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Il est inadmissible que nous puissions songer à conserver un régime sous lequel une parcelle de la population peut offenser gravement une nation amie et que le gouvernement fédéral voie sa tâche limitée non pas à empêcher l'outrage d'être commis, mais seulement à défendre ceux qui s'en sont rendus coupables contre les conséquences de leur mauvaise action.

Le Maroc et la convention d'Algésiras.

Sur la question marocaine et la convention d'Algésiras, le président s'exprime en ces termes :

Cette convention, qui a été signée par les Etats-Unis aussi bien que par la plupart des puissances européennes, remplace celle de 1880, qui avait aussi été signée par les Etats-Unis et par une majorité de puissances européennes. Ce traité nous confère des droits commerciaux égaux à ceux de tous les pays européens et ne nous impose pas une seule obligation, et j'espère fermement qu'il sera promptement ratifié. Refuser de le ratifier équivaudrait seulement à abandonner les droits commerciaux que nous avons au Maroc et ne nous procurerait aucune espèce d'avantage.

Si nous refusions notre ratification, nous nous trouverions, pour la première fois, sans traité de commerce avec le Maroc pour une période de cent vingt et un ans, et cela à un moment où nous cherchons partout de nouveaux marchés et de nouveaux débouchés pour nos marchandises.

L'intervention à Cuba.

Le président rappelle ensuite l'insurrection qui a éclaté à Cuba au mois d'août dernier et le rôle qui a été rempli par les Etats-Unis à la suite de cet événement.

Je profite, dit-il, de cette occasion pour déclarer au nom du peuple américain et de la façon la plus solennelle que nous espérons très sérieusement voir le peuple cubain répondre au besoin urgent de protéger la justice et de maintenir l'ordre dans l'ile. Les Etats-Unis ne désirent pas autre chose que la prospérité morale et matérielle de Cuba.

Ils demandent seulement que les Cubains soient capables de conserver eux-mêmes l'ordre chez eux et de sauvegarder leur indépendance. Si les élections sont une farce et que les dispositions insurrectionnelles se maintiennent dans l'ile, il sera absolument inadmissible que Cuba demeure indépendant, et les Etats-Unis, qui sont responsables vis-à-vis du monde civilisé en ce qui concerne la nation cubaine, seront de nouveau obliges d'intervenir et de veiller à ce que l'ile soit gouvernée de manière à procu rer la sécurité des personnes et des biens des habitants.

J'ai la plus grande sympathie et la plus grande estime pour les Cubains, mais je les adjure très sérieusement de peser leurs responsabilités et de veiller à ce que leur nouveau gouvernement fonctionne bien, sans flagrants dénis de justice d'un côté et sans désordres insurectionnels de l'autre.

La conférence panaméricaine.

Le message s'étend sur la conférence des républiques américai nes, qui a eu lieu à Rio-de-Janeiro, et sur ses résultats au point de vue de l'extension du commerce, du développement des moyens de communication, de la suppression des barrières qui s'opposaient à

la liberté du commerce et de l'amélioration des relations morales entre les différents pays représentés.

L'harmonie a régné dans les séances de la conférence, et ses conclusions ont été adoptées avec une grande unanimité.

Le voyage que le secrétaire d'Etat, M. Elihu Root, a fait à Riode-Janeiro, avait pour objet principal de mettre fin au malentendu existant entre différents pays de l'Amérique et les Etats-Unis concernant la façon dont l'Union interprète la doctrine de Monroe.

La doctrine de Monroe.

Le président reproduit dans son message les déclarations faites à ce sujet par M. Elihu Root à la conférence de Rio:

Nous ne désirons aucune autre victoire que celle de la paix, aucun autre territoire que le nôtre. Nous ne voulons dominer personne, excepté nousmêmes.

M. Roosevelt constate que ces paroles ont été accueillies avec enthousiasme dans toute l'Amérique du Sud.

Il dit en outre que, pour caractériser l'altitude des Etats-Unis concernant la doctrine de Monroe, il ne peut mieux faire que de citer les paroles prononcées par le docteur Drago, ancien ministre des Affaires étrangères de la République Argentine, dans le discours de bienvenue adressé à M. Root à Buenos-Aires :

La politique traditionnelle des États-Unis, a dit M. Drago, a condamné, sans impliquer une suprématie ni chercher une prépondérance, l'oppression des nations de cette partie du monde par les grandes puissances européennes et l'influence exercée par ces puissances sur les destinées des peuples américains.

Le recouvrement des dettes publiques par la force.

Le président appelle ensuite, comme il l'a déjà fait en 1905, l'attention du Congrès sur les embarras que peut causer au gouvernement des États-Unis l'affirmation, de la part de nations étrangères, du droit de recouvrer par la force des armes les dettes contractées par des républiques américaines envers des citoyens de ces nations étrangères. Il fait remarquer que le recouvrement des dettes en question par la force peut avoir pour conséquence de rendre permanente l'occupation d'un territoire.

Ce point a été discuté par la conférence de Rio, qui a adopté une résolution par laquelle elle a recommandé aux gouvernements représentés dans son sein d'examiner s'il y avait lieu de demander à la deuxième conférence de la paix de la Haye d'étudier la question du recouvrement des dettes publiques par la force et les moyens propres à diminuer entre les nations les conflits ayant une cause purement pécuniaire. Cette résolution a été appuyée par les délégués des ÉtatsUnis en vertu d'instructions ainsi conçues :

Le gouvernement des Etats-Unis a depuis longtemps pour politique de ne pas se servir de sa force armée pour recouvrer les dettes contractées envers ses nationaux par d'autres gouvernements. Nous n'avons pas considéré l'emploi de la force dans un pareil but comme compatible avec le respect de la souveraineté indépendante des autres membres de la famille des nations, respect qui est le plus important principe du droit des gens et la principale protection des nations faibles contre l'oppression des nations fortes.

Il nous semble que le procédé en question est nuisible aux relations des peuples et au bien-être des États faibles et instables, dont le développement doit être encouragé dans l'intérêt de la civilisation. Nous pensons aussi qu'il fait souvent naitre la tentation de se livrer à des actes d'oppression et d'entreprendre des guerres inutiles et injustifiables. Nous regrettons que d'autres puissances, dont nous estimons hautement les opinions et l'esprit de justice, aient été parfois d'un avis opposé et se soient permis, à contre-cœur, nous le croyons, de recouvrer par la force les dettes dont il s'agit.

Il est certainement vrai que le non-payement d'une dette publique peut être accompagné de fraudes, de méfaits ou de violations de traités qui justifient l'emploi de la force. Le gouvernement des Etats-Unis serait heureux que l'on se livrât à ce sujet à une discussion internationale en vue d'établir une distinction entre les cas de ce genre et le simple défaut d'exécution d'un contrat conclu avec un particulier, et que l'on adoptât une résolution en faveur de l'emploi de moyens pacifiques dans les cas de cette dernière catégorie.

On ne pense pas que ce fût à la conférence de Rio de faire cette distinction ou de prendre une résolution concernant cette règle de conduite. La plupart des pays américains sont encore débiteurs, tandis que les pays européens sont créanciers. Si la conférence de Rio avait pris la décision dont il s'agit, elle aurait donné l'impression d'une réunion de débiteurs décidant de quelle façon leurs créanciers doivent agir, et cela n'inspirerait pas le respect. Le procédé que l'on doit adopter est indiqué par les termes du programme qui propose de soumettre la question à l'examen de la deuxième conférence de la Haye, où les créanciers et les débiteurs seront les uns et les autres réunis.

La flotte américaine.

Le président demande que, sans augmenter la flotte, on la maintienne dans son état actuel en remplaçant les navires surannés et usés par de nouveaux navires de bonne qualité, valant ceux de n'importe quelle autre marine.

Si nous suspendions pendant une année la construction des navires, notre flotte reculerait pendant cette année-là au lieu d'avancer.

Les anciens monitors à double tourelle ne sont plus d'aucune utilité, et on a dépensé de l'argent en pure perte en construisant les monitors modernes à une seule tourelle. Tous ces navires devraient être remplacés par d'autres, et nous devrions construire chaque année au moins un cuirassé d'escadre de première classe ayant les mêmes dimensions et la même vitesse que ceux que les autres nations construisent en même temps que nous et ayant un puissant armement.

Dans l'armée comme dans la flotte, il faudra établir un principe de sélec

tion en vertu duquel les hommes seront éliminés après un certain âge, s'ils ne sont pas capables de monter à un grade plus élevé. De cette façon, moins d'hommes arriveront aux grades supérieurs, mais ils y arriveront à un âge moins avancé.

Questions diverses.

Le président parle alors de diverses autres questions intéressant plus spécialement la politique intérieure des États-Unis et notamment les questions sociales, la réforme monétaire, le divorce, le lynchage. Il traite aussi du développement de la navigation commerciale, en insistant particulièrement sur la création de lignes de vapeurs vers l'Amérique du Sud, où les relations commerciales des États-Unis sont en état d'infériorité par rapport à l'Europe. Il annonce qu'il communiquera plus tard au Congrès les idées qu'il a rapportées de son voyage dans l'isthme de Panama. Il rappelle l'intervention pacificatrice des États-Unis dans le récent conflit de l'Amérique centrale. Il se préoccupe de la préservation des phoques à fourrure, et rappelant l'incident des îles Saint-Paul, où plusieurs navires japonais ont été surpris chassant le phoque dans ces îles, il dit que des représentations ont été faites à ce sujet au gouvernement du Japon et exprime la conviction que cet État prendra toutes les mesures possibles pour empêcher le renouvellement de ce qui s'est passé. Il déclare espérer que le projet de loi tendant à établir un tarif plus bas ou le libre-échange des produits des Philippines sera adopté. Il constate que les Américains ont augmenté dans ces îles la liberté et l'ordre et y ont assuré la justice. Il dit ensuite que la nationalité américaine devrait être conférée aux citoyens de Porto-Rico.

Enfin le président recommande l'adoption du projet de loi tendant à interdire aux associations de recueillir des fonds pour contribuer aux dépenses d'une campagne politique.

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France. La Chambre des députés a consacré au budget des Affaires étrangères une partie de l'après-midi du mardi 11 décembre et le début de la matinée du mercredi 12. M. Deschanel a ouvert la discussion en exposant les grandes lignes de son rapport, que nous avons déjà analysé dans notre dernière livraison. Après avoir insisté sur les réformes que réclame l'organisation actuelle de la carrière diplomatique et consulaire, l'éminent rapporteur a fait en ces termes un rapide examen de la situation politique actuelle :

M. DESCHANEL.

Je voudrais maintenant dire quelques mots de certaines questions politiques qui préoccupent l'opinion, Crète, Macédoine, Maroc.

Un certain nombre de nos collègues eussent souhaité dès longtemps que la France intervint activement pour faciliter l'union de la Crète à la Grèce.

Tous les hommes qui vivent de la vie de la pensée n'ont pas cessé de chérir la Grèce d'une tendresse filiale; elle est restée pour eux le miracle unique. Ses imprudences, ses témérités mêmes n'ont pu affaiblir dans leur âme le culte d'un passé dont nous vivons encore.

Cependant la diplomatie républicaine n'a pas cru pouvoir donner libre cours aux ambitions helléniques, de peur d'en allumer d'autres. Elle a eu le souci, et nous ne saurions l'en blâmer, de maintenir cet équilibre balkanique dont la rupture aurait pu troubler la paix, et d'entretenir de bons rapports avec ces jeunes nationalités des Balkans qui ont toujours rempli scrupuleusement leurs engagements envers nous. Enfin, elle n'est pas seule juge de la solution à intervenir, et elle doit tenir compte du sentiment des autres puissances.

Aussi s'est-elle attachée à maintenir l'accord entre les quatre puissances auxquelles a été confié le sort de la Crète et à faire aboutir, grâce à cet accord, les reformes san lesquelles les aspirations du peuple crétois ne sauraient se réaliser.

Le roi de Grèce, en nommant haut commissaire, après le départ du prince Georges, M. Zaimis, a fait le meilleur des choix. Vous connaissez les services, l'autorité, l'esprit judicieux et pondéré de cet homme d'Etat. Nous devons espérer que, sous sa direction, l'ile, si longtemps agitée, entrera dans la voie de l'ordre et du progrès pacifique (Très bien! très bien!), et nous devons tendre à réaliser avec lui et par lui les réformes visées dans la note collective du mois de juillet.

En Macédoine, vous vous rappelez comment la commission financière instituée après la démonstration de Lemnos a été amenée à demander des ressources extraordinaires et comment la Porte a proposé de porter ses droits de douane de 8 à 11 % ad valorem.

La France, comme l'Autriche et la Russie, a exigé des garanties sérieuses pour l'affectation réelle du produit de la surtaxe douanière aux besoins de la Macédoine; l'accord vous sera soumis.

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