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pierres le canot à vapeur du croiseur Galilée qui stationnait à l'appontement de Tanger. Un de nos marins fut blessé. Une enquête fut aussitôt ouverte sur les réclamations du gouvernement français, et les auteurs de l'agression furent arrêtés et emprisonnés. Et la note officielle communiquée à cet effet aux journaux français ajoutait que des mesures avaient été prises pour empêcher le retour de pareils faits. Cependant, quatre jours plus tard, le 9 novembre, deux géomètres français, employés par une société française, étaient assaillis par deux miliciens marocains, alors qu'ils opéraient sur des terrains à proximité de Tanger. Les agresseurs, un moment arrêtés, furent aussitôt relâchés. Enfin, pendant plusieurs heures, la ville de Tanger a été privée d'éclairage par suite de la défense, faite par les agents d'Erraïssouli à la Compagnie d'électricité, de s'approvisionner d'eau dans les puits de la ville. La Compagnie a dû se résigner à payer à Erraïssouli un tribut pour obtenir l'eau nécessaire. Le gouvernement espagnol a avisé le Makhzen qu'il le rendait responsable des sommes ainsi indûment exigées de la Compagnie d'électricité.

Au sujet de cette regrettable situation, le Temps a publié, le 10 novembre, une intéressante conversation que son collaborateur, M. Georges Villiers, a eue avec M. Regnault, ministre de France au Maroc, de passage à Paris. Voici les déclarations de M. Regnault.

La grosse question du moment, a déclaré M. Regnault, est celle de la sécurité à Tanger. Nul plus que moi ne regrette les exagérations que publient certains journaux sur les affaires marocaines. Mais force m'est de reconnaître que la situation actuelle est loin d'être satisfaisante. Un de mes collègues étrangers la caractérisait récemment avec beaucoup de justesse en disant qu'un changement radical s'imposait. En quoi peut consister ce changement?

A l'heure où nous sommes, et surtout à Tanger, l'autorité du Makhzen n'existe plus. C'est l'impuissance et l'abdication totale au profit d'Erraïssouli. Et Erraïssouli, devenu fonctionnaire, a gardé des mœurs de brigand. Le jour où, sur ses sommations, le Makhzen l'a nommé caïd du Fahç, c'est-à-dire de la plaine, ou en d'autres termes de la banlieue de Tanger, où les Européens ont de grosses propriétés, il avait espéré sans doute le contenir et le dominer par les liens de la hiérarchie. Il est trop clair aujourd'hui qu'Erraïssouli ne se reconnait point de maître. Le Temps a publié le récit de ses derniers exploits: fermeture des puits, taxes illégales prélevées à main armée, scellés apposés sur les pompes de la Compagnie espagnole d'électricité, extorsions de fonds sous tous prétextes, exécutions arbitraires; je n'y reviens pas. Je constate seulement que, si demain Erraissouli veut, après la banlieue, tenir aussi Tanger, ce n'est pas le Makhzen qui pourra l'en empêcher.

Est-ce à dire qu'on doive prévoir pour une heure prochaine des événements fâcheux ? Il est impossible de rien affirmer, car au Maroc les événements ne s'enchaînent pas suivant un ordre logique. On assiste à l'embrasement de successifs feux de paille, qui demain seront éteints, mais qui après-demain peuvent flamber de nouveau. Je ne saurais mieux traduire ma pensée qu'en vous disant que c'est l'incertitude absolue. Cela peut s'arranger. Cela peut s'aggraver. Nul ne sait si c'est la première

hypothèse qui se vérifiera ou la seconde. Vous voyez donc que je ne suis pas un prophète de malheur. Mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'à Tanger on ne peut compter à aucun degré sur le gouvernement du sultan. Ce gouvernement n'existe malheureusement pas. C'est le néant. Or, le néant n'est pas une garantie. Et c'est pourquoi, sans pousser les choses au noir, je pense que l'insécurité présente, l'impossibilité où l'on est de tabler sur l'avenir créent pour les étrangers résidant au Maroc un état de choses qui justifie toutes leurs préoccupations. Tanger est une ville trop européenne pour que cette instabilité puisse s'y prolonger sans dommage.

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Là contre, que pouvons-nous faire ? Pour le présent, rien de plus que ce que le conseil des ministres a décidé. Je crois d'ailleurs que sence du Galilée, de la Jeanne-d'Arc et des deux vaisseaux espagnols suffit comme avertissement. Pour l'avenir, nous remplirons, avec l'Espa gue, le rôle que nous a tracé la conférence et nous le remplirons aussi vite que nous pourrons. Vous savez quelle est la marche à suivre d'abori constituer la Banque d'Etat, puisque c'est elle qui payera la police. Le comité d'études a, cet été, élaboré les statuts. Ces statuts ont été, comme le prévoyait l'Acte final, soumis à l'approbation des quatre censeurs, qui est acquise. Le comité rédige en ce moment même le règlement intérieur qui déterminera les relations de la Banque avec le gouvernement marocain. Et je pense que ce règlement sera complet aujourd'hui ou demain. Quand il aura été, comme les statuts, approuvé par les censeurs, nous serons à pied d'œuvre. Et il ne restera plus qu'à former l'assemblée générale. Pour réunir cette assemblée, il faut que toutes les puissances aient ratifié l'Acte fina!. En admettant - et j'espère qu'on gagnera du temps que les ratifications ne soient achevées que le 31 décembre, j'estime que la Banque pourra fonctionner au plus tard dans le courant de février.

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D'ici là, nous nous mettrons, avec l'Espagne, d'accord sur l'organisation de la police. Le gouvernement suisse pourra désigner l'inspecteur. Et dès le mois de mars, par conséquent, le règlement relatif à la police. réglement à l'élaboration duquel doivent participer l'officier français et l'officier espagnol le plus élevé en grade, l'inspecteur et un délégué chérifien, sera vraisemblablement établi. Il n'est donc pas téméraire de conclure que la police aura ses cadres prêts au début du second trimestre de 1907. Ce que je vous ai dit tout à l'heure me dispense d'ajouter qu'il eût mieux valu, dans l'intérêt de tous, abréger ce délai. Mais comment eût-ce été possible?

Au reste, nous allons tout de suite, mes collègues et moi, nous mettre à un travail utile. Vous savez que la conférence a chargé le corps diplomatique d'établir avec les représentants du Makhzen les règlements relatifs aux travaux publics et à la répression de la contrebande. Sur cette dernière question, l'Acte final est assez détaillé pour que nous n'ayons pas grand'chose à y ajouter. Sur la première, qui est essentielle tant au point de vue du développement économique du Maroc qu'à celui de la bonne harmonie entre les puissances, les plénipotentiaires ont posé des principes. Il nous faut les traduire en dispositions pratiques. Mokhi, de retour de Fez, a déjà fait savoir aux légations qu'il était prêt à commencer cette étude. Nous sommes tous désireux de la conduire à bonne fin dans le plus bref délai. Restent les incidents de frontière. Il ne faut pas en exagérer l'importance, mais il serait fâcheux pourtant de les négliger. Je ne crois pas du tout aux menaces de guerre sainte, dont quelques journaux ont parlé. Par

contre, je suis convaincu que nos postes vont avoir à repousser des attaques sporadiques qui seront comme la monnaie du grand rezzou annoncé souvent, certainement préparé, mais jamais réalisé. Toutes les fois que nous serons ainsi inquiétés, nous devrons répondre énergiquement, en usant des droits que nous confèrent, pour la poursuite des agresseurs, les traités de 1843, de 1901 et de 1902. Ce sont là des représailles indispensables. Nous aurions grand tort de ne pas les exercer. Quant à croire que les pillards marocains soient actuellement un réel danger pour nous, je ne le pense pas.

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Vous voyez donc mon état d'esprit et comment j'estime qu'il faut juger la situation. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter outre mesure, mais force est bien de constater une anarchie gouvernementale qui, dans les villes où résident les Européens, appelle notre plus sérieuee attention. Du côté de l'Algérie, vigilance, fermeté, vigueur, mais pas d'emballement répressif et pas d'exagérations pessimistes. Dans les ports, mise en œuvre, aussi prompte que pourra se faire, des décisions de la conférence. Et d'ici là, des mesures de surveillance et de précaution, qui jouent vis-à-vis d'Erraïssouli et de ses pareils le rôle de frein que le Makhzen ne jouc plus. Ce sont là les instructions mêmes dont le gouvernement m'a muni et dont je m'inspirerai à Tanger, en parfait accord, je n'ai pas besoin de vous le dire, avec les autorités civiles et militaires qui sont, en Algérie, mes collaboratrices pour tout ce qui concerne la frontière.

-Les œuvres françaises au Maroc. Les Questions Diplomatiques et Coloniales (n° du 1er décembre 1905) avaient souligné l'insuffisance du crédit de 310.000 francs inscrit au budget des affaires étrangères pour les « œuvres françaises au Maroc », et montré la nécessité de revenir sinon au chiffre initial d'un million proposé par M. Jaurès, au moins à celui de 600.000 francs qu'avait adopté la Commission des affaires extérieures et coloniales.

La Commission du budget de 1907 a entendu cet appel qu'avaient instamment répété auprès de lui le ministre des Affaires étrangères et le ministre de France au Maroc. Elle vient de relever de 290.000 francs le crédit attribué aux œuvres françaises au Maroc et porté ainsi à 600.000 francs. De plus, elle en a fait un chapitre spécial du budget, le chapitre 23.

Il faut maintenant souhaiter que la Commission sénatoriale des finances ne se montre pas moins clairvoyante et qu'elle donne à notre politique marocaine en 1907 les moyens, encore bien faibles, que représente ce crédit de 600.000 francs.

Mauritanie. L'affaire de Tidj-Kadja. Une rencontre a eu lieu le 26 octobre dernier, aux environs du poste de Tidj-Kadja, en Mauritanie, entre un détachement de tirailleurs et un parti de Maures de l'Adrar. Au cours de cette rencontre, deux lieutenants et deux sergents français ont été tués : les lieutenants Andrieux et Douville de Fran-su, les sergents Fleurette et Philippe. En outre, on a également à déplorer la mort de plusieurs tirailleurs. D'après les renseignements parvenus au ministère des Colonies, le détachement français attaqué par les Maures opérait une reconnaissance dans les envi

rons du fort Coppolani. Les agresseurs étaient au nombre de plus de cinq cents, armés pour la plupart de fusils à tir rapide. Malgré leur énorme supériorité numérique, ils eurent de nombreux tués et blessés.

La note officielle communiquée à ce sujet par le ministère ajoute que le poste de Tidj-Kadja qui depuis l'assassinat du premier administrateur de la Mauritanie porte le nom de Fort-Coppolani, est bien fortifié et amplement approvisionné en vivres et en munitions, et le capitaine Tissot, qui le commande, déclare pouvoir y résister à une attaque éventuelle. M. Milliès-Lacroix s'est néanmoins assuré que des renforts lui étaient envoyés. Les mesures nécessaires ont été prises par M. Merlin, gouverneur général par intérim.

Le ministre des Colonies, dès qu'il eut connaissance de l'événement, a immédiatement convoqué les hauts fonctionnaires de l'Afrique Occidentale Française actuellement en congé en France.

Après avoir conféré avec eux sur les mesures qu'il convenait de prendre, il a invité M. Merlaud-Ponty, lieutenant-gouverneur du Haut-Sénégal et du Niger, et le colonel Montané-Capdeboscq, commissaire du gouvernement en Mauritanie, à regagner leurs postes par le prochain courrier.

Il a également prié le général Audéoud, nommé tout récemment commandant supérieur des troupes de l'Afrique Occidentale Française, de rejoindre Dakar par le paquebot du 23 novembre.

Sahara algérien. Un incident à Bilma. Le Petit Parisien a reçu le 10 novembre, de son correspondant de Tripoli, une dépêche suivant laquelle des caravanes arrivées à Tripoli le 8 novembre auraient annoncé qu'un poste français avait été assailli à Bilma par des cavaliers venus du Tibesti, lesquels avaient été repoussées avec de fortes pertes. Voici, d'autre part, les renseignements publiés à ce sujet par le Temps:

Le lieutenant-gouverneur du Haut-Sénégal-Niger a reçu des nouvelles du commandant Gadel qui se trouve actuellement à Bilma.

Les habitants de cette oasis lui témoignent leur reconnaissance de les avoir délivrés des rezzous Hoggâars et d'avoir ramené le calme parmi eux. Le commandant Gadel était allé, au début de septembre, avec un détachemeut de tirailleurs visiter une oasis située à 200 kilomètres environ au Nord-Ouest de Bilma.

Il fut attaqué le 13 septembre au point de Djerib par 80 Hoggaars armés, pour la plupart, de fusils à tir rapide.

Les nomades furent mis en fuite en abandonnant leurs armes et leurs animaux et en laissant 15 des leurs tués ou blessés.

De notre côté, nous avons à déplorer la mort d'un sous-officier européen et d'un caporal indigène.

France.

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EUROPE

La convention de commerce franco-suisse. La Chambre des députés, a adopté sans modification le projet de convention commerciale franco-suisse, arrêté à Berne le 20 octobre dernier. Cette convention contient 29 articles dont plusieurs modifient sensiblement les dispositions de celle de 1895. La nouvelle convention qui entre en vigueur le 20 novembre — n'est plus dénonçable d'un jour à l'autre, elle « demeurera exécutoire jusqu'à « l'expiration d'une année à partir du jour où l'une des parties con<< tractantes aura notifié à l'autre son intention d'en faire cesser les « effets » (art. 28). En outre, les articles 1 et 2 disposent que si l'un des droits énumérés dans les tableaux annexes vient à être relevé, cette mesure ne pourra être appliquée qu'un an après notification à l'autre partie. L'article 3 oblige le gouvernement suisse à accorder aux produits du pays de Gex le bénéfice des dispositions contenues dans un règlement spécial; il donne ainsi un caractère bilatéral aux engagements qu'avait pris le Conseil fédéral par un simple arrêté de

1895.

La clause de la nation la plus favorisée est contenue à l'article 4. Quant aux autres articles, ils traitent du transit, des droits de consommation et drawbacks, du contrôle des objets en métaux précieux, des certificats d'origine, de l'application de la convention à l'Algérie, etc.; ils reproduisent presque tous des dispositions des précédents traités conclus entre les deux pays ou des récents traités conclus entre la Suisse et ses autres voisins. Notons en particulier l'article 24 qui stipule que toutes contestations seront tranchées non pas par la cour de la Haye, mais par un tribunal arbitral constitué d'après un règlement spécial annexé à la convention.

Nous trouvons dans une première annexe la liste des réductions accordées par la Suisse sur son « tarif d'usage » actuel — c'est-à dire sur le tarif général modifié par les traités avec l'Italie, l'AutricheHongrie et l'Allemagne.

Ces réductions affectent près de 90 articles. Nous citons les plus importantes en indiquant entre parenthèses le droit du tarif d'usage: automobiles p. 100 kilos (40 et 60 fr.) 25 et 40 fr.; huile de sésame (2 fr.) 1 fr.; conserves de poissons en récipients (40 fr.) 10 fr.; sucre brut et cristallisé (7 fr. 50) 5 fr. ; en pains (9 fr.) 7 fr. 50; coupé ou en poudre (10 fr. 50) 9 fr.; vins mousseux en bouteilles (60 fr.) 40 fr.; en demi-bouteilles (60 fr.) 34 fr.; parfumerie en récipients de plus

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