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1853 9 Februar.

France que la Sublime Porte. Certains troubles dans les relations entre No. 96. l'Autriche et la Porte sont causés par l'attaque turque contre le Monténégro; mais cela aussi se rapporte plutôt au danger que courent les frontières de l'Autriche, qu'à l'autorité et à la sûreté du Sultan; ainsi, il n'y a pas de cause suffisante de reprocher au Sultan qu'il ne peut maintenir ni la paix à l'intérieur, ni les relations amicales avec ses voisins. Il se présente, ensuite, au gouvernement de Sa Majesté cette remarque que l'événement dont il s'agit, n'est pas définitivement fixé au point de vue du temps. Quand Guillaume III et Louis XIV disposaient, par un traité de la succession de Charles II d'Espagne, ils prenaient des mesures en vue d'une éventualité peu éloignée. Les infirmités du Souverain d'Espagne et la fin certaine de la vie humaine rendaient le cas prévu, sûr et proche. La mort du roi d'Espagne n'a été aucunement hâtée par le traité de partage. On peut dire la même chose quant à l'arrangement survenu, au siècle dernier, au sujet de la Toscane, lors de la mort du dernier prince de la maison de Medicis. Mais l'éventualité de la dissolution de l'Empire Ottoman est d'une autre nature. Elle peut se produire d'ici dans vingt, cinquante ou cent ans. Dans ces circonstances, traiter à l'avance au sujet des provinces du Sultan serait, incompatible avec les dispositions amicales, lesquelles animent aussi bien l'Empereur de Russie que la Reine de la Grande-Bretagne à l'égard de ce Souverain. En dehors de celle considération, il doit être remarqué que l'entente faite pour un tel cas aurait, sans aucun doute, pour but de hater l'éventualité contre laquelle elle serait prévue. L'Autriche et la France ne pourraient facilement être tenues dans l'ignorance de cette transaction, et ce secret même serait peu compatible avec le but de prévenir une guerre européenne. Dans le fait, un pareil secret ne peut être dans les intentions de Sa Majesté Impériale. On doit présumer que dès que la Grande-Bretagne et la Russie se seraient entendues sur la conduite à poursuivre et décidées à rendre cet arrangement efficace, elles communiqueraient leurs intentions aux autres grandes puissances euro péennes. L'arrangement ainsi fait et communiqué ne saurait rester secret pendant longtemps et tandis qu'il inquiéterait et nous aliénerait le Sultan, la nouvelle de l'existence de cet arrangement stimulerait tous les ennemis de ce Souverain à une plus grande violence et à des conflits plus obstinés. Ils lutteraient avec la conviction que finalement ils devraient triompher; tandis que les généraux et les troupes du Sultan sentiraient qu'aucun succès momentané ne saurait sauver leur cause d'un désastre final. Ainsi cette anarchie que l'on craint maintenant, serait précisément provoquée et fortifiée et la prudence excessive des amis

No. 96. du malade deviendrait la cause de sa mort.

1853 9 Februar

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Le gouvernement de Sa Majesté n'a pas besoin de s'étendre sur les dangers qui accompagneraient l'exécution d'une convention de cette sorte L'exemple de la guerre de succession suffit pour démontrer combien peu de pareils arrangements sont respectés quand une trop grande tentation pousse à les violer. La situation de l'Empereur de Russie comme dépositaire, mais non propriétaire, de Constantinople serait exposée à des dangers sans nombre aussi bien à cause de l'ambition dès longtemps nourrie de sa propre nation, qu'à cause de la jalousie de l'Europe. Propriétaire définitif, s'il pouvait le devenir, il ne se contenterait point de l'attitude inactive et indolente. des successeurs de Mohamed II. La grande influence sur les affaires de l'Europe du maître de Constantinople, qui a en son pouvoir les portes de la Méditerranée et de la mer Noire, est, semble-t-il, dans la nature des choses. Cette influence tournerait peut-être à l'avantage de la Russie; peut-être aussi aboutirait-elle à amoindrir et à tenir en échec sa puissance. Sa Majesté Impériale a judicieusement et sagement dit: Mon pays est si vaste et si heureusement situé sous tous les rapports, qu'il serait déraisonnable de ma part de désirer plus de territoire ou plus de pouvoir que je n'en possède". „Au contraire, a-t-elle dit ensuite, notre grand, peut-être notre seul danger naîtrait d'une nouvelle extension que l'on voudrait donner à un Empire déjà trop étendu. Un Etat fort et ambitieux qui remplacerait la Sublime-Porte pourrait rendre, de la part de la Russie, la guerre nécessaire pour l'Empereur ou pour ses successeurs". Ainsi la guerre européenne aurait pour source le moyen même par lequel on aurait cherché à la prévenir; car ni l'Angleterre, ni la France, ni probablement l'Autriche ne consentiraient, à voir Constantinople rester en permanence entre les mains de la Russie. || En ce qui concerne la Grande-Bretagne, le gouvernement de Sa Majesté déclare une fois pour toutes, qu'il renonce à toute intention et à tout désir de posséder Constantinople. Sa Majesté Impériale peut-être complètement rassurée sur ce point. Nous sommes également prêts à donner l'assurance que nous n'entrerons, sans une communication préalable avec l'Empereur de Russie, dans aucun arrangement relatif aux mesures à prendre dans l'éventualité de la chûte de la Turquie. En somme, le gouvernement de Sa Majesté est persuadé qu'il ne saurait être adopté de politique plus sage, plus désintéressée, plus bienfaisante pour l'Europe, que celle que Sa Majesté Impériale a si longtemps suivie et si propre à rendre son nom plus illustre que ceux des princes les plus célèbres, qui ont cherché l'immortalité dans des conquêtes injustes et dans un prestige éphémère. || Il serait désirable pour le suc

cès de cette politique, que l'on manifestât la plus grande indulgence à
l'égard de la Turquie; que toutes demandes des grandes puissances fus-
sent faites plutôt sous la forme de négociations amicales que sous celle
de demandes péremptoires; que les démonstrations coërcitives militaires
et maritimes contre le Sultan fussent évitées autant que possible; que
les différends dans les affaires concernant la Turquie, qui seraient de
la compétence de la Sublime-Porte fussent tranchés à la suite d'un com-
mun accord entre les grandes puissances et qu'à cette occasion il ne
fût
pas fait violence à la faiblesse du gouvernement ture.
A ces
observations, le gouvernement de Sa Majesté veut encore ajouter, que
d'après son avis, il est essentiel de conseiller au Sultan de traiter ses
sujets chrétiens conformément aux principes de l'égalité devant la loi et
de la liberté de conscience, qui sont généralement admis chez les na-
tions européennes civilisées. Plus le gouvernement turc adoptera les rè-
gles des lois impartiales et de l'administration équitable, moins l'Empe-
reur de Russie trouvera nécessaire d'excercer cette protection exception-
nelle, que Sa Majesté impériale a trouvée si onéreuse et si incommode,
bien qu'elle lui soit imposée comme devoir et sanctionnée par des trai-
tés. Vous pourrez donner lecture de cette dépêche au comte Nessel-
rode et même en remettre une copie entre les mains de l'Empereur, si
celui-ci le désire. Dans ce cas, vous accompagnerez la remise de la co-
pie des assurances de la part de Sa Majesté notre Reine, d'une amitié
et d'une confiance que les procédés de Sa Majesté Impériale ne pou-
vaient manquer d'inspirer.

Je suis, etc.

No. 96. 1853

9 Februar

No. 97. Depesa lui Sir G. H. Seymour către Lord John
Russell, din 21 Fevruarie 1853, San-Petersburg.

(Tra lucțiune).

(Eastern Papers, V, 1854, p. 8).

No. 97. 1853

Dans la nuit d'hier, chez la grande-duchesse, femme du grand duc héritier, l'Empereur s'approcha de moi, m'attira gracieusement à part et me dit qu'il désirait me parler. Après m'avoir exprimé, dans des ter- 21 Febr. mes les plus flatteurs, la confiance qu'il nourrit à mon égard et sa disposition de parler avec moi sans réserve sur les choses les plus impor. tantes, comme il me l'avait déjà déclaré dans un récent entretien, l'Em

No. 97. 1853

21 Febr.

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que

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pereur dit: Et c'est bien .. c'est comme cela; car ce que je désire le plus c'est qu'il règne la plus grande intimité entre les deux puissances; cela n'a jamais été aussi nécessaire comme maintenant". „Eh bien, continua l'Empereur, vous avez reçu votre réponse: me l'apporterez vous demain ?" J'aurai cet honneur, Sire, répondis-je; mais Votre Majesté sait déjà que la nature de la réponse est exactement la même que je la lui ai fait prévoir". Je m'y attendais avec regret: mais votre gouvernement, me semble-t-il n'a pas bien compris ma pensée. Je suis moins impatient de savoir, ce qui sera fait lorsque le malade mourra, que de déterminer avec l'Angleterre ce qui ne sera pas fait lorsque cet événement arrivera“. ¦¦ Mais, Sire, répondis-je, permettez moi de vous faire observer que nous n'avons nulle raison de penser que le malade (pour employer l'expression de Votre Majesté) soit mourant. Nous sommes, nous semble-t-il, aussi bien intéressés que Votre Majesté à ce qu'il continue de vivre; et en ce qui me concerne, je me permettrai de faire remarquer que l'expérience nous apprend que les Etats ne meurent pas si vite. La Turquie existera encore de longues années si une crise imprévue ne se produit. C'est précisément Sire, pour écarter toutes circonstances pouvant amener une pareille crise, que le gouvernement de Sa Majesté compte sur votre généreuse assistance". Alors, repartit l'Empereur, je vais vous dire que si Votre gouvernement est porté à croire que la Turquie possède encore en elle quelques éléments d'existence, il faut qu'il ait reçu des renseignements inexacts. Je vous le repète, l'homme malade est mourant et nous ne devons jamais permettre qu'un tel événement nous surprenne. Nous devons arriver à une entente quelconque et nous y arriverions, j'en suis persuadé, si je pouvais avoir seulement dix minutes de conversation avec vos ministres, avec lord Aberdeen, par exemple, qui me connait si bien, qui a en moi autant de confiance que j'en ai en lui. Et, ne l'oubliez pas, je ne demande ni un traité, ni un protocole; une entente générale est tout ce que je désire; entre gentlemen cela suffit. Et dans ce cas là, je suis certain que la confiance des ministres de la Reine sera aussi grande que la mienne. Restons en là pour le moment. Venez chez moi demain, et toutes les fois que vous croirez, qu'une conversation avec moi puisse contribuer à une bonne entente sur n'importe quel point, faites moi dire que vous désirez me voir". Je remerciai vivement Sa Majesté et j'ajoutai qu'Elle pouvait être sûre que le gouvernement de la Reine, j'en suis convaincu, considère sa parole, une fois donnée, comme aussi valable qu'une assurance par écrit. Je n'ai point besoin de faire remarquer à Votre Seigneurie que le court entretien que j'ai reproduit ici en ré

sumé, mais avec exactitude, donne matière à des réflexions très graves. No. 97.

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ne

saurait être douteux, qu'un souverain qui insiste avec une telle ténacité sur la chûte prochaine d'un Etat voisin, a dû décider dans son esprit que l'heure est venue de ne pas attendre la solution mais de la provoquer. Aujourd'hui, comme toujours, je pense que cette hypothèse serait inadmissible, si une entente, en termes généraux peut-être, mais dans tous les cas intime, n'existait pas là-dessus entre la Russie et l'Autriche. En admettant que ma supposition soit fondée, l'Empereur a l'intention de gagner le gouvernement de Sa Majesté à un plan du partage définitif de la Turquie, combiné entre la Russie et le cabinet de Vienne, en excluant la France de cet arrangement.

1853

21 Febr.

No. 98. Depeșa lui Sir G. H. Seymour, către Lord John
Russell, din 22 Fevruarie 1853. San-Petersburg.

(Traducțiune).

(Eastern Papers. V. 1854, p. 9).

1853

J'ai eu hier l'honneur de voir l'Empereur et d'avoir avec Sa Ma- No. 98. jesté une conversation du plus haut intérêt. Mon seul regret est de ne pouvoir rapporter tous les détails d'un dialogue qui à duré une 22 Febr. heure et 12 minutes. L'Empereur commença par m'inviter à lui lire à haute voix la dépêche secrète et confidentielle de Votre Seigneurie du 9 courant, en me disant que peut-être il m'arrêterait pour faire une observation ou pour me demander la traduction d'un passage. || Arrivé au quatrième paragraphe, l'Empereur me pria de m'arrêter et fit observer, qu'il est certainement très désireux de s'entendre avec le gouvernement de Sa Majesté la Reine sur des mesures à prendre contre une éventualité probable comme l'est celle de la chûte de la Turquie, qu'il est peut-être plus intéressé que l'Angleterre à prévenir une catastrophe turque; mais que celle-ci menace constamment, qu'elle peut se produire à tout moment, soit à la suite d'une guerre extérieure soit à la suite de la lutte entre le parti vieux-turc et le parti des nouvelles réformes superficielles françaises, soit enfin à la suite d'un soulèvement. des chrétiens qui sont déjà fort impatients de secouer le joug musulman. En ce qui concerne la première cause, dit l'Empereur, j'ai le droit d'en parler si je n'avais pas arrêté, en 1829, la marche victorieuse du général Diebitch, c'en aurait été fait de l'autorité du Sultan. || L'Empereur me rappela que lui et lui seul s'était empressé d'aller an

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