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terre et la Russie et il semble qu'elles doivent aboutir à un accord entre elles au sujet de l'Asie centrale, en particulier au sujet du Thibet, de la Perse et de l'Afghanistan. La politique allemande n'a aucun motif de troubler ces négociations ou d'envisager d'un oeil soupçonneux leur résultat probable.

L'Allemagne et les autres puissances.

Nous continuerons à entretenir avec soin nos relations avec le Japon. Nous n'avons jamais eu de désirs de conquête ni de projets d'expansion en Extrême-Orient; nous ne désirons nullement le partage de la Chine, et nous n'ambitionnons pas d'avantages qui nous soient particuliers. Les buts que nous poursuivons en Extrême-Orient sont d'ordre économique, et pour qu'ils soient atteints, c'est surtout le maintien de la paix et le respect de l'intégrité de la Chine et du principe de la porte ouverte qui importent à nos yeux.

Nos relations amicales avec les Etats-Unis reposent sur des bases historiques et des facteurs naturels. Il va de soi que, pour arriver à concilier les intérêts économiques des deux pays, il faut, chez l'un comme chez l'autre, de la bonne volonté et un esprit d'entente. J'exprime ici, au gouvernement des Etats-Unis, ma reconnaissance pour son attitude à la conférence d'Algésiras.

En ce qui concerne notre politique extérieure en général, je voudrais, malgré toute mon admiration pour Bismarck, mettre en garde contre la tendance à le prendre toujours comme modèle. Dans nos relations avec les autres peuples, nous devons nous montrer corrects, mais nous abstenir d'effusions. Nous ne devons pas non plus nous faire tout petits et encore moins nous aplatir devant qui que ce soit. (Marques d'approbation.) Je tiens aussi à mettre en garde contre les suites d'un pessimisme que vraiment rien ne justifie.

Conclusion.

De l'avis même des Anglais, aucun peuple n'a autant de raisons que leuple allemand d'envisager l'avenir avec optimisme. Nous n'avons pas lieu de redouter à tel point l'isolement. Un peuple de 60 millions d'âmes, qui possède une armée comme la nôtre, n'est jamais isolé, tant qu'il reste fidèle à lui-même. Nous n'avons pas besoin de courir après personne, car ce serait non seulement indigne de nous, mais encore bien peu avisé.

Si nous tenons notre épée aiguisée et si nous nous rendons utiles à nos amis, nous serons en état de causer des désagréments à nos ennemis. Nous n'avons pas à trembler chaque fois que l'étranger plisse le front. Auparavant déjà, notre pays a traversé de dures périodes. De 1878 à 1889, nos relations avec la Russie ont été de plus en plus mauvaises et nos relations avec l'Angleterre, malgré tous les efforts de Bismarck, n'ont pas toujours été bonnes. D'autre part, nos relations avec la France étaient incontestablement plus mauvaises autrefois qu'à présent. Notre situation dans le monde serait donc meilleure que vers 1880, si nous n'avions commencé, depuis lors, à poursuivre une politique dont la portée dépassait ce continent.

Notre situation en Europe ne donne lieu à aucune crainte (Ecoutez! crie-t-on à gauche), mais notre politique mondiale, issue de l'épanouissement de notre commerce et de notre industrie, doit être dirigée par nous de telle sorte qu'elle ne mette pas en péril la sécurité de l'Empire. Déjà Moltke et Bismarck avaient fait ressortir qu'il pouvait se présenter des situations dans lesquelles nous en serions réduits à nos propres forces, mais nous devons être en mesure de faire face à ces éventualités.

Depuis la conférence d'Algésiras, nous pouvons envisager l'avenir avec tranquillité, bien qu'il subsiste encore, dans le domaine politique, une certaine nervosité qui invite à la prudence. Mais si, au milieu de nos discussions intestines, nous ne perdons pas de vue les intérêts, la prospérité et les droits de l'Empire tout entier, le peuple allemand saura conserver sa situation dans le monde.

L'accueil fait à ces déclarations par le Reichstag a été assez froid. La discussion a commencé aussitôt. On a entendu un socialiste, M. Wollmer, qui a déclaré la situation extérieure de l'Allemagne aussi mauvaise que possible; un député du centre, M. Spahn, qui s'est affirmé satisfait; enfin M. Wiemer, du parti libéral-démocrate, qui s'est attaqué au « régime personnel qui <«< règne en Allemagne et qui, funeste pour la politique intérieure, << est plus funeste encore pour la politique extérieure ». Le prince de Bülow a riposté aussitôt en ces termes :

L'empereur n'a jamais violé la Constitution et les reproches d'absolutisme ou de gouvernement personnel qui lui seront adressés sont tout à fait injustifiés.

L'empereur a un caractère beaucoup trop loyal pour chercher une direction ailleurs que dans son sentiment personnel du devoir et auprès de ses conseillers autorisés.

La suite du débat a été renvoyée au lendemain. Nous rendrons compte de sa conclusion dans notre prochaine livraison.

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France. La déclaration ministérielle; la politique extérieure du gouvernement. Le ministère Clemenceau s'est présenté devant le Parlement, le 5 novembre; voici le début de la déclaration ministérielle, lue ce même jour à la Chambre et au Sénat, et qui traite plus particulièrement de la politique étrangère du gouver

nement:

Messieurs, le gouvernement qui se présente devant vous n'est point issu d'une crise parlementaire. L'état de santé de notre éminent collègue M. Sarrien l'ayant mis, au grand regret de tous, dans l'obligation de prendre un repos prolongé, M. le président de la République nous a confié la charge de former un nouveau cabinet.

En l'absence de tout dissentiment entre la majorité et le ministère qui vient de résigner ses pouvoirs, une seule indication s'offrait à nos esprits c'est que le pays, récemment consulté, avait fait connaitre sa volonté d'accentuer, d'activer l'œuvre de réformation. Nous nous sommes donc efforcés de modeler au plus près le gouvernement sur la représentation nationale, afin d'assurer la prompte exécution du mandat reçu des électeurs.

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Par cela même qu'elle est conforme à ce mandat, notre politique extérieure vous est connue d'avance, car le pays n'a pas plus varié dans sa volonté de maintenir la paix une paix de dignité que dans sa persistante revendication du droit républicain. Nous le constatons avec orgueil, depuis trente-cinq ans que la République est fondée, il n'est pas un moment de son histoire où l'on ait pu l'accuser sincèrement de menacer la paix européenne. Nous saurons faire que nos intentions à cet égard ne puissent être méconnues, et déjà nous en offrons pour gages, avec les idées mêmes qui sont au gouvernement notre raison d'être, les conditions de tranquillité générales requises pour les mettre en voie de réalisation.

En même temps nous faut-il accepter les conditions d'équilibre international que l'état actuel de l'Europe impose à tous les peuples. Quand la paix du monde civilisé se fonde sur la force des armes, comment pourrions-nous désarmer, c'est-à-dire détruire de nos propres mains la suprême garantie de notre indépendance ? (Applaudissements.) Jusqu'au jour, heureux mais incertain, où le régime de l'ordre entre les nations pourra être changé, notre premier devoir envers la patrie est de ne laisser affaiblir dans aucun de ses éléments sa puissance défensive. (Applaudissements.)

De cette puissance défensive, nos ententes internationales sont une importante partie. Et nous appliquant à cultiver, à améliorer nos bons rapports avec tous les gouvernements, nous aurons soin de maintenir, de développer, une alliance contractée des deux parts dans l'intérêt de la paix, ainsi que des amitiés dont il nous fut donné de faire l'épreuve. (Très bien ! très bien !) D'ailleurs, notre diplomatie que nous voulons

républicaine se souviendra qu'aux heures difficiles l'autorité morale d'une politique de droiture ouvertement pratiquée peut être d'un poids déterminant dans les balances de l'opinion européenne avec laquelle aucun gouvernement, désormais, ne peut se dispenser de compter. (Appl.)

Aussitôt après la lecture de cette déclaration, la Chambre des députés a voté, sans discussion, sur 376 voix contre 96, un ordre de jour de confiance au gouvernement.

Diner du Comité de l'Asie Française en l'honneur de M. Gérard, ambassadeur de France à Tokyo. Le 8 novembre, a eu lieu, à l'hôtel Continental, le diner offert par le Comité de l'Asie Française à M. Gerard, ambassadeur de France au Japon, et à M. Beau, gouverneur général de l'Indo-Chine. M. Emile Senart, de l'Institut, président du Comité, présidait assisté de M. Guillain, député, viceprésident du Comité, et de MM. Bertin et Henri Cordier. Parmi les assistants très nombreux, nous citerons Mme Isabelle Massieu, M. M. Harmand, ambassadeur honoraire, ancien ministre de France à Tokyo, le prince d'Arenberg et E. Chavannes, de l'Institut, les généraux Dodds, Coronnat, de Beylié, et MM. Develle, ancien ministre, Defrance et Soulange-Bodin, ministres plénipotentiaires, Robert de Billy, secrétaire d'ambassade, A. Bergeron, Kammerer, Bons d'Anty, Gout, Hardouin et Clavery, consuls de France, J.-H. Franklin, rédacteur en chef des Questions Diplomatiques et Coloniales, André Chaumeix, rédacteur en chef du Journal des Débals, marquis de Frondeville et Lucien Villars, administrateurs de la Banque de l'Union parisienne, Finot, ancien directeur de l'Ecole française de l'Extrême-Orient, Robert Lebaudy, comte de Labry, Paul Labbé, Cl. Madrolle, colonel Monlezun, les capitaines d'Ollone, de Piépape et Pruneau, les lieutenants de vaisseau de Caqueray et de MandatGrancey, Spronck, député, Vissière, professeur à l'Ecole des Langues orientales, Frédéric Mallet, A. Deguy, etc. Au dessert, M. Emile Senart, président, a prononcé les paroles suivantes :

Messieurs,

Les hôtes éminents dont je suis entouré expriment excellemment les deux aspects de l'action française en Asie: dans ses rapports avec les nations étrangères, avec lesquelles nous souhaitons entretenir ces relations économiques et intellectuelles qui sont un gage d'amitié et d'entente; dans ses rapports avec les régions où, ayant directement ou indirectement assis son pouvoir, la France aspire à créer par les bienfaits mêmes de son gouvernement des forces grandissantes d'expansion et de culture. C'est aussi la double préoccupation qui sollicite et anime les efforts du Comité de l'Asie Française.

L'honneur que nous ont fait nos éminents voisins en acceptant notre modeste invitation de ce jour témoigne qu'ils apprécient les intentions dont nous nous inspirons et marque une bienveillance qui nous est infiniment précieuse. Je tiens à leur dire toute notre gratitude. A l'ambassadeur de France au Japon, au gouverneur général de l'Indo-Chine a bien voulu se joindre M. Harmand, notre ancien représentant à Tokyo. Nous aimons à honorer les services passés du moment où nous faisons

fête aux talents et aux dévouements éprouvés qui se préparent à assumer les responsabilités de demain.

A ces remerciements il me faut malheureusement ajouter un regret : c'est celui que nous laisse l'absence de notre président d'honneur que la préparation un peu hâtive de cette réunion n'a pas trouvé libre de venir ce soir parmi nous. Mais M. Etienne est du moins présent dans notre pensée à tous, il ne saurait manquer au rendez-vous du Comité de l'Asie Française qui ne se fera jamais le tort d'oublier tout ce qu'il lui doit. (Applaudissements.)

Jamais, je pense, les hommes qui réfléchissent et qui prévoient n'ont mieux senti la nécessité de fortifier parmi nous, pour la grandeur et l'avenir du pays, des œuvres comme celle-ci, des centres d'informations, d'action extérieure, suivie, persévérante dans ces pays lointains qui échappent trop aisément aux prises de la plupart des esprits. Ils savent que notre état démocratique, avec les conséquences qu'il implique, que ce qu'il peut y avoir de fondé dans les reproches assurément très excessifs d'infatuation et de légèreté que l'on adresse volontiers à notre caractère, rendent cette tâche particulièrement nécessaire et urgente.

Plus nous sentons la difficulté de lui assurer toute l'ampleur qui serait dans nos ambitions, plus nous devons d'obligations aux amis qui nous aident. Il est des sympathies si généreuses, que je m'estimerais heureux de les signaler ici publiquement; je m'arrête devant des scrupules de réserve trop honorables. Nous ne pouvons mieux acquitter notre dette que par un dévouement absolu à l'œuvre commune. J'aime pourtant à affirmer que tous nous poursuivons une œuvre vraiment française et humaine, libre de toute arrière-pensée, supérieure à toutes considérations autres que l'honneur et l'intérêt français.

Je vous remercie tous, Messieurs, d'être venus apporter à ces sentiments le prestige de votre concours si empressé et si autorisé. Et puisque aussi bien cette réunion est en quelque sorte une séance de rentrée, je me reprocherais de ne pas envoyer notre commun et fidèle souvenir aux voyageurs qui, à cette heure même, dans le Turkestan chinois, et par delà les Pamir, portent brillamment, pardonnez-moi l'expression un peu ambitieuse, les couleurs du Comité: à M. Pelliot et à ses compagnons; au commandant de Lacoste.

C'est aussi en votre nom à tous que je veux lever mon verre en l'honneur de nos invités, que je veux les assurer combien cordialement nous appelons les plus heureux augures sur les missions diverses mais également considérables qui les appellent. Nous en suivrons le développement avec une attention constante; ils en ont pour garant non seulement notre patriotisme, mais les sentiments de haute sympathie dont ils me permettront, je l'espère, de leur renouveler l'hommage.

Ils me permettront aussi, j'en suis sûr, de nommer, après eux, d'autres pa tants, de ces voyageurs vaillants et expérimentés que je suis heureux de voir ici, M. Bons d'Anty et M. le capitaine d'Ollone qui se préparent avec le concours moins large qu'il ne souhaiterait, mais bien chaleureux de notre Comité, à aborder de nouveau des régions mal connues et peu accessibles du grand Empire chinois.

A des degrés hiérarchiques inégaux et par des moyens variés, mais dans un commun esprit de dévouement au pays, les uns et les autres s'apprêtent à servir de tout leur pouvoir la France en Asie nos pensées les associent naturellement dans des vœux communs d'heureux voyage et d'heureux succès. (Vifs applaudissements.)

QUEST. DIPL. ET COL. -T. XXII.

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