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tarlier, points de contact de l'étranger avec la Suisse, et voici que par le Lötschberg elle s'apprête à dériver à son profit le trafic du Simplon, comme un tuyau d'aspiration qu'on branche sur une conduite.

Berne ne s'arrêtera pas là. Un nouveau tunnel de 7 kilomètres sous le Graitery, à quelques kilomètres plus au Sud, est à l'étude. Ce raccourci Moutiers-Granges-Büren réduirait de 22 kilomètres, soit à 844 kilomètres réels, le trajet ParisMilan, et abaisserait de 200 mètres le point culminant de la ligne, qui atteint actuellement 780 mètres au tunnel de Pierre-Perthuis, soit une grande réduction en distance virtuelle. « Le Moutiers-Granges, disait récemment M. Kuntz, membre <«< du gouvernement de Berne, est le complément nécessaire du << percement des Alpes Bernoises. Il assurera au Lötschberg le << trafic Calais-Milan, et ce serait une trahison à l'égard du Lötschberg que de ne pas l'exécuter. Le canton de Berne ne << peut pas s'intéresser à cette tâche; la loi ne l'y autorise pas. << Mais nous serons très heureux si d'autres réussissent à assurer l'exécution de cette ligne, grâce au concours de la haute « finance et de la Compagnie de l'Est. » Nous avons montré dans un précédent article que seule la construction du FrasneVallorbe, qui mettra Paris à 819 kilomètres seulement de Milan en évitant l'ascension supplémentaire des Alpes Bernoises à 1.243 mètres d'altitude avec 27,5 pour 1.000 de pente, permettra à la Suisse française de conserver le trafic du Simplon, et de garder le bénéfice d'un tunnel dont elle a fait les frais, bénéfice qui passerait à la Suisse allemande 1.

Au point de vue économique, cette ligne, construite par les cantons intéressés et qui n'appartient pas aux Chemins de fer français, achèvera la fortune de Soleure, dont le développement rapide intéresse tant la France de l'Est, et qui est maintenant le point de croisement de six voies ferrées. La ligne nouvelle servira de débouché vers Bâle et vers la France aux productions d'un canton qui, exclusivement agricole au début du XIXe siècle, est aujourd'hui un des plus industriels de la Suisse, depuis que l'horlogerie a émigré du Jura vers Granges, dans la plaine de l'Aar, en 1860. A Soleure même, les carrières de pierre de taille, aux « Steingruben », occupent trois cents ouvriers et sont aussi réputées que celles de « pierre jaune » de Neuchâtel; la fabrique de ciment de Portland de Luterbach exporte 1.400 wagons par an; la plaine de l'Aar, depuis que la

1 Nous renvoyons à nos précédents articles : L'ouverture du Simplon et les intéréts français (Quest. Dipl. et Col., 8° année, 1er octobre 1904), et : Les projets suisses. Voies nouvelles et raccourcis (Ibid., 10° année, 16 avril 1906, avec 2 cartes).

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Lignes en construction
--do-en projet

Botzberg

Olten

Bien

Fond

780

Soleare

Granges

Büren

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"la Directe"

Burgdorf

BERNE

Montreux

Gurbebah

Than

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POSITION DE BERNE

par rapport aux traversées

DU JURA SEPTENTRIONAL

1128

Wilds

S&Maurice

Cliché des "Questions Diplomatiques et Coloniales"

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correction de la rivière l'a soustraite aux inondations, a été cultivée en betteraves au moment même où le vignoble ache vait de disparaître. On voit quels éléments de trafic la ville et le canton fourniront aux nouvelles lignes jurassiennes, et quelle peut être la part du pays de Soleure dans nos échanges avec la Suisse, qui n'ont pas été moindres l'année dernière de 402 millions et demi, dont 208 millions de ventes de la France en Suisse contre 104 millions seulement d'achats. Le canton, peuplé de 45.000 habitants il y a une centaine d'années, en compte aujourd'hui plus de 100.000, et la ville, qui en a plus de 10.000, démolit ses vieilles portes du moyen âge pour faire place à des quartiers nouveaux à l'Ouest et au Nord.

A Soleure vont se croiser, pour le moment, la voie de communication qui suit le Jura et celle qui le franchit dans la direction de Bâle et de Delle et qui va devenir une voie internationale. Assise sur un des derniers ressauts du Jura, elle recueille les avantages de sa position qui l'avait fait choisir par les Romains pour garder le passage du Weissenstein en face du confluent de l'Aar et de l'Emme, et par laquelle elle se trouve aujourd'hui sur le passage des projets et des ambitions de Berne.

Nous touchons là une de ces manifestations de la vie cantonale qui rendent si passionnante le spectacle de la Suisse contemporaine. Comme les républiques italiennes du moyen åge qui, comme Venise et Florence, faisaient figure de grands Etats, les Etats-cantons de la Suisse, grâce à l'autonomie du système fédératif, ont dans les limites fixées par l'intérêt national leur politique à eux. C'est dans le sens économique que s'exercent aujourd'hui cette activité et ces ambitions, et en particulier vers la possession des routes et des voies ferrées internationales. Zurich et les cantons allemands avaient fait le Gothard; les cantons romands, le Simplon; Fribourg s'est assuré, au détriment de la vallée de la Broye, le passage de la grande voie, ferrée Nord-Sud; le Tessin et les Grisons se disputent le passage oriental » des Alpes; Berne, à elle seule, fera le Lötschberg et s'assurera en même temps le raccourci le plus avantageux à travers le Jura. Pourtant le canton a déjà constitué par ses propres moyens un réseau de chemin de fer qui représente 23 millions 1, mais sa politique, qui n'a pas seu

1 Voici des chiffres qui donneront une idée de ce qu'un canton peut faire pour ses seuls chemins de fer. L'Etat de Berne avait payé, au 1er janvier 1906, 19.600.000 francs en subventions; il restait 2.200.000 francs à payer pour les lignes Moutiers-Soleure, Montreux-Oberland, etc., et 400.000 francs pour la ligne du lac de Brienz, soit près de 23 millions au total. Le canton n'a pourtant pas hésité à s'imposer de nouveaux sacrifices pour le percement des Alpes Bernoises, entrepris sans le concours des

lement la Suisse en vue, mais l'Europe centrale, a des ambitions plus hautes. Elle est la résidence des autorités fédérales, le siège de l'administration des Chemins de fer fédéraux, le centre de plusieurs « Bureaux internationaux »; elle aspire à devenir, en face de Zurich qui restera la ville de l'argent et de la finance, la capitale, au sens français du mot, d'une Suisse en voie de demi-centralisation par le double lien d'une organisation d'Etat des chemins de fer et d'une législation commune. Les «< bourgeois » de Berne, qui aux siècles passés ont tant bataillé pour la suprématie de leur ville sur la région du plateau, n'avaient pas prévu pareille fortune pour leurs descendants.

PAUL GIRARDIN,

Professeur à l'Université de Fribourg.

P. S. L'emprunt hypothécaire premier rang de 29 millions vient d'être entièrement souscrit. Le Bund, de Berne, dit que les capitaux sont en majorité français; la Suisse, même le canton de Berne, a montré peu d'empressement. En somme, la ligne des Alpes Bernoises, comme la plupart des entreprises de chemins de fer en Suisse, sera surtout l'œuvre des capitaux français.

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Chemins de fer français et en opposition avec eux, prenant à son compte la devise: Fara da se. Le 30 juin dernier a été signé le contrat à forfait avec le syndicat Loste et Cie. Voici les engagements de Berne: subvention cantonale de 17 millions et demi, subventions communales de 3 millions et demi; en outre les banques officielles fourniront une partie du capital obligations, soit 15 millions, avec hypothèque de second rang, soit une subvention totale de 36 millions pour une ligne qui doit en coûter en tout 83, dont 74 pour le tunnel et les voies d'accès, et 9 pour le matériel. Quant aux rapports de l'entreprise de Lötschberg avec la France et la Compagnie de l'Est, ils sont très étroits, si l'on en juge par le fait que, si le siège de « la Compagnie du chemin de fer des Alpes Bernoises, Berne-Lötschberg-Simplon, au capital de 45 millions », a son siège social à Berne, ce sont des banques françaises : Loste, Société Centrale du Syndicat des Banques de province, franco-americaine etc., qui sont surtout chargées de l'émission. La circulaire de la Banque Renauld et Cie, de Nancy, annonce que la Compagnie de l'Est a souscrit un certain nombre d'actions et qu'une place d'administrateur est réservée à son représentant, qui serait M. Descubes, ingénieur en chef adjoint de la voie. C'est un Français, M. Zürcher, ingénieur des ponts et chaussées et géologue de mérite, qui vient d'être placé à la téte des travaux de l'entreprise. Enfin la ligne Moutiers-Granges aura pour but, avec ses pentes de 11 à 12 pour 1000 seulement, d'éliminer de la principale voie d'accès au Lötschberg, la ligne Delle-Berne, - la section Moutiers-SoncebozBienne dont le Moutiers-Soleure est un premier correctif. On s'occupe de trouver les 15 millions que coûtera la nouvelle ligne. « Une Compagnie française de chemins de fer, dont on ne dit pas le nom, mais qui ne peut être que la Compagnie de l'Est, a promis 4 millions; ce chiffre est officiel; il a été indiqué récemment dan une conférence par M. Gobat, membre du gouvernement bernois. » (Journal de Transports, XXIX, 1er septembre 1906, p. 417.)

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QUEST. DIPL. ET COL.

T. XXII.

40

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Le nom de Pierre-Georges Roy n'est guère connu en France; c'est celui d'un savant modeste autant que laborieux, qui travaille dans le recueillement là-bas, sur l'autre bord, et qui s'intitule simplement « directeur du Bulletin des Recherches historiques de Lévis ». Lévis, on le sait, est la jolie cité canadienne qui fait face à Québec, sur la rive droite de SaintLaurent. Elle est très agitée, présentement, par la construction du pont géant qui va franchir le grand fleuve et portera les voies du nouveau chemin de fer transpacifique; on doit y trouver pourtant de calmes asiles. Québec, sa grande voisine, malgré les transformations récentes de son port, demeure la ville de sapience du Canada; elle garde, avec de vieux quartiers montueux et des «< calèches » d'ancien régime, quelques-uns de ces monuments religieux dont la paix immuable paraît ignorer le temps, elle a des sociétés savantes, où l'on parle un français pur encore de toutes intrusions américaines; elle publie des revues historiques Pierre-Georges Roy vit dans ce milieu sérieux sans pédantisme, où l'on a le culte ardent du passé, sans s'attarder en vaines récriminations contre le présent.

Foyer d'études désintéressées, Québec demeure, avec des succursales à Ottawa et à Montréal, le centre de la vie intellectuelle française au Canada; sa brillante Université, nommée du nom du premier évêque de la Nouvelle-France, Mr Laval, a fondé un cours de littérature française que professe avec le succès dû à la distinction de son enseignement un professeur détaché des Facultés de France, M. Louis Arnould; ce cours s'est peu à peu assorti d'une bibliothèque, à laquelle s'intéresse, avec un libéralisme de bon goût, notre ministère de l'Instruction publique. Québec et sa soeur cadette Lévis sont les villes canadiennes où l'on se sent le plus à l'aise pour causer d'histoire, surtout de l'histoire du Canada français. Et voilà pourquoi les livres de M. P.-G. Roy sont des fleurs de terroir, dont les couleurs peu tapageuses et les parfums discrets ne charment que quelques initiés, dans le tumulte du Dominion contemporain. Notre auteur a débuté par publier des documents historiques, l'Oraison funèbre de Frontenac par le P. Olivier Goyer, des Récollets (1698), celles de Mar de Pontbriand (1760) et de Mgr Briand (1794), évêque de Québec, un poème héroï-comique, œuvre d'un Boileau de sacristie, sur l'enterrement furtif, à l'Hôpital général,

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