Est-ce sérieux ?

J'ai le grand honneur de représenter ici la France et le gouvernement de la République ; je ne serai jamais infidèle aux traditions nobles et généreuses, ni au génie de la grande nation qui a fait la Révolution française, et vous tous, mes chers amis, qui êtes de vaillants républicains et de bons patriotes, vous seriez les premiers à me reprocher de ne pas suivre dans ce pays cette politique, la seule digne de la France et de la République.

M. le Gouverneur général explique ensuite qu'au surplus les cuvres indigènes sont fondées et entretenues avec le produit d'un impôt spécial aux indigènes mêmes, qui n'a été maintenu qu'en vue de cette destination même. Il produit environ 750.000 francs par an, et le gouverneur général n'aurait pas le droit d'en détourner un centime, sinon le Parlement lui retirerait cette ressource. M. Jonnart a conclu en ces termes :

Je me félicite hautement de pouvoir faire quelque chose, trop peu de chose encore, pour améliorer l'hygiène et le bien-être de nos sujets musulmans, parce que je réalise ainsi les desseins généreux du Parlement, parce que c'est notre devoir et parce que c'est notre intérêt. L'intérêt des colons est, en effet, puisque le concours de la main-d'œuvre indigène leur est indispensable, de ne pas voir croître autour d'eux la misère et la maladie: la misère, qui en fante le banditisme; la maladie, qui, des douars, menace de s'abattre sur les agglomérations européennes.

En outre, Messieurs, mon administration peut et doit se montrer d'autant plus ferme, d'autant plus rigoureuse vis-à-vis des chefs indigènes et des tribus complices des malfaiteurs, qu'elle a conscience de faire ce qui dépend d'elle en faveur des indigènes.

Les fonctionnaires de toute catégorie s'abuseraient étrangement s'ils confondaient une politique d'améliorations sociales avec une politique de faiblesse. Ils savent que, si leur sollicitude doit s'étendre à tous leurs administrés, leur préoccupation maîtresse doit être d'affermir sur des bases indestructibles la domination française et de garantir la sécurité des entreprises de la colonisation.

Une politique de faiblesse irait non seulement à l'encontre du but que nous poursuivons dans ce pays, mais à l'encontre de mes instructions les plus précises et les plus formelles.

Région du Tchad. - La frontière franco-anglaise du Niger au Tchad. Le capitaine Tilho, envoyé par le gouvernement français au Tchad avec mission de fixer, d'accord avec une délégation anglaise, la délimitation de la frontière franco-anglaise du Niger au Tchad, est parti de Bordeaux le 25 octobre, à destination de Kotonou. Avant son départ, le capitaine Tilho a donné les renseignements suivants sur sa mission. Il s'agit d'appliquer sur le terrain le traité francoanglais du 29 mai 1906, qui a établi sur le papier la frontière des

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