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e'est présomption: car ce n'est pas déférer à l'autorité, c'est au contraire fouler au pieds la plus grande autorité que la providence ait mise sous le ciel, pour s'ériger dans son propre cœur un tribunal suprême. Voilà, mes frères, le premier coup qui a donné la mort à cette jeunesse, d'ailleurs si innocente et si digne de compassion; voilà le frein d'erreur que Dieu dans sa colère permet qui soit dans la bouche des hommes superbes, pour les précipiter dans le mensonge.

Telle fut, ma chère sœur, cette première démarche qui vous égara des anciennes voies, et qui mit insensiblement un mur entre vous et la vérité. Jusques-là tout était catholique en vous; tout, jusqu'à cette soumission même si simple que vous aviez pour les faux pastours. Voire baptême, quoiqu'administré hors de l'enceinte de l'unité par des mains révoltées, était pourtant l'unique baptême qui par-tout où il se trouve appartient à l'église unique, et qui tient sa vertu non de la disposition du ministre, mais de la promesse immuable de Jesus-Christ. Vous fites même dans l'unité tout ce que vous fites sans vouloir la rompre; vous ne commençâtes à être véritablement protestante, qu'au moment fatal où vous dites dans votre cœur en pleine liberté: Oui, je confirme la séparation de mes pères; et en lisant les écritures, je juge que l'église d'où nous sommes sortis ne les entend pas.

A cette parole si dure et si hautaine, c'en est fait; l'esprit qui ne repose que sur les doux et humbles de cœur, se retire; le lien fraternel se rompt; la charité s'éteint, la nuit entre de toutes parts; l'autorité si claire dans l'évangile pour prévenir les plus subtiles distinctions, si nécessaire pour soutenir les faibles, pour arrêter les forts, pour tenir tout dans l'unité; cette autorité sans laquelle la providence se manquerait à elle-même pour l'instruction des simples et des ignorans, ne paraît plus qu'une tyrannie. Quels maux affreux viennent de cette source! Confiance téméraire en l'élection divine, inspirée à chaque particulier, au préjudice de la crainte et du tremblement avec lequel on doit opérer son salut mépris de l'antiquité, lors même qu'on fait semblant de la suivre : audace effrénée qui traite les pères d'esprits crédules et superstitieux, d'introducteurs de l'antechrist: parole du Sauveur, qui devait être un lien d'éternelle concorde, devenue le jouet d'une vaine subtilité dans des disputes scandaleuses : divins oracles livrés aux visions et aux songes impies de toutes les sectes qui se multiplient à l'infini, et qui s'entredéchirent cruellement. O ma bouche, n'achevez pas.

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Voilà ce que la réforme enfante dans le nord depuis le dernier siècle, fruits par lesquels on doit juger de l'arbre. Quel remède

à ces maux ? Sera-ce l'écriture, mes frères? Hé! c'est-elle dont on abuse. Semblable à Dieu même qui l'a inspirée, bien loin d'instruire les superbes, elle leur résiste, et elle ne donne la vérité qu'aux humbles. Aussi les protestans sont-ils contraints d'avouer que l'écriture, même pour les points fondamentaux, n'est pas claire sans grace, c'est-à-dire qu'elle ne l'est que pour les humbles qui ont seuls l'esprit de Dieu.

Ainsi, vous le voyez, mes frères, toute la certitude de leur foi et de leur intelligence des écritures n'est fondée que sur la certitude de leur humilité. Etrange certitude! car qu'y a-t-il de plus superbe que de se croire humble ? Où sont-ils ces petits à qui les mystères sont révélés, pendant qu'ils sont cachés aux grands et aux sages du siècle? Peut-on appeler les protestans petits, eux qui sont, par leurs principes, dans la nécessité de se croire humbles et pleins du Saint-Esprit! eux qui par conséquent sont si grands à leurs propres yeux! eux qui ne craignent point de se tromper en expliquant les écritures, quoiqu'ils assurent que l'église entière s'y est trompée pendant tant de siècles!

Remarquez encore, mes frères, que ce n'est pas précisément la parole de Dieu, mais leur propre explication, qui est le fondement de leur foi: car il n'est pas ques

tion du texte, dont tous conviennent également comme de la règle suprême, mais du vrai sens qu'il faut trouver; et ce vrai sens chacun d'eux s'en assure par son propre discernement, qui est ainsi l'unique appui de sa foi, comme s'il avait personnellement l'infaillibilité qu'il ôte à l'église.

O profondeur, s'écrie saint Augustin sur sa propre expérience dans sa conversion! ô livres inaccessibles à l'orgueil des sages du siècle! vous êtes le glaive à deux tranchans; vous répandez une lumière vivifiante; mais aussi de vous sortent les ténèbres vengeresses. Pendant que les petits tremblent dans le sein de leur mère, se défiant de tout par l'humilité, les sages, par l'orgueil, tournent tout en poison. Je vois des chrétiens qui, comme les Juifs, se croyant dès le ventre de leur mère la race sainte, les héritiers de l'alliance, les interprètes des oracles, vous lisent toujours avec un voile sur le cœur. Ils disent sans cesse, l'écriture, l'écriture, l'écriture! comme les Juifs disaient, le temple, le temple, le temple! Mais l'esprit de l'écriture, qui seul peut vivifier, et qui n'est promis qu'au corps de l'église, les a quittés quand ils l'ont quitté, et la lettre les tue.

Ainsi, ma chère sœur, la lumière luisait en vous au milieu des ténèbres, et les ténèbres ne la comprenaient point. La coutume,

qui peut toujours plus qu'on ne croit sur ceux mêmes qui auraient honte de lui céder; la confiance en vos ministres, qui, sous une apparence de liberté, tenaient tous les esprits assujetis aux finales résolutions de leurs synodes nationaux; les liens de la chair et du sang, ah! tristes liens ! liens que je ne puis nommer sans faire saigner la plus douloureuse plaie de votre cœur ; enfin une haine héréditaire de l'église, haine qui au seul nom de Rome soulevait vos entrailles, et se nourrissait jusques dans la moëlle de vos os, ne vous laissaient pas á vous-même. Vous écoutiez, non pour examiner, mais pour répondre. Un silence nonchalant, ou un ris dédaigneux, ou une réponse subtile, repoussait les raisons dont vous ne sentiez pas encore la force. Mais pour celles qui vous accablaient, que faisaient-elles, ma chère sœur? Je ne craindrai pas de le dire : car je sais qu'elle joie je donnerai à votre cœur en racontant avec vos misères les célestes miséricordes. Rappelons donc ces larmes d'un orgueil impuissant, et irrité de son impuissance.

Qui le croirait, mes frères, que l'examen unique fondement de cette réforme, fût néanmoins ce qu'il est plus difficile d'obtenir d'elle? Enquérez-vous, dit-elle, diligemment des écritures. Ne penseriez-vous pas qu'elle ne dispense personne de l'exa

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