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ici-bas, autant l'aiment-ils dans le ciel, autant desirent-ils de la glorifier.

Mais remarquez, mes frères, quelle est leur puissance. Il leur est donné de régner sur la terre avec le Sauveur. J'ai vu, dit saint Jean, des trônes, et ils s'y sont assis. Le jugement leur a été donné. Je les ai vues, ces ames de ceux qui ont été tués, décollés pour le témoignage de Jesus-Christ. Voilà, mes frères, un règne sensible sur la terre, sans attendre le dernier jour; un règne qui viendra avec la paix, quand le dragon sera enchaîné; et ce règne temporel s'appelle la première résurrection. Ne le voyez-vous pas ce triomphe des martyrs réservé à la paix de l'église ? C'est alors que régnant avec Jesus-Christ, ils mettent sous leurs pieds tous ses ennemis, et répandent sur les fidèles les bienfaits du père céleste. Et en effet saint Augustin assure que les miracles des temps apostoliques se renouvellaient à la face de toutes les nations en faveur des corps des martyrs, dans le commencement de la paix de l'église, où les peuples barbares venaient comme au-devant de l'évangile. Voilà la douce vengeance que les saints martyrs avaient demandée de leur sang; voilà le règne sensible qui leur était promis. Ils avaient rendu témoignage à Dieu par leur propre sang; et Dieu à son tour leur rendait témoignage par ses miracles. Ce

témoignage réciproque était le triomphe de la vérité, c'était le règne des martyrs et de Jesus-Christ tout ensemble.

Faut-il donc s'étonner si les Basile, les Grégoire et les Chrysostome ont appelé les corps des martyrs des forteresses qui protégeaient les villes assez heureuses pour les posséder? O ville de Rome, s'écrie saint Chrysostome, c'est la présence de Paul qui fait que je vous aime. Quel présent ferez-vous au Sauveur, lorsqu'on verra l'apôtre sortir du sacré monument pour être enlevé dans les airs au-devant du Sauveur même ! Mais maintenant qui me donnera la consolation d'aller me prosterner aux pieds de Paul, et de demeurer attaché auprès de son tombeau? Serai-je assez heureux pour voir les cendres de ce corps qui accomplit en lui ce qui manquait aux souffrances de Jesus-Christ.

O ville de Paris, diront-nous aujourd'hui, que tu es heureuse et enrichie par la présence de ce nouveau martyr! Qui me donnera de baiser ses sacrées dépouilles qu'il a laissées sur la terre, après l'avoir vaincue par la sublimité de sa foi ?

Enfans de Dieu, écoutez les paroles que Dicu prononce par ma bouche, et votre ame vivra. Vous n'ignorez pas maintenant qu'elle est la puissance des saints martyrs dont Dieu veut glorifier la chair pour en tirer sa pro

pre gloire. Vous avez entendu les paroles de l'écriture, et le pieux usage de l'église naissante. De plus, vous trouvez au-dedans de vous-mêmes le germe de piété qui porte naturellement l'église à un culte si édifiant. Ici la grace et la nature sont d'accord. La nature demande ce qui frappe les sens, pour affermir sa foi; et voici à quoi sert la présence des corps des martyrs. Ils réalisent tout ce que l'histoire ne fait que raconter ; ils mettent devant nos yeux les choses mêmes que nous révérons.

Hélas! si les enfans qui n'ont pas dégénéré ne peuvent voir le tombeau de leur père sans verser des larmes, sans être attendris, et sans rappeler les plus purs sentimens de vertu que le père leur a laissés comme en héritage; nous, enfans de ces premiers chrétiens qui nous montrent la voie du ciel teinte de leur sang, pourrionsnous venir sur leurs cendres bénites et révérées de tous les siècles, sans verser des larmes, non sur eux, mais sur nous-mêmes, sans frapper nos lâches poitrines, sans ranimer notre foi et notre espérance par le souvenir de leurs combats et de leurs victoires?

Oh! si jamais ces spectacles capables de percer nos cœurs furent nécessaires, c'est maintenant; ils l'étaient bien moins dans les temps où c'était presque la même chose d'être fidèle et d'être martyr. Maintenant

que le sang chrétien refroidi dans nos veines à oublié de couler pour la cause de l'évangile, ne faut-il pas le rechauffer par la vue

de celui des anciens martyrs ? Mais voici d'autres fruits, mes frères, que nous pouvons tirer tous les jours du culte des corps des saints.

Ces corps, comme nous l'avons vu, ont été persécutés par le martyre même avant que de l'être par les tyrans. C'est le cilice, c'est le jeûne, c'est le travail des mains, et une longue suite de veilles, de sueurs, de larmes, qui les a préparés à vaincre les chevalets, les croix, les chaudières bouillantes, les roues armées de rasoirs. La vue de ces corps si mortifiés avant que de mourir ne pourra-t-elle point vous confondre, vous qui par une vie toute sensuelle vous préparez une mort lâche et impénitente? Souvenez-vous de la célèbre Aglée, qui faisant partir de Rome Boniface son domestique pour aller en Asie chercher des corps des martyrs, lui dit : Sachez, ô Boniface, que les corps des fidèles qui vont recueillir ceux des martyrs doivent être purs et sans taches. Ce ne serait plus un honneur que vous viendriez ici rendre au martyr; ce serait une insulte, une dérision sacrilége, un triomphe impie de la chair et du sang contre le martyr; tout au moins, ce serait une superstition, Car qu'y a-t-il de plus su

perstitieux que d'honorer les martyrs, et d'attendre qu'ils nous seront propices, sans desirer de les imiter ?

Les corps que la cruauté des tyrans et la corruption ont réduits en cendres, se ranimeront au jour de Jesus-Christ; et de là vient que ces corps si défigurés, qui nous saisiraient de frayeur et d'horreur s'ils avaient souffert tant de supplices pour quelques crimes, ou même s'ils étaient morts d'une mort naturelle après une vie commune, ne nous inspirent que tendresse, vénération, joie et confiance. C'est que nous savons que celui pour qui ils sont morts tient dans ses mains les clefs du tombeau, et qui est luimême la résurrection et la vie. Ainsi cette cendre, toute cendre qu'elle est, quoiqu'on n'y voie plus que de tristes débris fondroyés par la mort, exhale encore une odeur de vie, et nourrit dans nos cœurs une espérance pleine d'immortalité.

Voilà, disons-nous, ces membres qui paraissaient morts, mais qui sont encore vivans dans la main de Dieu. Voilà ces os brisés et humiliés, qui tressailliront de joie quand la trompette sonnera pour rassembler toute chair aux pieds de Jesus-Christ. Voilà ces pieds et ces mains qui ont été dans les chaînes; ces pieds qui n'ont point fui lorsqu'il a fallu confesser Jesus - Christ; ces mains pleines de bonnes ceuvres. Voilà ces yeux

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