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d'écrire un cas de guerre? le Gouvernement ne doit pas le faire, ni la Chambre surtout.

M. Odilon Barrot en appela de nouveau à l'Adresse de la dernière session et à la note du 8 octobre.

M. Lherbette, au milieu de la plus vive agitation, demanda si le pacha demeurerait soumis aux conditions imposées par les articles 5 et 6 de l'acte annexé au traité. Le ministère s'abstint de répondre, et le paragraphe de la commission fut immédiatement adopté à une grande majorité.

Sur le paragraphe 3, relatif à l'Espagne, quelques paroles furent échangées entre MM. Piscatory, Guizot, Isambert, Odilon-Barrot, Pascalis, Desmousseaux de Givré. La commission avait dit :

• Nous avons appelé de tous nos vœux la pacification de L'Espagne. Intéressés à l'affermissement de son gouvernement constitutionnel, nous verrions avec un vif regret l'anarchie compromettre une œuvre si courageusement entreprise au nom de la liberté.

Le sens des amendements qui furent présentés par MM. Piscatory et Pascalis était de faire disparaître le mot anarchie, qui pouvait blesser la susceptibilité de la nation espagnole. L'amendement de M. Pascalis fut sanctionné. Au lieu de nous verrions avec un vif regret, etc., il tait espérons qu'il (le gouvernement espagnol) saura accomplir une œuvre si courageusement entreprise au nom de la liberté.

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Le paragraphe 4 qui protestait en faveur de la nation. polonaise, appela MM. Piscatory et de Tracy à la tribune: le premier en demanda la suppression. Pourquoi, en effet, ce vœu stérile? Le second insista pour le maintien, regrettant que nous ne pussions accorder à la Pologne qu'un vœu dont il reconnaissait le peu d'efficacité; la politique d'intérêt s'unissait ici à la politique de sympathie.

La Chambre se rallia à ce dernier avis.

Les paragraphes suivants, relatifs aux affaires de la Plata,

à l'Algérie, à l'échauffourée de Boulogne, au budget et aux diverses lois que le Gouvernement promettait de présenter, passèrent quelques-uns sans discussion aucune. M. Isambert avait présenté un amendement qui ne fut point appuyé et qui eut consisté à ajouter au paragraphe 9: Nous attendons toutes les lois complémentaires de la Charte.

Les derniers paragraphes, modifiés, quant aux expressions, par la commission elle-même, furent également adoptés, malgré une nouvelle rédaction de M. Piscatory. Le rapporteur les défendit avec énergie. Il n'est pas superflu, dit-il, de proclamer ici le principe de l'inviolabilité de la Couronne, ni ces vérités morales avec l'empreinte religieuse exprimées dans l'Adresse. M. Dupin proclama du reste qu'il n'entendait par là diriger aucun blâme contre une administration quelconque, et M. Rémusat, membre de la commission, déclara que ce n'était qu'à cette condition qu'il avait donné son adhésion aux derniers paragraphes du projet. Cette parole fut la source du plus déplorable tumulte dont la Chambre pût être témoin.

M. Desmousseaux de Givré, qui voyait là un bill d'indemnité implicite donné à l'administration précédente, paraît à la tribune. De toute part on demande la clôture. M. Desmousseaux persiste à vouloir parler; il est rappelé à l'ordre, mais n'entend point la voix du président, et ne consent enfin à descendre qu'aux invitations réitérées de ses amis; le président se couvre; la séance reste long-temps suspendue.

Enfin M. Desmousseaux de Givré put se faire entendre. Suivant lui, le ministre de l'intérieur pouvait être accusé de négligence sur quatre points: l'émeute dans laquelle trois sergents de ville ont été égorgés; l'intervention illicite de l'administration dans une élection, celle de Corbeil; le monopole ou plutôt certains abus touchant la presse; enfin les scandales de la bourse.

M. Thiers crut voir dans ces reproches adressés à M. de

Rémusat une attaque personnelle, et répondit avec autant d'énergie que d'indignation.

MM. Rémusat et Vivien se firent un devoir d'appuyer M. Thiers en cette circonstance. L'ancien garde-des-sceaux déclara sur l'honneur qu'il était résulté de l'instruction relative aux affaires de la bourse, non pas seulement que les délits prévus par le Code pénal n'avaient pas été commis, mais qu'aucun homme appartenant de près ou de loin au Gouvernement, ayant pu se servir des relations qu'il avait avec les membres du Cabinet, n'avait trempé dans ces indignes manœuvres.

Ces pénibles débats terminèrent cette longue et émouvante discussion, où rien ne resta secret des négociations, des actes de la diplomație dans la question d'Orient, depuis le 12 mai jusqu'au 29 octobre. Le Cabinet actuel, tout en gardant la réserve que lui imposait la situation, avait pu cependant proclamer que d'une part, il ferait respecter la note du 8 octobre, et que de l'autre, sur le pied de la paix armée, il saurait tenir la France dans un isolement digne et ferme, tant que de nouvelles conditions plus favorables n'auraient pas été proposées. C'est là du moins ce qui paraît résulter des paroles prononcéés par les différents membres du Cabinet et par les orateurs qui lui prêtèrent leur concours, et c'est là le sens du vote de la Chambre, vote significatif, qui révélait en faveur du ministère une majorité de 86 voix (247 boules blanches, 161 boules noires).

Aux luttes passionnées qui venaient de retentir à la tribune, succéda l'examen trop calme et trop froid sans doute, du projet deloi voté par la pairie, à la dernière session, sur le travail des enfants dans les manufactures. Il semble que les discussions politiques où s'agite un renversement de ministère, aient seules le privilége d'attirer toutes les attentions; les questions moins retentissantes d'administration et d'amélioration matérielle ou morale, se traitent le plus souvent en présence d'une Chambre inattentive ou in

complète; tel fut le spctacle que présenta le Palais-Bourbon dans les débats qui s'élevèrent sur la mesure à prendre pour régler le travail des enfants dans les manufactures. Le projet de loi, longuement et gravement élaboré au Luxembourg, devait subir, en passant par les mains de la commission, quelques modifications basées sur les nouveaux renseignements recueillis depuis par le Gouvernement; mais, quant au sens général, rien ne fut changé.

Dans la séance du 12 décembre, M. Renouard déposa son rapport sur le bureau du président. Les objections qui furent tout d'abord soulevées contre le projet, par MM. Lestiboudois, Gustave de Beaumont, Barbet, etc., ne portèrent point contre le principe de la loi il fut reconnu par les adversaires du projet, qu'il importait pour le développement de la force physique, de l'intelligence et pour le perfectionnement de la moralité des enfants, de les soustraire à l'exploitation; mais il fallait aussi se garder de porter atteinte à la liberté du travail. Si le labeur excessif du père ne suffisait pas aux besoins de la famille, le priverait-on impitoyablement de l'aide de ses enfants? D'ailleurs l'impossibilité d'organiser les relais limiterait aussi le travail des adultes, et la loi aurait visiblement pour effet, de mettre l'industrie française dans un état d'infériorité flagrante visà-vis de l'industrie étrangère. Enfin, le législateur s'était mépris sur la cause du mal: le rachitisme des populations manufacturières ne venait pas de l'excès du travail, mais de l'usage immodéré des liqueurs fortes, de l'agglomération des populations ou du rapprochement des sexes et du développement des passions qui en resultent.

Un seul orateur, M. Taillandier, attaqua le principe même du projet qui, suivant lui, frappait la liberté devant la loi et la puissance paternelle; en vain invoquait-on l'exemple des royaumes voisins; l'Angleterre avait été conduite à établir une législation sur la matière par les énormes abus de son industrie; quant à la Prusse et à l'Autriche, puissances ab

solues, elles se préoccupaient fort peu de la liberté individuelle.

MM. Corne, Diétrich, Villemain, de Golbery parlèrent en faveur du projet; M. Villemain spécialement combattit avec force les considérations émises par M. Taillandier: non seulement la société a le droit de régler et de diriger le travail de ses enfants; mais elle y est obligée par devoir, et le ministre concluait, en déclarant que le projet de loi, juste en droit public, est nécessaire en droit d'humanité.

La discussion générale ne se prolongea pas davantage. M. Grandin proposa immédiatement de remplacer l'article 1er de la commission, qui n'embrassait dans son application que les manufactures, usines et ateliers de première et de seconde classe, par un amendement qui aurait étendu le pouvoir de la loi aux petits ateliers, où les enfants étaient surtout soumis à un travail exorbitant. Aux yeux de l'honorable membre, le projet consacrait une loi d'exception qui n'atteindrait pas son but. En vain créeraiton des inspecteurs, les manufacturiers trouveraient toujours le moyen de l'éluder. Ce n'était pas une loi d'intimidation, mais une loi d'humanité, une loi générale qu'exigeait la situation.

Ces considérations furent contredites par MM. Fulchiron, Cunin-Gridaine, Barbet, Corne, et soutenues d'abord par M. Janvier, lequel se rallia plus tard au projet primitif du Gouvernement qui laissait à celui-ci la faculté de porter par ordonnance, tous les réglements sur la matière ; mais de sages objections présentées par M. Dubois (de la Loire-Inférieure), déterminèrent l'honorable préopinant à se désister de sa proposition.

M. Darblay proposa un troisième amendement qui consistait à faire appliquer la loi aux ateliers clos, composés de plus de douze ouvriers, dont un tiers âgé de moins de seize ans. La Chambre, après quelques paroles de M. Renouard, Ann. hist. pour 1840.

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