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vénients. Ne pourrait-il pas arriver que quelques parents, après s'être associés au délit et en avoir partagé les profits, fussent les premiers à le dénoncer pour s'en faire une arme contre le fabricant?

M. de Lamartine, résumant la pensée dé M. Thil, qui venait aussi de plaider la cause des familles, répliqua que le législateur devait prendre garde d'introduire sans nécessité la loi dans les familles.

M. Lherbette insista pour la punition des deux coupables; mais les nouvelles considérations, développées par M. de Lamartine, déterminèrent le rejet du paragraphe qui étendait la loi sur la famille de l'enfant. L'article fut ensuite adopté.

Restait, comme dernière épreuve, le vote sur l'ensemble; la Chambre passa au scrutin, qui donna 185 suffrages contre 50 boules noires (29 décembre).

Cette mesure, d'un intérêt tout social, est le dernier acte législatif qui appartienne à cette année.

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Deux projets récemment communiqués au Palais-Bourbon, occupaient alors profondément les esprits: le ministre des finances avait proposé (7 décembre) la conversion en loi des ordonnances de crédits rendues pendant l'intervalle des deux sessions c'était la situation financière du pays, nous dirions presque le bilan légué par la précédente admininistration. Il y avait déficit, M. Humann le proclamait du moins, et ce déficit était considérable. Presqu'en même temps (12 décembre) le ministre de la guerre, exposait les motifs d'un projet pour la fortification de la capitale, dont le 1er mars avait également osé prendre la responsabilité sans le concours des Chambres.

A l'extérieur, des négociations se poursuivent, et, quelle qu'en doive être l'issue, la France attend, sur le pied de la paix armée.

CHAPITRE IX.

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AFFAIRES DE BUENOS-AYRES. — État des choses.-Départ de la flottille. — L'amiral Leblanc quitte le commandement. - Les vaisseaux français redescendent le Parana. —Arrivée du contre-amiral Dupotel.Contestation entre le commandant de l'escadre et le représentant de la France. Discussion dans les Chambres françaises. Les deux agents sont rappelés.-L'amiral Baudin est nommé pour prendre le commandement de la flotte. Il est remplacé par l'amiral de Mackau.Négociations. Conclusion d'un traité avec la République argentine.— Protestations des habitants de la rive gauche de la Plata.

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COLONIES. — MARTINIQUE. - GUADELOUPE. CAYENNE. ILE-BOURBON. -Ordonnances relatives à l'instruction morale et religieuse des esclaves.

Nomination d'une commission de l'esclavage. — État de la question des sucres. Expédition contre les habitants de Senagam.

ÉTABLISSEMENTS DE L'INDE.-Organisation de l'administration dans ce pays. ALGERIE. Situation. Système du gouvernement. — Fait d'armes de Mazagran.Combat de Ten-Salmet. - Occupation de Scherchel.-Affaire de Selsou. Combat de Meskiana. -- Campagne du printemps. - Occupation de Médéah. Combat de l'Afroun. Occupation de Miliana.- Ravitaillement de Miliana et de Médéah..- Razzia contre différentes tribus.- Reconnaissance d'Aquæ Calidæ.-Rappel en France du maréchal Vallée et nomination du général Bugeaud aux fonctions de gouverneur-général.

AFFAIRES DE BUÉNOS-AYRES.

A l'époque où nous reprenons le récit de notre expédition contre Buenos-Ayres, une grande activité régnait dans l'île de Martin-Garcia. Là s'étaient rassemblés tous les exilés argentins; c'est de là que Lavalle allait partir sur nos vaisseaux pour révolutionner l'Entre-Rios, destituer le gouverneur Echague, lieutenant de Rosas, et y établir une administration toute dévouée à sa cause; c'était du moins une des illusions qu'il nourrissait. Rivera fortifiait Montévideo, et se préparait à recevoir le choc de l'irruption prochaine d'Echague, sur le territoire de la république orientale.

Pendant que Lavalle allait exécuter ses projets sur l'Entre

Rios, il était convenu que la flotte française se trouverait sur le Parana, pour prendre à son bord l'armée victorieuse et la porterait dans la province de Santa-Fé, l'un des points les plus importants de la domination de Rosas.

La flottille appareilla le 2 septembre, et le 14 le débarquement était exécuté: Lavalle s'enfonçait dans l'intérieur de la province; en même temps Echague, tenant peu de compte du danger qui le menaçait de ce côté, s'avançait contre Rivera et nos navires se portaient dans l'Urugay, pour lui couper la retraite. Du reste, le blocus était poussé assez mollement, tant nous avions de confiance dans la fortune de Lavalle, sous les drapeaux duquel allaient se ranger, on le croyait du moins, et l'Entre-Rios et Corrientes, et successivement toutes les provinces qui ne manqueraient pas de suivre cet exemple, pour se soustraire à la tyrannie de Rosas!

En effet, les premiers succès de l'armée libératrice semblèrent devoir justifier ces espérances, et la victoire que Rivera remporta sur Echague, à Cagancha, contribua puissamment à confirmer nos agents et notre escadre dans leurs projets.

Les choses en étaient à ce point, quand le contre-amiral Leblanc quitta le commandement de la division française. Le ministère envoyait pour le remplacer, le contre-amiral Dupotet, mais non avec la direction des affaires politiques, comme on l'avait cru d'abord. M. Dupotet n'avait que le commandement des opérations militaires; son arrivée ne changeait donc rien à la marche des choses; le commandant de l'escadre se trouvait ainsi dès l'abord jeté dans la même voie que son prédécesseur. Aussi les événements qui vont suivre ne sont-ils que la répétition de ceux qui viennent de s'accomplir. « Au 1er janvier 1840, dit un témoin de ces faits, dans le récit qu'il en donne, nous nous trouvions exactement dans la même situation qu'au 1er janvier 1839; nos auxiliaires étaient les mêmes; c'étaient le président de l'état oriental et le gouverneur de la province de Corrientes; nos ennemis n'avaient pas changé;

vainqueurs au Pago-Largo, ils avaient été vaincus à Cagancha : nous reprenions les mêmes projets, les mêmes manœuvres, seulement l'expérience avait jeté dans notre esprit une cruelle défiance; rappelons le but du traité : c'était de fonder une ligne offensive et défensive entre Corrientes et la république cisplatine, de combiner les deux armées sous le commandement en chef du général Rivera; de chasser de l'Entre-Rios les lieutenants de Rosas et d'y détruire complètement son influence; cette première partie intéressait spécialement Rivera et Ferré; mais la suite nous importait surtout c'était de franchir le Parana, de révolutionner les provinces argentines et de précipiter la chute de Rosas.>>

Tel fut aussi le but que se proposèrent encore une fois et le commandant de l'escadre et Lavalle et Rivera; une flottille remonta le Parana, pendant que nos alliés combinaient leurs forces et que Lavalle faisait une nouvelle tentative sur l'Entre-Rios. Echague battit son ennemi, qui se replia vers l'escadre, où il se rembarqua avec le peu de troupes qui lui restaient : nos vaisseaux redescendirent le Parana et passèrent sous les batteries du Rosario, devant lequel l'enseigne de vaisseau de la Sylphe trouva la mort. L'expédition cinglait vers Martin-Garcia, lorsque Lavalle, sur les conseils de nos officiers, se hasarda à tenter le sort dans la province même de Buenos-Ayres; le feu de nos canons protégea son débarquement; tout lui sourit dès l'abord, un parc de deux mille chevaux tomba entre ses mains et San-Pedro lui ouvrit ses portes; mais ces succès devaient bientôt avoir un terme.

Cependant plusieurs faits importants s'étaient accomplis; le gouvernement de Buenos-Ayres avait conçu quelque espérance de conciliation de l'arrivée de l'amiral Dupotet, qui, disait-on, venait avec pleins pouvoirs pour traiter avec Rosas. Nous avons dit que cette nouvelle n'avait rien de positif, et que le droit de négocier était resté aux mains de M. Buchet Martigny; néanmoins, une entrevue fut ménagée entre le

commandant de l'escadre et don Felipe Arana, ministre des affaires étrangères, par le ministre britannique, sur une corvette anglaise l'Actéon. De là, contre l'amiral, de vives récriminations; de là aussi, rupture entre notre agent et lui.

La présentation d'un projet de loi portant demande d'un crédit supplémentaire pour les dépenses du blocus, appela les Chambres à examiner cette question (mai et juin): M. Mermillod adressa de pressantes interpellations au président du Conseil, M. Thiers. Des lettres de Montévideo avaient répandu la nouvelle d'une suspension d'hostilités; on ajoutait que nous avions livré Martin-Garcia et désarmé nos alliés. Les explications données par un des organes du ministère, le Constitutionnel, trahissaient, suivant l'honorable orateur, une évidente incertitude et une manifeste ignorance des faits; d'ailleurs les conditions proposées par le dictateur Rosas étaient inadmissibles, dérisoires, désastreuses; et, fussentelles rejetées, il suffisait de l'acceptation de la noté de Rosas, pour prouver que la conduite de l'amiral Dupotet était entachée d'irrégularité, car elle avait jeté l'inquiétude et le découragement parmi nos alliés. Le président du Conseil répondit que l'entrevue du commandant de la flotte et du ministre Arana, n'avait point le caractère qu'on s'obstinait à lui donner; que les conditions proposées par le gouvernement de BuenosAyres étaient fortuites; qued'ailleurs l'amiral s'était retranché invariablement dans l'ultimatum du maréchal Soult, qui exigeait 1° traitement des Français égal à celui des nations les plus favorisées non pas seulement sous le rapport commercial, mais sous le rapport des personnes et des propriétés; 2o une indemnité pour les Français qui avaient souffert. Cet ultimatum était tel que l'honneur de la France le peut exiger; enfin l'amiral n'était point sorti du cercle de ses fonctions militaires, comme on le prétendait : il s'était borné à transmettre le projet de traité au consul-général, qui l'avait communiqué au gouverneur; ainsi, rien n'était compromis: nos alliés n'étaient point abandonnés ; les hostilités n'avaient point cessé.

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