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grandes Sections, qui auront pour objet, l'une, la nature de la Matiere; l'autre, la nature des Corps.

PREMIERE

SECTION.

LA NATURE DE LA MATIERE.

QUELLE étendue convient à la Matiere ? Jusqu'à

quel point la Matiere eft-elle divifée? Jufqu'à quel point la Matiere est-elle divisible? La Matiere eft-elle active ou paffive par elle-même ? La Matiere eft-elle homogene ou hétérogene dans fon être primitif?

Tel eft l'intéreffant objet de nos recherches fur la nature de la Matiere. L'Etendue, la Divifion, la Divifibilité, l'Inertie, l'Homogénéité de la Matiere, exigent, pour être lumineufement expofées, tout autant d'Articles différens.

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L'ÉTENDUE DE LA MATIERE.

14. DÉFINITION. L'ÉTENDUE, ainfi que nous

l'avons fi amplement expliqué dans notre Cours complet & dans nos Cours élémentaire de Métaphyfique, en traitant de l'Efpace infini, eft ou pénétrable, ou impénétrable.

1. L'Etendue pénétrable eft l'Espace pur, ou la fimple capacité de recevoir des Corps.

II. L'Etendue impénétrable eft la Matiere placée dans l'Espace. L'Efpace peut exister fans contenir aucune matiere: la Matiere ne peut exifter fans occuper une portion indéterminée de l'Espace infini.

III°. Pour mieux faifir la différence de cette double Etendue, de l'Etendue pénétrable & de l'Etendue im pénétrable: concevez une Capacité quelconque, par exemple, une Chambre cubique de trois toifes d'éten due en tout fens, formée par fix furfaces d'un marbre que ne puiffe pénétrer aucune matiere extérieure.

Que le Tout-puiffant anéantiffe abfolument toute la matiere quelconque, qui fe trouve entre ces fix furfaces en retenant ces fix furfaces à la même diftance de trois toises, où elles fe trouvent l'une de l'autre ! Dans cette hypothese évidemment poffible, vous aurez entre ces fix furfaces, une Etendue péné trable de trois toises en tout fens; ou un Vide propre à recevoir des corps qui auroient trois toises en tout fens, ou vingt-fept toifes cubiques.

Qu'enfuite le Tout-puiffant crée dans cette Capacité vide de tout corps, une quantité de matiere fans pores, qui l'empliffe entiérement! Dans cette nouvelle hypothese, encore évidemment poffible, vous aurez dans cette capacité ou dans cette chambre, une Etendue impénétrable de trois toifes en tout fens, ou de vingt-fept toises cubiques.

15. ASSERTION I. La propriété caractéristique de la Matiere, la propriété par laquelle nous la diftinguons de tour ce qui n'eft pas matiere, c'eft l'Etendue folide & impénétrable.

EXPLICATION. Ce qui fe préfente le premier à nos idées, ou du moins à nos fens, quand nous examinons les Corps qui nous environnent, c'eft leur Etendue en longueur, en largeur, en profondeur.

Ces trois Dimenfions, que les Géometres confiderent féparément les uns des autres, font toujours inféparables dans l'état phyfique des Corps. Car il n'y a aucun Corps, dans lequel on ne conçoive au moins deux Surfaces, réellement diftinguées l'une de l'autre, Et comme la multiplicité des furfaces fait

une Profondeur, & que les furfaces réfultent d'un affemblage de lignes qui font une Largeur, & que les lignes font formées d'un nombre de points qui font une Longueur: il s'enfuit que le moindre ou le plus petit de tous les Corps, eft néceffairement long, large, profond.

16. ASSERTION II. L'Etendue eft une propriété inféparable de la Matiere, mais elle n'en eft pas l'effence.

EXPLICATION. I. L'Etendue eft une propriété inSéparable de la Matiere: puifqu'on ne peut concevoir la Matiere, fans y concevoir une étendue réelle plus ou moins grande; & que, felon le Principe fondamental de toutes les Sciences, tout ce que l'on conçoit néceffairement dans une chofse, est indubitablement dans cette chose. (Mét. 417).

II. Il ne s'enfuit pas de-là, que l'Etendue foit l'ef fence de la Matiere: puifque l'effence de toute portion déterminée de matiere, eft évidemment déterminée & immuable; & qu'il eft certain par les principes de la Religion, que telle & telle portion déterminée de matiere, en confervant toujours fa même effence peut miraculeufement augmenter en étendue réelle par la réproduction; peut miraculeufement diminuer en étendue réelle, par la compénétration: comme nous l'avons obfervé & expliqué dans un autre Ouvrage, en confidérant la Matiere dans un état miraculeux & furnaturel. (Mét. 1394 & 1380).

Après ce fimple & fuccinct retour fur l'état métaphyfique de la Matiere, nous allons nous borner dans la fuite, à l'envifager toujours purement & fimple

-ment dans fon état naturel.

17. ASSERTION III. La Matiere, dans fon état naturel, eft une fubftance étendue & impénétrable. DÉMONSTRATION. I°, La Matiere eft une Subftance: puifqu'on

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puifqu'on la conçoit en elle-même & par elle-même puifqu'après avoir reçu l'existence par l'action créa trice du Tout-puiffant, elle exifte en foi & par foi: en quoi elle differe des Modifications, qui ne peuvent exifter & que l'on ne peut concevoir que dans la Subftance modifiée.

II. La Matiere eft une Subftance étendue: puifque toutes les fubftances matérielles qui fe prêtent à nos obfervations, s'offrent à nous, fous la propriété d'étendue; puifqu'à quelque inconcevable pet teffe que notre efprit réduise par la pensée, un Elément de Matiere, il conçoit encore dans cet élément plufieurs faces, dont l'une n'eft pas l'autre, dont chacune a fon étendue à part. Que doit-on affirmer des chofes, finon ce que les fens nous y montrent, finon ce que l'efprit y conçoit?

III. La Matiere eft une Subftance impénétrable: puifque tout élément de Matiere, occupe exclufivement un efpace, auquel il répond par fes parties réelles & pofitives; fans qu'il foit jamais en notre pouvoir de lui faire perdre la moindre partie de fon étendue intrinfeque & abfolue.

Pour vous former une idée fenfible de cette étendue impénétrable: concevez d'abord un Pouce cubique d'or, fans pores & fans vides. La fomme de tous les élémens de ce Corps, réunis ou féparés, eft une étendue abfolue d'un pouce cubique : étendue qu'aucun Agent créé ne peut lui faire perdre; parce qu'aucun agent créé ne peut opérer la Compénétration des élémens de la Matiere, qui feule pourroit faire perdre à ces élémens leur étendue pofitive & intrinfeque. Concevez enfuite un Pouce cubique d'or, où il ait précisément une égale fomme de vides & d'élémens. La fomme de l'étendue réelle & pofitive de ce Corps, déduction faite de la fomme négative des vides, eft un demi-pouce cubique. A grands coups Tome 1.

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y

'de marteaux, on pourra forcer ces élémens à fe rap⇒ procher les uns des autres, à laiffer de moins grands vides entre eux. La plus grande Compreffion poffible aboutiroit à les réduire à un demi-pouce cubique d'étendue: mais elle ne pourra jamais faire enforte que cette quantité de matiere, occupe moins d'un demi-pouce cubique d'étendue.

IV. Il réfulte donc, de ce que nous venons d'obferver & de démontrer, que la Matiere, dans fon état naturel, eft toujours une fubftance étendue & impénetrable; & que la quantité de fa fubftance réelle & pofitive, eft toujours en proportion d'égalité avec fon étendue abfolue & impénétrable. C. Q. F. D.

18. COROLLAIRE. Tout élément de Matiere, exifte néceffairement en lui-même, dans un Point quelconque de l'Espace infini; & exclud pofitivement de ce point de l'efpace qu'il occupe, tout autre élément de matiere: enforte que deux élémens de matiere, ne peuvent jamais, fans une Miracle formel, exifter l'un dans l'au tre & dans un même espace.

Ce que nous difons ici d'un Elément de matiere ; on doit le dire également d'un Corps, ou d'un affemblage d'élémens. Tout Corps occupe exclufivement un efpace égal à la fomme de tous les élémens.

Quand on comprime un Corps, on force fes élémens à fe rapprocher les uns auprès des autres: on diminue la fomme des pores, parfemés entre ces élémens. Mais on ne détruit point, on ne diminue point fon étendue intrinfeque & abfolue, qu'il faut toujours diftinguer de l'étendue de fes pores ou de fes vides.

La plus grande Compreffion poffible, fi elle pouvoit avoir lieu, feroit la contiguïté totale de tous les élémens, & l'entiere ceffation des pores & des vides, dans le Corps ainfi comprimé. Mais une telle compreffion eft au-deffus des forces des Agens créés, qui

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