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Sel

Grand-Bassan

ment du confort et du commerce qui en résultent. L'administration nouvelle se trouve aidée dans sa tâche; la pénible question du portage disparaît ou se simplifie; les gouverneurs, résidents, chefs militaires peuvent se mouvoir avec rapidité. Dans les régions désolées par la disette, la guerre ou la révolte, les chemins de fer permettent d'apporter aisément les vivres, la défense ou la répression. Sous les climats les plus divers, aux Indes, au Soudan, en Algérie, comme en Amérique, en Sibérie ou dans l'Australie, les progrès de la civilisation n'ont pas eu de meilleur auxiliaire que le rail.

Aussi ne doute-t-on plus aujourd'hui de l'utilité des chemins de fer coloniaux. Sur ce chapitre, explorateurs, théoriciens, politiques sont d'accord. Mais ce qui est presque devenu un lieu commun n'a été une vérité reconnue qu'après qu'on eût longtemps discuté, combattu, et dans tous les pays. Il s'en faut même de beaucoup aujourd'hui que tous aient réalisé les mêmes progrès et se soient à eux-mêmes, par la construction de chemins de fer, donné des avantages identiques dans leurs

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colonies d'Afrique. En cette matière, comme en tant d'autres, les Anglais, ces maîtres de la colonisation, ont donné des leçons et des exemples aux autres peuples. Ils ont créé les premiers chemins de fer africains, et sur un domaine colonial qui sans doute l'emporte de beaucoup par l'étendue exploitable sur ceux de la France, du Portugal et de l'Allemagne, ce sont eux aujourd'hui qui possèdent le plus de voies ferrées. Dans la série d'études que nous allons publier, nous nous proposons précisément d'indiquer quel est, dans chaque colonie, l'état d'avancement de la construction des chemins de fer.

SOUDAN ET SÉNÉGAL

Le Soudan est peut-être aujourd'hui, de toutes les parties de l'Afrique, la plus justement impatiente de posséder des voies de communication. Le Soudan, y compris ses parties maritimes, côtes de Guinée et Sénégambie, forme dans l'ensemble

du continent une immense région naturelle. C'est un plateau adossé à l'Ouest au massif granitique et primaire du FoutaDjallon, et présentant une élévation moyenne de 300 à 400 mètres. Des altitudes supérieures s'y observent (pic des Komono, au Nord de Kong, Sokoto, Adamaoua, Ouadaï, Darfour); mais ces hauteurs sont isolées et ne se rapportent pas à une chaîne commune. Le Soudan, comme la plus grande partie de l'Afrique, est dépourvu de plissement; il est constitué par d'immenses terrasses reposant sur un soubassement identique d'assises anciennes; sur ces terrasses l'action des agents atmosphériques a uniformément déterminé sur des étendues considérables un même produit de désagrégation des roches superficielles, la latérite. Le climat conspire avec le sol à donner au paysage et à la végétation un seul aspect dans tout le Soudan; ce climat est essentiellement caractérisé par le contraste des deux saisons principales, la sèche (hiver) et la pluvieuse (été). Les rivières, tour à tour, sont réduites à un débit infime ou roulent des masses d'eau torrentielles; dans la végétation, les graminées, les herbes de la savane dominent comme dans le bassin du Zambèze ou de l'Orange; les arbres ne se montrent que par bouquets disséminés (végétation de parc) ou le long des cours d'eau (forêt-galerie).

Mais cette immense zone de steppes, de taillis, de forêts en rubans contient de précieuses richesses. Dans les endroits humides, le cocotier, le cotonnier qui atteint là des dimensions inaccoutumées, l'arbre à beurre ou karité, le bambou, le bananier, la canne à sucre, la liane à caoutchouc, les acacias gommifères, et surtout le palmier à huile et le kola s'offrent à l'exploitation. Sur les terres que ne couvre pas la latérite, l'agriculture fait croître l'indigo, la sésame, les arachides, le maïs. Sur les hauteurs prospèrent les plantes méditerranéennes, orangers, citronniers, figuiers. L'or et l'ivoire diminuent d'année en année, mais une population nombreuse ressent des besoins variés et que le contact de la civilisation européenne augmente peu à peu.

Aussi les trois puissances, entre qui la hardiesse de leurs explorateurs ou l'habileté de leurs diplomates ont partagé le Soudan, ont senti, là comme partout, l'utilité, le besoin des chemins de fer. La France, qui y possède le domaine le plus étendu, a déjà les tronçons les plus longs. Mais Allemands et Anglais rivalisent à qui mettra en valeur, le mieux et le plus vite, le plus de terres possible. Cette concurrence est un bien pour le Soudan. Il est à croire que, possédé dans son ensemble par une seule nation, il ne verrait pas des lignes de pénétra

tion parallèles et assez voisines s'établir simultanément dans chacun des territoires de la côte de la Guinée.

Au Cameroun, toutefois, le manque d'éducation coloniale du peuple allemand, l'indifférence de l'opinion germanique pour la construction des chemins de fer africains ont longtemps paru condamner la colonie à vivre sans voies de communication. Sans doute les parties allemandes du Bornou et de l'Adamaoua n'ont pas leur débouché naturel vers le port de Victoria. Pressés d'obtenir un accès vers le Tchad, trop longtemps considéré comme d'une valeur égale ou supérieure aux Grands Lacs équatoriaux, les Allemands ont obtenu que l'on découpât à leur profit ces régions naturelles du Bornou et de l'Adamaoua, dont l'Angleterre tient les chemins d'accès. Aujourd'hui les routes les meilleures pour atteindre les rives allemandes du Tchad sont la voie anglaise de la Bénoué ou la voie française. de la Haute-Sangha. Du moins la partie méridionale du Cameroun est-elle dans la dépendance immédiate de la côte atlantique allemande 1.

Cependant une seule petite voie d'intérêt local y est en construction. Elle part de la baie de Victoria et doit atteindre, à 60 kilomètres de là, le village de Meanja (écartement: 060). Depuis 1902 une Compagnie s'est formée, qui, moyennant des concessions de terre, s'est engagée à créer une voie ferrée de Victoria au Tchad. Le tracé définitif n'est pas encore choisi. Mais les études déjà faites donnent à penser qu'il suivra la vallée du Mungo et desservira l'Adamaoua. Une seconde ligne ou un embranchement reliera plus tard Ngaoundéré à Victoria. Aux termes de l'acte de concession de 1902, les 400 premiers kilomètres de la voie établie à l'écartement d'un mètre doivent être livrés à l'exploitation vers le milieu de 1908. Il est difficile. de garantir que cette clause sera respectée.

Mieux pourvue est déjà, comme il sied à une colonie anglaise, la Nigeria. Là cependant deux belles voies d'eau s'offrent à la navigation le Niger jusqu'à Boussa et la Bénoué2. Un chemin de fer a été construit, de 1896 à 1899, du port de Lagos à Abéokouta, le chef-lieu de la colonie, et Ibadan (199 kilomètres). La

1 Le gros vice de la colonie, a dit en termes excellents M. H. Hauser, c'est qu'une partie seulement du territoire colonial ressort économiquement à Cameroun ou à Victoria (Colonies allemandes, Impériales et spontanées, Paris, 1900, p. 30).

2 La Bénoué, qui n'a pas de rapides, est une exception en Afrique. Le fait tient à ce que la rivière n'a pas à franchir, pour descendre de l'Adamaoua vers son confluent, une série de terrasses étagées. Sa vallée emprunte une fracture naturelle, longue échancrure, d'origine récente et dont la nature volcanique est attestée par la série des pointements éruptifs échelonnés du Tchad au volcan du Cameroun et aux iles de Fernando-Pô et de San-Thomé.

voie adopté est celle du Cap, à écartement de 1m067. Les travaux ont été très coûteux (1 million de livres sterling), parce qu'il a fallu par des ponts en acier et en fer relier à la terre l'île de Lagos, qui a seule un port en eau profonde, parce que la main-d'œuvre a été rare, parce que sur un parcours assez long le ballast fit complètement défaut et qu'on dut faire venir de loin les pierres et les cailloux nécessaires à l'infrastructure. Sans doute la voie donne à l'exploitation des résultats satisfaisants les nègres y voyagent volontiers (82.000 en 1903 sur 100.000 voyageurs, 100.000 en 1904 et 1905 sur 108.000 et 106.000 voyageurs, en chiffres ronds). Le transit des marchandises y couvre les frais d'entretien et d'exploitation. Mais les dépenses de premier établissement, acquittées par la colonie à la suite d'un emprunt, ne s'amortissent que lentement. Le montant de la charge annuelle dont le chemin de fer a grevé la dette publique atteint encore aujourd'hui 51.000 livres sterling (1.275.000 francs).

Dans ces conditions, les autorités anglaises hésitent à entreprendre les travaux des prolongements ou des lignes nouvelles, dont les études ont déjà été faites. Le projet principal consiste à mener le tronçon Lagos-Ibadan jusqu'au Niger et même jusqu'à Kano. La voie traverserait des territoires très propices à la culture du coton et du cacao. Déjà de très sérieux efforts sont faits pour répandre ces cultures: Liverpool commence à recevoir les balles de coton de Lagos. Sir Frederick Lugard, haut commissaire de la Nigeria, sir Wm. Mac Gregor, ancien gouverneur de Lagos, réclament depuis quelques années le commencement des travaux. Ils ont même mis en avant, depuis l'occupation de Yola (1901), l'idée d'un chemin de fer oriental de Old-Calabar au Tchad. Ils n'ont obtenu du Colonial Office l'autorisation de pousser le rail que jusqu'à Ogbomocho, à 114 kilomètres d'Ibadan. La voie fluviale reste donc, jusqu'à nouvel ordre, l'accès principal des riches régions du Sokoto et du Gando. Elle est, il est vrai, comme l'ont démontré les intéressantes reconnaissances du lieutenant Hourst, du colonel

1 Les dépenses d'exploitation ont représenté, en valeur absolue, 53.394 livres sterling en 1904-1905 et 56.775 livres sterling pour l'année de calendrier 1905. Les recettes ont atteint les chiffres suivants :

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(Chiffres extraits du rapport publié en 1906, par M. F. Bedford Glasier, directeur général du chemin de fer.)

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