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1848 31 Iulie.

la circonstance actuelle, on tâchera sans doute de nous opposer ces No. 89. déclarations, pour nous mettre, s'il est possible, en contradiction avec nous-mêmes. Aux yeux des personnes de bonne foi, cette contradiction n'existe point. Nous avons en effet déclaré ne pas vouloir nous immiscer dans les diverses transformations que les Etats voisins de nous voudraient faire subir à leur constitution intérieure. Mais il est bien évident, qu'un pareil engagement ne pouvait s'appliquer qu'aux Etats européens qui traitent avec nous de puissance à puissance, aux Etats indépendants, dont l'organisation sociale est sans relation quelconque avec les traités politiques qui ont réglé leur circonscription. Sur ceux-là, nous ne nous reconnaissons le droit, pas plus que nous n'avons la prétention, d'exercer aucune sorte de protection ou d'influence. Il en est autrement des principautés, qui ne sont point des Etats reconnus, mais de pures et simples provinces, formant partie intégrante d'un empire, tributaires de son souverain, gouvernées temporairement par des princes, dont le choix a besoin d'être sanctionné, et qui, quant à la Russie, n'ont politiquement d'existence qu'en vertu des traités, n'ayant eux-mêmes rien de commun avec l'ensemble des transactions sur la base desquelles est fondé le droit public de l'Europe. C'est seulement à ces traités-là, et principalement à ceux de Bucarest, d'Ackerman et d'Andrinople que la Moldavie et la Valachie sont redevables des privilèges ajoutés ou substitués à ceux qu'elles tenaient originairement de leurs anciennes capitulations avec la Porte, mode d'éléction de leurs hospodars, exemption de redevances onéreuses qu'a remplacées un tribut annuel plus modéré, exercice de leur religion, liberté de leur industrie, de leur navigation, de leur commerce, extension même de leurs limites, moyennant l'annexion à la Valachie des îles attenantes du Danube et des villes et territoires turcs situés sur la rive gauche de ce fleuve. C'est enfin par ces mêmes traités qu'a été garantie aux deux provinces la jouissance du mode d'administration qui les régit; et ce mode est lui-même fixé par un statut organique, institué avec l'agrément de la Porte, pour assurer d'une part aux Moldo-Valaques les privilèges qui leur sont concédés, et les maintenir de l'autre dans les rapports de vassalité qui les unissent. à l'empire ottoman. | Il résulte de cette position toute exceptionnelle, toute spéciale, toute fondée sur des conventions arrêtées entre la Porte Ottomane et nous, que la Moldavie et la Valachie ont à remplir, tant envers la puissance suzeraine qu'envers la puissance protectrice, des obligations positives, auxquelles elles ne sauraient se soustraire sans le consentement préalable de l'une et de l'autre. Il se peut que leur régime administratif soit susceptible d'améliorations, qu'il ait besoin même

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No. 89. d'être modifié en plus d'un point, mais il ne saurait l'être sans l'ap1848 probation des deux cours; il ne saurait l'être par la révolte. Or, la révolte est le moyen que les chefs du parti triomphant ont employé, non pour modifier seulement ce régime, mais pour le renverser de fond en comble Oubliant que la plupart des avantages assurés à leur patrie ne sont dûs qu'à la protection bienveillante de la Russie, ils rejettent cette protection, pour en appeler à celle d'autres puissances. Leurs devoirs envers la Porte ne sont pas moins gravement méconnus. Car, bien qu'ils affectent pour le moment de ne pas rompre encore entièrement leurs rapports de vassalité avec elle, ils ne les brisent pas moins de facto, en abolissant de leur pleine puissance toutes les règles, toutes les conditions qui sont la base de ces rapports mêmes. Il suffit du principe seul de la souveraineté du peuple, invoqué par eux à l'appui de leurs prétentions, pour constituer la négation la plus flagrante des droits souverains du Sultan. Leur projet futur est d'ailleurs patent. I ressort de leur programme et leurs proclamations n'en font pas mystère. C'est celui de restaurer, sur une base historique qui n'a jamais existé, leur antique nationalité, c-à-d. de cesser d'être provinces, et de constituer, sous le nom de royaume daco-roumain, un nouvel Etat séparé et indépendant, à la formation duquel ils convient leurs frères de Moldavie, de Bukovine, de Transilvanie et de Bessarabie. La réalisation d'un pareil plan, si l'on permettait qu'elle s'effectuât, amènerait des conséquences sérieuses. Qu'au nom d'une prétendue nationalité, dont l'origine se perd dans la nuit des âges, les Moldo-Valaques en viennent une fois à se séparer de la Turquie, et en vertu du même principe, sous l'influence du même désir, on verra bientôt la Bulgarie, la Roumélie, toutes les races de langues diverses dont l'Empire Ottoman se compose, prétendre aussi à s'émanciper, pour former chacune un Etat à part. Il s'ensuivra, ou un démembrement, ou du moins, dans tout l'Orient, une série de complications inextricables. S'il ne s'agissait ici que des auteurs de l'insurrection, et si, ce que nous ne pensons pas, ils représentaient véritablement l'opinion du peuple moldo-valaque, malgré tout ce que leur conduite offre de répréhensible envers la Russie, à laquelle leur pays est redevable des bienfaits de sa condition actuelle, nous pourrions rester indifférents à l'oubli qu'ils font de ces bienfaits, et les livrer aux conséquences de leur folle et coupable entreprise. Mais ce petit nombre d'insensés, dont les idées de gouvernement ne sont qu'un plagiat emprunté à la propagande démocratique et socialiste, étrangère à leur propre pays, ne sauraient constituer à nos yeux le véritable peuple valaque. Et, même en fût-il autrement, plus nous avons fait pour les Principau

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tés, plus nous avons obtenu pour elles auprès de la Porte ottomane, No. 89. plus aussi nous sommes engagés d'honneur à empêcher qu'elles n'abusent de ces avantages contre un empire dont l'intégrité est à nos yeux, dans le bouleversement actuel de l'Europe, plus que jamais une condition essentielle pour le maintien de la paix générale. Notre propre sécurité y est d'ailleurs intéressée. Elle est menacée en Bessarabie par les intrigues qu'on y trame, par l'existence d'un foyer pérpetuel d'insurrection qui s'établirait ainsi à nos portes. Pas plus qu'à la Turquie elle-même, il ne saurait nous convenir de voir, à la place des deux Principautés, surgir un nouvel Etat, qui, livré à l'anarchie et trop faible pour se soutenir par ses seules forces, tomberait tôt ou tard inévitablement sous l'influence de la domination d'autres puissances, de manière à mettre en danger tous nos rapports internationaux. Il y a donc ici pour nous tout à la fois question de droits, question d'honneur, question d'intérêts politiques, toutes choses sur lesquelles la Russie ne saurait consentir à transiger. Tels sont, Monsieur, nos motifs d'intervention. Ils sont simples, ils sont légitimes. Mais comme on s'est malheureusement habitué à subtiliser sur la politique de la Russie, à y chercher ce qui n'est pas, et que d'ailleurs le parti anti-social qui ne veut qu'une conflagration universelle a intérêt à inquiéter, à exaspérer l'opinion, nous ne doutons pas que le mouvement que nous venons de faire hors de nos frontières ne donne lieu, comme d'ordinaire, aux plus fausses suppositions. On dira, on a déjà dit, que ce mouvement n'est qu'un premier pas de notre politique envahissante, que nous n'attendions qu'un pretexte pour porter nos forces en avant, que nous entrons dans les principautés bien décidés à n'en pas sortir, et que, suivant ces plans traditionnels d'agrandissement que médite la Russie sur l'empire ture, nous exploitons, pour les réaliser, l'impuissance et les embarras où les perturbations sociales du moment plongent l'Europe occidentale. Nous n'avons qu'un fait bien simple à opposer à toutes ces conjectures : c'est que nous entrons en Moldavie d'un commun accord avec la Porte ottomane, et que nos troupes n'y agiront, supposé qu'il en soit besoin, que conjointement avec les siennes. Le passé d'ailleurs répond du présent. Plus d'une fois, à des époques antérieures, nous avons déja occupé tout ou partie des Principautés, et, fidèles à la parole que nous en avions donnée d'avance, nous les avons toujours évacuées dès l'accomplissement des conditions que nous avions mises à notre retraite. Il en sera encore de même cette fois, et, du moment qu'en Valachie l'ordre légal aura été rétabli ou que la Porte croira avoir acquis une suffisante garantie du repos intérieur des deux provinces, nos troupes en seront re

No. 89. tirées, pour aller reprendre immédiatement la position strictement dé1847 fensive qu'elles occupaient sur la frontière. La conclusion que vous

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aurez à tirer des précédentes considérations est que les rapports dans lesquels les Principautés du Danube sont placées vis-à-vis de nous, n'offrant aucune analogie avec ceux qui existent entre la Russie et les autres puissances européennes, notre intervention actuelle, en principe et en fait, n'a rien de commun avec celles qu'on nous supposerait à tort l'intention de vouloir exercer ailleurs en Europe. Nos droits se fondent en Orient sur des traités, qui, en Occident, n'existent pas. C'est à faire ressortir cette distinction importante que vous voudrez bien vous appliquer. Elle est visible à qui veut voir: elle n'ôte rien par conséquent à la valeur de toutes nos déclarations antérieures. Vis-à-vis des états indépendants, notre principe de stricte neutralité reste invariablement le même, et quels que soient les changements que chacun d'eux veuille apporter dans ses lois sociales ou politiques, tant qu'ils ne nous attaqueront pas dans notre sécurité ou dans nos droits, nous continuerons à assister, l'arme au bras, comme nous l'avons fait jusqu'ici, au spectacle de leurs révolutions intérieures.

No 90.

No. 90.-Nota generalului Aupick, ambasadorul Franciel la Constantino pole, către Ali-Paşa, Ministrul Afacerilor Străine al Turciei, din 28 Maiŭ 1850. Constantinopole.

(Eastern Papers. 1851. 1, p. 5)

Le général de division Ministre de France près la Sublime Porte Ottomane, a eu l'honneur de donner lecture à son Excellence Aali Pasha, 28 Maiă. Ministre des Affaires Etrangères de Sa Majesté le Sultan, d'une dépêche

par laquelle le Gouvernement de la République le charge de revendiquer efficacement en faveur des religieux Latins la possession des lieux saints que l'Article XXXIII des Capitulations de 1740 leur a garantie. Ces lieux saints sont:

La grande Eglise de Bethléem;

Le sanctuaire de la Nativité, avec le droit d'y placer une nouvelle étoile, de changer la tapisserie de la grotte; d'y agir, enfin, comme les possesseurs exclusifs;

Le Tombeau de la Sainte Vierge;

La Pierre de l'Onction;

Les sept arceaux de la Sainte Vierge dans l'Eglise du Saint Sépulcre.

1850

28 Maiŭ.

Le gouvernement Français réclame encore pour les religieux Francs No. 90. le droit de réparer la coupole de l'église du Saint Sépulcre; et enfin il demande que dans cette dernière église, toutes choses soient remises en l'état où elles étaient avant l'incendie de 1808. Il prouvera surabondamment que les sanctuaires et les droits ci-dessus énumerés appartenaient aux religieux Latins en 1740. B La franchise et le cou

rage avec lesquels la Sublime Porte est entrée dans des voies d'amélioration morale et de civilisation; l'adhésion qu'elle a donnée par sa conduite sage et mesurée aux grands principes du droit public Européen, laissent au Gouvernement Français la ferme conviction que, dans cette circonstance, il ne fera pas inutilement appel à la bonne foi et à l'esprit d'équité du gouvernement de Sa Majesté Impériale; et que celui-ci en fournira une nouvelle preuve par son respect pour les engagements dont la France réclame l'exécution. I! Il mettra de la sorte et pour toujours un terme à des difficultés sans cesse renaissantes et à d'interminables récriminations qu'il n'entre certainement pas dans sa pensée de vouloir perpétuer.

Annexe. Articles des Capitulations Françaises ayant trait aux églises et aux religieux.

Article I. Tous les Français qui iront et viendront à Jérusalem pour visiter les lieux saints, et les religieux qui demeurent dans l'église appelée Camamé, ne pourront être inquiétés en aucune manière.

Article XXXII. Nos augustes ancêtres d'heureuse memoire avaient autrefois permis aux nations ennemies qui n'avaient point d'Ambassadeurs spéciaux à notre fortunée Porte, d'aller et venir dans nos Etats sous la bannière de France pour y trafiquer et pour y visiter les lieux saints, et cela était consigné dans les capitulations accordées aux Français; mais plus tard quelques motifs avaient fait totalement défendre. de venir dans nos pays aux dites nations, qui ont été exclues des capitulations.-L'Empereur de France nous ayant, il y a quelque temps, témoigné par une lettre adressée à notre Sublime Porte qu'l désirerait que ces nations ennemies, à qui il était défendu de trafiquer dans nos Etats, eussent la Faculté de visiter Jérusalem comme par le passé sans être aucunement inquiétées, et que si après quelque temps on leur permettait de venir dans nos Etats pour trafiquer que cela fût encore sous la bannière de France, nous avons accueilli la prière de cet Empereur en considération de l'ancienne amitié qui de père en fils existe entre lui et notre Sublime Porte depuis le règne de nos augustes ayeux jus

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