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1854

27 Febr.

produire, dans des parages où les forces navales de chacun d'eux ne No. 283. seraient point constamment présentes, des conjonctures où leurs nationaux et leur pavillon de commerce n'auraient pas, au moment nécessaire, tout l'appui indispensable à leur sécurité. Les deux gouvernements n'avaient qu'à s'inspirer de la pensée qui préside à leurs rapports actuels pour trouver un moyen de pourvoir à ces éventualités, et ils l'ont vu dans l'adoption concertée d'un système de protection réciproque embrassant ces intérêts disséminés sous toutes les latitudes. Les Agents diplomatiques et commerciaux, ainsi que les commandants des forces navales, de chacun des deux pays, sur tous les points du globe, devront donc accorder leur appui aux sujets et au commerce de l'autre, dans toutes les hypothèses où ils seraient menacés par l'ennemi commun. || En conséquence, Monsieur, vous considérerez, en pareil cas, les bâtiments et les sujets Anglais, dans votre ressort, comme ayant le même droit que les bâtiments et les sujets Français à toute l'assistance que comportent. vos attributions, et vous donnerez avis de cette prescription aux officiers de Marine de Sa Majesté Impériale qui seraient en position de concourir aux mesures que les circonstances resultant de l'état de guerre vous paraîtraient commander. || Les Agents et les officiers de mer de Sa Majesté Britannique recevront des instructions identiques, et ainsi les sujets et le commerce des deux nations seront autorisés à compter sur la protection reciproque des Consuls et de la Marine des deux Puissances. Vous comprendrez, Monsieur, que je ne cherche point à déterminer à l'avance tous les cas qui pourront réclamer votre intervention. C'est à votre sagacité de vous diriger dans l'application du principe destiné à vous servir de règle de conduite. Les deux gouvernements ont tenu beaucoup moins à préciser les circonstances et les formes dans lesquelles cette protection devra s'exercer qu'à bien marquer le caractère qu'elle doit prendre. Mais en donnant au monde ce nouveau témoignage de l'unité de leurs vues et de la sincerité de leur alliance, ils sont persuadés que, pour assurer à cette mesure commune toute l'efficacité désirable, leurs Agents n'ont besoin que de se bien pénétrer de l'esprit de solidarité qui en a inspiré aux deux Cabinets la pensée. Recevez, etc.

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No. 284.

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fin. Febr.

No. 284. Instrucțiunile adresate de către Admiralul Du

cos Ministru Marinei și Colonielor al Fran

ciei către oficeri comandanţi pe mare, la finele lui Februarie 1854. Paris.

(Eastern Papers, IV, 1854, p. 5.)

Messieurs, Ma dépêche du 18 Février a appelé spécialement votre attention sur les graves complications qu'à fait naître en Europe la question d'Orient. Les négociations entamées pour dénouer pacifiquement le différend qui s'est élevé entre la Russie et la Turquie sont demeurées sans résultat, et tout porte à croire que de nouveaux efforts demeuront impuissants. || L'Angleterre et la France ont résolu de protéger l'Empire ottoman, et de s'opposer, même par la force, aux projets envahissants de la Russie. Ces deux grandes nations sont intimement unies dans leur politique et se sont mutuellement donné les gages les plus certaines de leur alliance. Leurs escadres croisent de concert dans la mer Noire; elle se prêtent réciproquement le plus loyal concours; les deux gouvernements, après avoir adopté une politique commune, se sont mis également d'accord sur tous les moyens d'action. Cette alliance de la France et de l'Angleterre ne doit pas se révéler seulement dans les mers d'Europe. Le gouvernement de Sa Majesté Impériale et celui de la Reine de la Grande Bretagne désirent que la même union, le même accord, règnent sous toutes les latitudes. Les forces navales de l'Angleterre et de la France doivent donc se prêter un mutuel concours dans toutes les régions même les plus loiantaines. || Immédiatement après la réception de ces instructions, vous aurez soin de vous mettre en rapports avec les commandants des stations ou des bâtiments de la Grande Bretagne. Vous devrez combiner, de concert avec eux, toutes les mesures qui auraient pour objet de protéger les intérêts, la puissance ou l'honneur du drapeau des deux nations amies. Vous vous prêterez dans ce but une mutuelle assistance, soit que vous deviez attaquer l'ennemi, quand les hostilités auront commencé, ou quand la déclaration de guerre aura été faite, soit que vous vous trouviez, dès ce moment, dans l'obligation de vous défendre. Vous devrez accorder votre protection aux bâtiments du commerce de la Grande Bretagne au même titre que les bâtiments de guerre de l'Angleterre prêteront aide et protection aux navires marchands de notre nation. En un mot, les deux gouvernements de France et d'Augleterre désirant que leurs forces navales armées agissent comme si elles appartenaient à

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une seule et même nation, je compte que, pour ce qui vous concerne, No. 284. vous ne perdrez jamais de vue cette règle de conduite, et que vous saurez la pratiquer de manière à cimenter davantage encore, s'il se peut, l'intime union des deux pays. Tant que les hostilités entre la France et l'Angleterre d'une part, et la Russie de l'autre, n'auront pas commencé ou que la déclaration de guerre n'aura pas été faite, vous vous dispenserez de prendre l'initiative des mesures aggressives, et vous vous tiendrez sur la défensive. J'aurai soin, aussitôt que le moment sera venu, de vous transmettre toutes les instructions nécessaires pour l'attaque.

Recevez, etc.

No. 285. Memorandul Russiei adresat agenților sei diplomatici, din 2 Martie 1854. San-Petersburg.

(Testa. Traités, IV, 2, p. 81)

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Au moment où la question d'Orient se complique plus que jamais No. 825. par l'entrée dans la mer Noire des flottes d'Angleterre et de France, et par l'interruption de nos rapports diplomatiques avec l'un et l'autre 2 Martie. gouvernement, il est naturel que chacune des parties principales, intéressées dans cette affaire, cherche à écarter loin de soi le fardeau de responsabilité qui s'attache aux conséquences possibles de cette redoutable question. La conscience des Cabinets s'inquiète et recule justement à l'idée d'une guerre générale, où viendraient s'anéantir les prospérités d'une longue paix, et qui peut livrer à de nouveaux périls une société à peine remise des derniers bouleversements. Beaucoup d'efforts ont été faits, et sont encore faits journellement pour imputer à la Russie la cause de la crise actuelle, et pour faire peser sur elle le reproche des maux qui en peuvent sortir. Un coup d'œil, jeté en arrière sur le motif et les phases diverses de cette crise, montrera que si elle a pris des proportions aussi alarmantes, ce n'est point à la Russie que le tort en appartient. Il est loin de notre pensée de vouloir jeter un doute sur les sentiments pacifiques des Puissances qui viennent de prendre contre nous une attitude si voisine de l'hostilité. Elles ont certainement voulu la paix comme nous la voulions nous-mêmes. Mais les préventions, les méfiances, l'appréciation peu équitable de nos vues politiques à l'égard de l'Empire ottoman, qui ont fait dès le commencement le principe de

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No. 285. leur conduite, devaient forcément les mener aux conséquences mêmes qui leur répugnaient. Leur position et la nôtre a été faussée dès l'origine : 1. Par le point de vue sous lequel elles ont envisagé la question; || 2. Par les mesures qu'elles ont adoptées pour la résoudre. || Il suffira de quelques mots pour rappeler quelle a été la cause première de notre différend avec la Porte. || Depuis longtemps tous les actes du Gouvernement turc à notre égard, comme à celui de l'Eglise Orientale en Turquie, étaient empreints d'un cachet évident d'hostilité. On connaît les sympathies et les rapports spirituels qu'une identité de culte et de race établit de temps immémorial entre la Russie et la majorité des sujets chrétiens du Sultan. Il en résulte pour nous en Turquie une influence morale que nous ne chercherons pas à nier. C'est un fait que nous n'avons pas créé. Il est l'ouvrage du temps et des lieux. Indépendamment des traités, il tient à la force des choses. De là, les défiances qu'il inspire au gouvernement turc. De là, son désir d'affaiblir l'Eglise d'Orient par crainte des liens qui l'attachent à la Russie, ses efforts pour la tenir vis-à-vis des autres communautés chrétiennes dans un état d'infériorité, et pour favoriser à ses dépens les progrès de leur propagande. Il serait trop long d'énumérer ici une à une toutes les preuves de ce système, tous les coups ouverts ou détournés que le gouvernement turc a portés durant les dernières années au rite que nous professons. Immixtion directe dans ses affaires intérieures et violation de ses statuts, sous prétexte de réformes à accomplir dans l'administration cléricale; irrégularités constantes dans l'élection des Patriarches; germes de division semés à dessein dans les relations spirituelles de la race grecque avec la race slave; obstacles de tout genre apportés au développement des Églises bulgare et bosniaque, à l'instruction du clergé indigène, à l'éducation religieuse des populations; interdiction à cet effet de la langue nationale dans l'exercice du culte; prohibition ou lacération partielle des livres sacrés que le clergé gréco-slave fait venir de Russie pour son usage, et qu'il ne peut guère tirer d'ailleurs; en tel endroit, défense de rebâtir en pierre une église en bois qui s'écroule; en tel autre, église unique assignée aux Latins de préférence aux Grecs; mille faits, en un mot, qui, chacun pris à part, n'ont qu'une importance relative, mais qui, vus dans leur ensemble, nous démontrent depuis des années l'intention bien arrêtée du gouvernement turc de contribuer à l'accroissement des autres cultes, pour diminuer, avec la puissance du nôtre, le nombre de ceux qu'il envisage comme les adhérents de la Russie. Nous ne parlons pas ici d'actes bien autrecette persécution sourde, des massacres d'Alep,

ment criants encore que

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des cruautés, des profanations, des conversions forcées à l'Islamisme en No. 285. Albanie, en Bulgarie, en Bosnie, en Herzégovine, au Monténégro. Ceuxlà sont plus généralement connus. Ce sont tous ces faits vexatoires, objets de nos représentations constantes qui, couronnés en dernier lieu par le préjudice fait aux Grecs dans l'affaire des Lieux-Saints, et enfin, par l'infraction ouverte du firman destiné à rétablir l'équilibre eutre eux et l'Eglise latine, par les procédés les plus blessants pour le Cabinet Impérial et pour l'Empereur en particulier, motivèrent, on le sait, l'envoi du prince Menchikoff à Constantinople.

On conçoit dès lors qu'un arrangement pur et simple de l'affaire des Lieux-Saints, moyennant un nouveau firman aussi peu solide que le dernier, ne pouvait suffire à nos griefs; qu'il nous fallait pour l'avenir une garantie plus expresse, devant servir, en outre, de réparation au manque d'égards personnel, dont l'Empereur avait à se plaindre de la part du Sultan. |; On a prétendu que, l'arrangement terminé, nous avions subitement et postérieurement mis en avant la demande de cette garantie comme une prétention toute nouvelle. Les premières notes présentées par le prince Menchikoff établissent, à n'en pas douter, que, dès le début de sa mission, les deux demandes ont été faites d'emblée simultanément. Quand le temps aura fait tomber le voile des soupçons et des idées préconçues qui dénaturent trop souvent les intentions de la Russie dans tout ce qui touche à la Turquie, on conviendra que le texte de cette garantie n'avait rien de nouveau, rien d'insolite, rien d'alarmant pour la sécurité du Sultan. Elle se fondait sur les Traités par lesquels le gouvernement turc nous a déjà promis de protéger dans ses Etats la religion et ses églises. S'engager à protéger une religion et ses églises, et se réserver le droit d'altérer à volonté les privilèges et immunités qui servent de base à son existence, ne sont-ce pas deux choses contradictoires? Et de quelle valeur pratique pourrait être un engagement ainsi compris? En insistant pour le maintien des privilèges assurés au culte grec par une possession séculaire (ab antiquo,) nous ne demandions donc autre chose que ce qu'implique de soi le Traité de Kaïnardji, comme ceux qui l'ont confirmé, par conséquent rien de contraire à l'indépendance du Sultan, si ces Traités n'y ont pas été jugés contraires Pour les Grecs, nous n'exigions d'autres avantages nouveaux que la possession plus sûre de ceux qu'ils possédent déjà, et pour nous, en particulier, d'autres droits que celui qui nous a toujours appartenu d'exercer en leur faveur notre active sollicitude. En constatant que les Grecs avaient toujours joui et continueraient à jouir de leur privilèges religieux, sous l'égide de leur Souverain, le Sultan, nous en avions suffi

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