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gerait la construction du railway (projet Brandon). Mais n'estce pas déjà trop que le Congo ait été dépouillé de son sol au profit des compagnies concessionnaires? Va-t-il perdre encore le privilège de lever l'impôt? Abdiquera-t-il un à un tous les droits régaliens? Le projet du reste semble écarté.

Partout on préfère aujourd'hui laisser les colonies construire et exploiter elles-mêmes leurs réseaux. L'exemple de la Nigéria, de la Côte d'Or, de nos colonies de l'Afrique Occidentale, de Madagascar, de l'Indo-Chine prouvent la supériorité de ce mode d'action. Mieux vaut mille fois que la métropole accorde une garantie d'intérêt que de laisser la colonie émietter peu à peu, au profit d'organisations privées, ses ressources et ses droits.

Le Congo recourra donc à l'emprunt pour construire son chemin de fer. La possibilité s'offre même de conclure l'emprunt sans demander à l'Etat de nouveaux sacrifices. La difficulté n'existe pas de trouver ici le gage d'un emprunt de 100 millions. Il n'est pas nécessaire de construire en une fois, d'une seule haleine, les 850 kilomètres du chemin de fer. Déjà la commission, réunie en octobre 1905 par M. Clémentel, ministre des Colonies, avait résolument limité à 75 millions le montant des dépenses jugées d'une indispensable urgence. Réduisant davantage encore le programme projeté des travaux publics, M. Gentil estime qu'une somme de 50 à 55 millions suffirait aux besoins du Congo. Encore comprend-il au nombre des dépenses prévues quelques travaux d'intérêt général autres que la voie ferrée. La grande raison de cette modération des devis est qu'il paraît possible de prendre provisoirement N'Djolé pour tête de ligne du chemin de fer. C'est de ce lieu seulement que le rail partirait pour gagner l'intérieur. Aussi bien N'Djolé est-il dès aujourd'hui un centre important, un lieu de passage très fréquenté; la navigation sur l'Ogooué le met en rapports faciles avec Cap-Lopez et la haute mer. Dans quelques années seulement le rail réunirait, selon le projet primitif, Libreville à N'Djolé.

Ces 55 millions seraient réalisables par tranches, au fur et à mesure des besoins, et sous la réserve que la colonie ne serait autorisée à se procurer les capitaux qu'autant que les ressources lui permettraient de faire face au service d'amortissement. Ils seraient affectés aux travaux suivants :

Création d'un Decauville destiné à supprimer le portage
entre Fort-Sibut et Fort-Crampel......

Etablissement d'un câble sous-marin entre Libreville et
Loango.....

Extension du réseau télégraphique et amélioration de la rade
de Libreville (éclairage) et de la navigation..
Remboursement de l'emprunt de 1900....

Exécution des travaux du chemin de fer entre N'Djolé et l'Ivindo....

13 millions

32

35

55 millions

Mais une partie seulement de ces 55 millions est immédiatement nécessaire.

Dix-sept millions seraient suffisants pour amorcer les

travaux.

Ils pourraient être répartis ainsi qu'il suit :

Pour la plate-forme du Decauville à continuer entre Fort

Sibut et Fort-Crampel..

Pour le câble Libreville-Loango.

Pour le remboursement de l'emprunt 1900..

Pour les lignes télégraphiques....

Pour le chemin de fer N'Djolé-Ivindo.

2 millions

2

2

1

10

17 millions

Or, pour fournir un gage à cette première tranche de l'emprunt, une ressource fixe, dès maintenant déterminée, existe.

Si certaine que soit l'augmentation annuelle des revenus fiscaux de la colonie, il est possible, vu la timidité ordinaire des capitaux français, de gager sur un revenu plus sûr encore cette première partie de l'emprunt. Il suffit d'affecter à ce service la subvention métropolitaine.

La prospérité du Congo permet à la colonie depuis quelque temps déjà de faire face à ses besoins avec ses ressources propres. Dès 1907, l'allocation métropolitaine de 700.000 francs devenant libre de toute autre affectation, et à laquelle pourraient s'ajouter 100.000 francs fournis par la colonie, servirait à la garantie de ce premier emprunt de 17 millions.

L'Etat apporterait de la sorte un concours précieux sans qu'il en coûtât aux contribuables des sacrifices nouveaux. Deux années au moins seraient nécessaires pour dépenser utilement cette première tranche.

C'est donc en 1909 que la colonie devrait offrir les ressources nouvelles pour gager une nouvelle émission. Examinons donc de quelles ressources le Congo pourra disposer à cette époque. Nous avons déjà fait ressortir combien les exportations de

QUEST. DIPL. ET COL.

- T. XXII.

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caoutchouc augmentaient rapidement. Elles atteindront très certainement 3.000 tonnes en 1909', soit une augmentation de 1.000 tonnes environ sur 1906. Lesquelles 1.000 tonnes, à elles seules, nous procureront une augmentation annuelle de droits de 600.000 francs. Une pénétration plus avancée permettra d'exiger la capitation d'un nombre plus élevé d'indigènes. L'augmentation peut être estimée à 100.000 francs. A cette époque encore, les sociétés concessionnaires mieux outillées connaîtront une fortune meilleure. Les parts de bénéfices qu'elles verseront à la colonie seront plus considérables. L'augmentation de ce chef peut encore être estimée à 100.000 francs, surtout si l'on songe qu'en 1910 les redevances de ces mêmes sociétés augmentent d'un tiers, soit 200.000 en chiffres ronds. Elles sont de plus de 500.000 fr., actuellement.

La colonie pourra donc aisément garantir l'annuité de 800.000 francs nécessaire pour gager la deuxième tranche de 17 millions.

Dans ces conditions, la garantie de l'emprunt est largement assurée.

Mais s'il a paru impossible de procurer des fonds à l'Afrique Occidentale et à Madagascar sans une intervention analogue de l'Etat, encore bien plus le serait-il de procurer, sans elle, de l'argent au Congo.

L'Afrique Occidentale, avec son commerce de 156 millions par an, avec le bon renom qu'elle possède en France, après une émission déjà heureuse de 65 millions de titres, a besoin de la garantie de l'Etat pour le nouvel emprunt de 100 millions qu'elle va contracter. Le Congo, vaste domaine dans l'enfance, peu exploité encore, parfois mal connu, n'inspirerait aux capitaux qu'une confiance timorée. Pourquoi, seul de toutes les possessions françaises, subirait-il ce sort injuste d'être négligé de la métropole? Acquis à peu de frais, il est loin d'avoir coûté ce qu'ont exigé de nous les guerres d'Algérie, l'expédition de Tunisie, l'occupation du Sénégal et du Soudan, la conquête du Tonkin, du Dahomey et de Madagascar. Aujourd'hui même, le Congo ne grève nos finances que d'une somme moindre que nos autres grandes colonies. Si la métropole y paie les dépenses militaires (2.562.136 francs) et lui accorde une subvention annuelle de 700.000 francs, le total de ces dépenses n'atteint pas celles que nous valent l'Afrique occidentale ou l'Indo-Chine. Le Congo n'absorbe que 3.260.000 francs,

1 Pour la période de 1902 à 1905, alors que les concessionnaires étaient moins actifs, cette augmentation a été de 1.100 tonnes pour le haut pays seul.

alors que le seul entretien des troupes pour l'Afrique Occidentale revient à plus de 6 millions, pour Madagascar à plus de 8 et pour l'Indo-Chine (en tenant compte du contingent fourni par la possession) à 6 millions.

Le Congo peut donc compter sur la garantie de l'Etat pour contracter un emprunt.

Trop de richesses sont enfouies dans son sol et trop de facilités seront offertes à leur exploitation par l'acquisition de l'outillage nécessaire, pour que dans quelques années la mise en valeur de la colonie ne présente pas seulement le gage voulu, mais de larges disponibilités. Oublions-nous que plusieurs des territoires de l'Afrique Occidentale présentaient des garanties certes moins sérieuses quand on y a créé les premières voies ferrées? Le Congo attend donc avec confiance du concours du Parlement et de l'opinion les moyens de réaliser le programme que son commissaire général a tracé à son avenir. Il y va pour lui d'un intérêt immense sans crédit, le Congo, après l'effort qu'il vient de fournir, est assuré de ne pouvoir plus d'ici longtemps progresser dans son essor économique; avec des crédits, il s'offre à une mise en valeur plus étendue et mieux comprise, il s'achemine vers la fortune brillante à laquelle il est destiné.

LUCIEN CAMBIER.

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Il peut être intéressant, au point de vue de la politique générale de l'Europe, de connaître par des faits et des chiffres précis l'organisation militaire des Etats indépendants de la presqu'île des Balkans, l'avenir pouvant les appeler à jouer, dans les conflits militaires des puissances européennes, un rôle des plus importants. Voici donc quelques renseignements détaillés sur le régime militaire de la Roumanie.

La Roumanie forme une agglomération de six millions d'habitants, remarquablement individualisée, servie par l'unité de langue et par l'unité de religion. Son armée est homogène; officiers et soldats y ont la notion de la discipline militaire et le sentiment patriotique fort développé. A la mobilisation, la Roumanie peut mettre en ligne, en tant que troupes susceptibles d'opérer en dehors du territoire national, quatre corps d'armée, la division de la Dobrudja et une division de cavalerie indépendante. Tous ces éléments sont convenablement outillés en armes, matériel d'artillerie, voitures et convois. Ils donnent une impression de l'effort fait par la Roumanie pour affirmer sa puissance militaire. Avec une population sensiblement égale à celle de la Bavière ou aux populations réunies de la Saxe et du Wurtemberg, la Roumanie fournit quatre corps d'armée au lieu de trois. L'appoint de puissance apporté à l'armée active de l'Empire allemand par la Bavière se traduit par 74 bataillons, 50 escadrons, 72 batteries. La Roumanie entretient 110 bataillons, 87 escadrons, 75 batteries. L'effort qu'elle produit est donc plus grand que celui de la Bavière. On en juge mieux quand on compare les effectifs budgétaires allemands aux effectifs budgétaires roumains. L'Allemagne entretient 635.000 hommes et 125.000 chevaux, chiffres arrondis. L'effectif budgétaire roumain comporte actuellement 3.700 officiers et fonctionnaires militaires, 500 employés, 60.000 hommes permanents, 72.000 hommes semi-permanents, 20.000 chevaux, dont 7.000 semipermanents, chiffres également arrondis.

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