La.r est pur, la route est large, Le Clairon sonne la charge, Les Zouaves vont chantant, Et là-haut sur la colline, Dans la forêt qui domine, Le Prussien les attend.
Le Clairon est un vieux brave, Et lorsque la lutte est grave, C'est un rude compagnon ; Il a vu mainte bataille Et porte plus d'une entaille, Depuis les pieds jusqu'au front.
C'est lui qui guide la fête. Jamais sa fière trompette N'eut un accent plus vainqueur; Et de son souffle de flamme, L'espérance vient à l'âme, Le courage monte au cœur.
On grimpe, on court, on arrive, Et la fusillade est vive Et les Prussiens sont adroits, Quand enfin le cri se jette : "En marche! A la baïonnette!" Et l'on entre sous le bois.
A la première décharge,
Le Clairon sonnant la charge
Tombe frappé sans recours; Mais, par un effort suprême, Menant le combat quand même, Le Clairon sonne toujours.
Et cependant le sang coule, Mais sa main, qui le refoule Suspend un instant la mort, Et, de sa note affolée Précipitant la mêlée
Le vieux Clairon sonne encor.
Il est là, couché sur l'herbe, Dédaignant, blessé superbe, Tout espoir et tout secours; Et sur sa lèvre sanglante Gardant sa trompette ardente, Il sonne, il sonne toujours.
Puis, dans la forêt pressée, Voyant la charge lancée Et les Zouaves bondir, Alors le Clairon s'arrête; Sa dernière tâche est faite,
Il achève de mourir.
Le sable rouge est comme une mer sans limite, Et qui flambe, muette, affaissée en son lit.
Une ondulation immobile remplit
L'horizon aux vapeurs de cuivre où l'homme habite.
Nulle vie et nul bruit. Tous les lions repus Dorment au fond de l'antre éloigné de cent lieues, Et la girafe boit dans les fontaines bleues, Là-bas, sous les dattiers, des panthères connus.
Pas un oiseau ne passe en fouettant de son aile L'air épais où circule un immense soleil. Parfois quelque boa, chauffé dans son sommeil, Fait onduler son dos dont l'écaille étincelle.
Tel l'espace enflammé brûle sous les cieux clairs. Mais, tandis que tout dort aux mornes solitudes, Les éléphants rugueux, voyageurs lents et rudes, Vont au pays natal à travers les déserts.
D'un point de l'horizon, comme des masses brunes, Ils viennent, soulevant la poussière, et l'on voit, Pour ne point dévier du chemin le plus droit, Sous leur pied large et sûr crouler au loin les dunes.
Celui qui tient la tête est un vieux chef. Son corps Est gercé comme un tronc que le temps ronge et mine; Sa tête est comme un roc, et l'arc de son échine Se voûte puissamment à ses moindres efforts.
Sans ralentir jamais et sans hâter sa marche Il guide au but certain ses compagnons poudreux ; Et, creusant par derrière un sillon sablonneux, Les pélerins massifs suivent leur patriarche.
L'oreille en éventail, la trompe entre les dents, Ils cheminent, l'œil clos. Leur ventre bat et fume, Et leur sueur dans l'air embrasé monte en brume; Et bourdonnent autour mille insectes ardents.
Mais qu'importent la soif et la mouche vorace, Et le soleil cuisant leur dos noir et plissé ? Ils rêvent en marchant du pays délaissé, Des forêts de figuiers où s'abrita leur race.
Ils reverront le fleuve échappé des grands monts, Ой nage en mugissant l'hippopotame énorme, Où, blanchis par la lune et projetant leur forme, Ils descendaient pour boire en écrasant les joncs.
Aussi, pleins de courage et de lenteur ils passent Comme une ligne noire, au sable illimité; Et le désert reprend son immobilité Quand les lourds voyageurs à l'horizon s'effacent.
CE QUE DISENT LES HIRONDELLES.
Déjà plus d'une feuille sèche Parsème les gazons jaunis ; Soir et matin, la brise est fraîche, Hélas! les beaux jours sont finis!
On voit s'ouvrir les fleurs que garde Le jardin, pour dernier trésor : Le dahlia met sa cocarde
Et le souci sa toque d'or.
La pluie au bassin fait des bulles ; Les hirondelles sur le toit Tiennent des conciliabules:
Voici l'hiver, voici le froid!
Elles s'assemblent par centaines, Se concertant pour le départ.
L'une dit: "Oh! que dans Athènes Il fait bon sur le vieux rempart!
"Tous les ans j'y vais et je niche Aux métopes du Parthénon. Mon nid bouche dans la corniche Le trou d'un boulet de canon."
L'autre "J'ai ma petite chambre A Smyrne, au plafond d'un café. Les Hadjis comptent leurs grains d'ambre Sur le seuil, d'un rayon chauffé.
"J'entre et je sors, accoutumée Aux blondes vapeurs des chibouchs, Et parmi des flots de fumée, Je rase turbans et tarbouchs."
Celle-ci: "J'habite un triglyphe Au fronton d'un temple à Balbeck. Je m'y suspens avec ma griffe Sur mes petits au large bec."
Celle-là: "Voici mon adresse: Rhodes, palais des chevaliers; Chaque hiver, ma tente s'y dresse Au chapiteau des noirs piliers."
La cinquième: "Je ferai halte, Car l'âge m'alourdit un peu, Aux blanches terrasses de Malte, Entre l'eau bleue et le ciel bleu."
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